Protestation de l’Ordre des journalistes

Coronavirus à Madagascar : la directrice d’un journal en prison

7 avril 2020, par Manuel Marchal

Arphine Rahelisoa, directrice du journal Ny Valosoa Vaovao, a été placée samedi en détention provisoire dans l’attente de son procès pour « Diffamation et incitation envers le président de la République » suite à un article où le chef de l’État était comparé à un assassin. Cette affaire interpelle eu égard à la manière dont les faits reprochés ont été perpétrés, et par l’envoi en prison d’une journaliste, ce qui n’était pas arrivé depuis bien longtemps à Madagascar.

A Madagascar, l’épidémie n’a pas atteint la même ampleur qu’à La Réunion. En effet, le gouvernement a mis en place des mesures de précaution plus précocément, comme l’interdiction aux compagnies aériennes de transporter des voyageurs en provenance de régions contaminées comme la Chine, l’Italie et la France. Néanmoins, il a dû faire face à l’attitude d’Air France qui ne respectait pas ces consignes. Puis la quarantaine à suivre à Antananarivo a été imposée aux personnes venant notamment de France. Mais des failles ont été observées. Des personnes n’ont pas respecté cette quarantaine et ont été repérée dans un marché de la capitale, ou dans les provinces. Ces comportements irresponsables ont contribué à diffuser le coronavirus dans le pays. Hier 6 avril, 82 cas étaient recensés officiellement, dont 17 présentant des symptômes.
Madagascar connaît également une presse très dynamique, avec de nombreux quotidiens et hebdomadaires d’information. Dans son sein, la presse d’opinion tient encore une place importante. Outre Imongo Vaovao, journal de l’AKFM, différents partis ou courant d’opninion ont leur presse. C’est le cas de l’ancien président Marc Ravalomanana, avec Ny Valosoa Vaovao.

Faits reprochés

Sujet de grande importance, la crise du coronavirus suscite donc des débats. Ce débat vient de connaître un dérapage avec l’incarcération de la directrice de publication de Ny Valosoa Vaovao, Arphine Rahelisoa. Elle a été inculpée de « Diffamation et incitation envers le président de la République » avant d’être écrouée dans l’attente de son procès. « La décision aurait dû être une liberté provisoire au lieu d’un mandat de dépôt. La prévenue est attaquée de nouveau en justice après l’affaire de l’hélicoptère à Mahamasina où elle a été acquittée. Pour l’instant, la date de l’audience n’est pas annoncée. Cela nous paraît incohérent car d’après la note du ministre de la Justice, tous dossiers urgents, les délits ou les flagrants délits devraient être traités », indique son avocat, Willy Razafinjatovo cité par « Madagascar Tribune » qui revient sur les faits reprochés : « La parution du journal est temporairement suspendue alors que l’administration du site à l’extérieur s’est permis de continuer la publication avec des “mots indignes” dont la directrice de publication n’a pas été avisée ». C’est donc en tant que responsable de tout ce qui est publié dans son journal qu’ Arphine Rahelisoa est mise en cause.

« Liberté d’expression bafouée »

Gérard Rakotonirina, président de l’Ordre des journalistes de Madagascar, ajoute que l’accusation qui a mis la journaliste en prison tombe sous le coup de « la loi sur la cybercriminalité alors que ce texte ne prévoit aucune peine privative de liberté ». Et de conclure en affirmant que « La liberté de l’expression pour laquelle nous avons lutté depuis longtemps est bafouée ».
« Madagascar Tribune » rapporte que des journalistes sont venus apporter leur soutien à la directrice de Ny Valosoa Vaovao lors de l’audience au tribunal.
Cette décision crée un précédent inquiétant, car si les faits reprochés ne sont pas punis par une peine d’emprisonnement, alors pourquoi placer en détention provisoire ?

M.M.

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