Tribune du PCR

Après la liquidation du « JIR », quelles leçons pour l’avenir des médias écrits réunionnais ?

2 août, par Pascale David

Au lendemain de la décision de liquidation du groupe médias du « JIR » dont le quotidien papier, le Parti communiste réunionnais publie une tribune sur ce sujet. « Quand le PCR appelle à l’esprit de responsabilité, il veut associer tout le monde à la définition de l’avenir commun. Nul doute qu’une presse participative, mutualiste et solidaire y trouvera son compte », indique notamment cette tribune.

Le 31 juillet 2024, le tribunal de commerce de Saint-Denis a rendu une décision de liquidation du « Journal de l’Île de La Réunion » — quotidien qui paraissait depuis 1951. C’est le deuxième titre réunionnais à disparaître « physiquement » des kiosques après « Témoignages », créé en 1944 et dont la version papier a cessé d’être imprimée en 2013. Et nul doute que « le Quotidien » ne tardera pas à suivre, au vu des difficultés rencontrées récemment. Le tribunal avait du reste anticipé cette situation en s’adressant aux journalistes, le 4 avril : « Maintenant c’est à vous de voir avec le repreneur ce qu’il pourra faire. S’il y a un salut, pour le journal, ce sera par l’effort de chacun. Dans la forme actuelle, c’est un à deux millions d’euros de passifs en plus par an, une impasse totale. ».

Ce fait n’empêchera pas ces différents titres de se maintenir ou de réapparaître sur la toile numérique, improprement qualifiée de « dématérialisée ». Il vient rappeler la très grande fragilité de la presse écrite — et pas seulement à La Réunion — conçue comme média de la civilisation industrielle, depuis la fin du 19e siècle. Nos sociétés vivent depuis déjà quelques décennies une bascule dans ce que certains analystes appellent « l’ère post-industrielle » et les nombreux bouleversements induits par ce phénomène appellent de véritables changements de paradigmes, qu’il faut anticiper. Et ceci se vérifie dans de nombreux domaines.

Des occasions manquées

Les historiens de la presse constateront sans doute plus tard que, depuis les difficultés posées à « Témoignages en 2008-2013 », les autres titres de la presse écrites ont raté au moins deux fois l’occasion de se réinventer.
La première fois, c’était lorsque « Témoignages » a participé à un projet pour« mutualiser à trois » les coûts d’impression et de distribution, pour faire de nouvelles économies d’échelle. Le projet a capoté.
La deuxième fois, c’est lorsqu’au Tribunal de Commerce, il leur a été conseillé de fusionner pour continuer à paraître, l’un comme quotidien, l’autre comme magazine hebdomadaire. Là encore, leur manque d’adaptabilité s’est révélé rédhibitoire.

Un nouveau cadre de pensée

Certes, il est facile aujourd’hui d’incriminer leur manque de vision de l’à-venir. Mais ce fait est précisément ce qui doit nous obliger désormais à penser au futur de nos médias écrits. De quelle « presse » allons-nous avoir besoin ? Où vont se trouver les leviers, vecteurs et moyens de sa production ? Quelle va être la place du métier de journaliste dans le bourdonnement continu d’un flux « d’informations » de toutes natures, dominé par les réseaux sociaux ? Pour qui, pour quels enjeux, continuer à faire un journal ?
Ces questions se posent aujourd’hui dans le contexte des bouleversements qui affectent la société réunionnaise comme le reste du monde.
Il y a bien sûr, dans un premier cercle, toutes les questions afférentes au cadre politique et institutionnel étroit dans lequel les forces vives réunionnaises sont de plus en plus étranglées. Mais ce cadre lui-même est soumis à toutes les secousses qui ébranlent l’ensemble des pays industrialisés auxquels nous sommes rattachés. Il n’est que de voir le marasme dans lequel l’Union européenne s’est elle-même plongée…
Tous les paradigmes de la domination de ces puissances historiquement impérialistes sont remis en question et personne ne maîtrise plus rien.
Et lorsque nous voulons tenter d’apporter des solutions aux problèmes — tous imbriqués — qui nous assaillent, il faut s’efforcer de le faire désormais de façon systémique et non pas en les isolant les uns les autres : climat, énergies, ressources, alimentation, transports, éducation et expressions culturelles des peuples, communications, etc.
C’est probablement ce qu’il peut y avoir de plus stimulant pour penser, aujourd’hui, à La Réunion comme ailleurs. Pour ne prendre qu’un seul exemple : l’emploi des jeunes doit être pensé alors que tout le champ social du « travail » est à reconstruire.
Ainsi, la presse comme le reste doivent se réinventer. En effet, le fait de paraître sur internet est aussi fragile que le reste, dépendant d’approvisionnements extérieurs qui peuvent cesser d’un jour à l’autre, ou renchérir dans de telles proportions qu’ils deviendraient inaccessibles.
Concluons que la presse de propriétaires a vécu. Quand le PCR appelle à l’esprit de responsabilité, il veut associer tout le monde à la définition de l’avenir commun. Nul doute qu’une presse participative, mutualiste et solidaire y trouvera son compte !

par Pascale David

A la Une de l’actuImpasse du modèle

Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?

Messages

  • Merci à Pascale pour cette analyse résolument tournée vers l’avenir. À nous toutes et tous d’inventer un mode d’information qui permette au nombre le plus grand possible de participer à l’élaboration d’une information réellement démocratique.
    Le retour aux débats à la base par la base me semble être l’une des solutions permettant à chacun de participer directement à l’élaboration d’une information réellement libre puisqu’elle sera nourrie des ressentis, des attentes librement exprimés sans le "filtre" des "sachants".