’Zot mag’

’Club de chercheurs d’emploi’

19 octobre 2005

Dominique Maraval, Claude Testa, Jimmy Lioni et Christine Ducos ont suivi pendant plusieurs jours des stagiaires en recherche d’emploi à l’ANPE de La Mare à Sainte-Marie.

Le moins que l’on puisse dire en visionnant ce reportage, c’est que pour les chômeurs, la recherche d’un emploi se transforme en véritable parcours du combattant, doublé de séances d’humiliations.
Le coach (eh oui ! comment appeler autrement un entraîneur de cette trempe !), Bruno Técher, met tout son petit monde au pas ; pour commencer, il leur annonce tout de go, qu’un CV en Métropole, les patrons le consultent en 3 minutes, alors pensez ! Chez nous à La Réunion où ils en reçoivent en moyenne 3 fois plus, pour 3 fois moins d’offres, 10 secondes et c’est réglé ! De plus, les compétiteurs que sont ces jeunes nouveaux venus sur le marché du travail doivent faire face à un ennemi redoutable, la sinistre réputation de brûleur de poubelles, "image emblématique du jeune Réunionnais", dixit Bruno, le sergent chef de cette nouvelle armée. Comment obtenir un entretien d’embauche, et comment le réussir ? Tout le programme du sergent Bruno tient en ces quelques mots, qui certes n’ont pas été prononcés, mais qui par la teneur de cette formation, transpirent et font mal comme une bonne paire de claques que l’on assène sur tous les idéaux d’un quidam épris d’humanisme : "Humiliez-vous, courbez la tête et dites merci au Bwana !". Voilà en quelque sorte la philosophie qui émane de ce reportage. J’en connais qui vont bouillir dans les cases en bois sous tôle et d’autres qui certainement vont glousser d’aise. Pensez donc, un sergent recruteur du service public qui réalise leurs basses besognes, en dressant notre jeunesse au doigt et à l’œil pour en faire de gentils marmitons prêts à servir une soupe sans saveur à de gentils patrons qui considèrent leur entreprise comme un bébé, et dixit le sergent Bruno, "sont de véritables mamans". Il poursuit le fantoche, avec : "Ils y ont mis leur sueur, leur argent et toute leur passion dans leur entreprise". Alors sans doute, lorsque que vous vous trouvez au centre même de leur entreprise, vous devez les traiter avec déférence, ces chères petites mamans.
Depuis quelques temps, on voit se profiler une nouvelle façon de traiter l’humain. Il y a d’un côté les nouveaux nobles qui, grâce à une République complaisante, ont gravi les marches de la réussite sans oublier au passage de rafler quelques subsides sur le dos des contribuables, écrasant, pour faire le compte, quelques pauvres âmes qui se seraient trouvées au travers de leur chemin, et puis les autres, le tout venant, la chair à suer. Et qui sait, si vous arrivez à bien jouer la pièce de théâtre que le sergent Bruno Técher vous a apprise, alors on vous jettera, vous les sans grades, les dépossédés mais honnêtes gens, à qui une formation, à qui un stage, à qui un CDD et avec un peu de chance, vous vous construirez un semblant de vie à la solde d’exploiteurs patentés.
Alors ce soir, ne vous attendez pas à avoir des solutions, car vous verrez une opération de relation publique de la part d’un patronat qui a oublié depuis bien longtemps son devoir de citoyen et surtout ce qu’il doit à la nation. Jean-Pierre Técher, pas Bruno, mais le responsable d’AC, lorsque je lui ai demandé ce qu’il attendait de l’émission, m’a répondu : "pas grand-chose, il ne suffit pas de débattre, mais il faut passer aux actes". Il est vrai que lorsqu’il s’agit de passer aux actes, on connaît nos gouvernants : ce serait plutôt tous aux abris et gloire aux riches ! Lorsque le rideau est tombé sur la projection de cette émission, cela m’a laissé un goût amer. Cette mascarade m’a fait penser au vers d’une chanson : "Et gare à la revanche quand tous les pauvres s’y mettront, quand tous les pauvres s’y mettront". Ce sera mon point final en attendant que les téléspectateurs réagissent à ce reportage.

Philippe Tesseron


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