Contre la fracture numérique : partenariat entre l’UNESCO et Microsoft

Former 500.000 étudiants africains

22 novembre 2004

(Page 16)

"Microsoft a rejoint aujourd’hui la coalition de grands partenaires du secteur privé qui soutient la stratégie mondiale de l’UNESCO visant à utiliser les technologies de l’information et de la communication", affirme l’UNESCO. Le directeur général de l’UNESCO, Koïchiro Matsuura, et Bill Gates, président et architecte logiciel de Microsoft, ont signé un accord de coopération au siège de l’Organisation en présence de Hans-Heinrich Wrede, président du Conseil exécutif, et de l’ambassadeur Louise Oliver, délégué permanent des États-Unis d’Amérique auprès de l’UNESCO.
"Nous sommes ravis et nous nous félicitons de ce nouveau partenariat", a déclaré le directeur général de l’UNESCO. "Il fournit à l’UNESCO une opportunité de mettre en pratique le partenariat stratégique international préconisé par les Nations-Unies pour réduire la fracture numérique", a-t-il dit. Pour Bill Gates, "nous comptons former dans le cadre de notre programme d’apprentissage au moins 500.000 étudiants africains. Il s’agit pour nous de permettre à ces jeunes d’avoir accès partout où ils se trouvent aux nouvelles technologies", a-t-il précisé. Selon le président de Microsoft, son entreprise va mettre quelque 500 millions de dollars pour aider à la réduction de la "fracture numérique" dans les pays d’Afrique au Sud du Sahara.
"Nous avons déjà investi un milliard de dollars pour aider à la formation dans les NTIC. Nous comptons engager une enveloppe de 500 millions de dollars supplémentaires avant de passer à une vitesse supérieure. Nous n’espérons aucun bénéfice de cette initiative. Notre satisfaction réside dans la contribution que nous apportons à l’autonomie des gens à travers les NTIC", a ajouté Bill Gates.
La relation entre Microsoft et l’UNESCO n’est pas exclusive, et Koïchiro Matsuura a réaffirmé le soutien continu de l’Organisation à différents modèles de logiciels, tant propriétaires qu’open source, conformément au paragraphe 27 de la Déclaration adoptée à Genève l’année dernière par la communauté internationale lors du Sommet mondial sur la société de l’information.


Ne pas oublier les logiciels libres

Dans un communiqué le 19 novembre 2004, l’APRIL et la FSF France appellent à la vigilance :
L’APRIL et la FSF France s’inquiètent des effets de l’accord signé mercredi 17 novembre par l’UNESCO avec Microsoft. La politique induite par ce document est en effet en contradiction avec le soutien au logiciel libre affiché par cette organisation ces dernières années. De plus cet accord survient dans un contexte international trouble. Les États-Unis mènent en effet actuellement une offensive sans merci contre le logiciel libre dans le cadre de la préparation du Sommet mondial de la société de l’information (SMSI), sous l’égide des Nations-Unies, tout en imposant à certains pays dits “en voie de développement”, par des accords bilatéraux, des régimes de gestion des oeuvres et des inventions inadaptés. Ces pays ne disposent en effet pas des actifs et du tissu industriel nécessaires à la production de certains types de biens. Subissant un système de droit inadéquat car conçu pour un pays développé, ils sont contraints de se les procurer à des prix insoutenables auprès des grandes sociétés du Nord.
L’accord signé avec l’UNESCO conduira cette organisation à patronner la mise à disposition de plus de logiciels propriétaires aux pays en voie de développement. De tels logiciels, qui ne peuvent pas être utilisés, étudiés, modifiés et redistribués librement, ne contribueront pas à garantir à terme l’équipement du plus grand nombre des citoyens de ces pays.
Alors que la volonté commune d’émancipation du Japon, de la Chine et de la Corée du Sud les conduit à développer un système d’exploitation commun basé sur le noyau Linux (...), il est regrettable que l’UNESCO invite ainsi les pays en voie de développement à mettre le doigt dans l’engrenage de la dépendance informationnelle plutôt que d’investir dans la fourniture d’instruments technologiques, leur permettant de prendre à terme leur destin en main.
Le logiciel libre est en effet un bien commun informationnel librement utilisable et adaptable par tous. Il permet d’accéder au patrimoine commun de l’humanité en la matière à un prix raisonnable et de mener des stratégies de développements mutualisés, génératrices d’importantes économies. Il est également créateur d’emplois locaux qualifiés, les développeurs du Sud ayant la possibilité d’adapter les logiciels aux besoins. Il permet enfin de mettre gratuitement à disposition les logiciels ainsi développés, possibilité dont il semble superflu de souligner l’importance pour des pays n’ayant parfois pas même les moyens d’assurer la sécurité alimentaire ou sanitaire de leurs populations.
L’APRIL et la FSF France soulignent que la copie de logiciels propriétaires peut également être effectuée, comme pour toute oeuvre immatérielle, à un prix réduit. Il ne coûtera donc en pratique que très peu à Microsoft de mettre à disposition des plus pauvres des oeuvres par essence abondantes et déjà largement rentabilisées par leur vente dans les pays riches.
L’APRIL et la FSF France prennent acte des propos de Koïchiro Matsuura, directeur général de l’UNESCO, qui a indiqué que la relation entre Microsoft et l’UNESCO n’était pas exclusive. L’APRIL et la FSF France invitent cependant l’UNESCO et les pays du “Sud” à ne pas se tromper sur l’identité du bénéficiaire à terme d’une telle “générosité”


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