Classement mondial RSF 2025

La fragilisation économique des médias, une des principales menaces pour la liberté de la presse

3 mai

D’après le classement annuel de l’ONG, médias et journalistes sont confrontés à des situations « problématiques », « difficiles » ou « très graves » dans les trois quarts des 180 pays évalués.

« À l’heure où la liberté de la presse connaît un recul inquiétant dans de nombreuses régions du monde, un facteur majeur – souvent sous-estimé – fragilise profondément les médias : la pression économique. Concentration de la propriété, pressions des annonceurs ou des financeurs, absence, restriction ou attribution opaque des aides publiques… » Les pressions économiques menacent la liberté de la presse, a alerté Reporters sans frontières (RSF), qui pointe notamment du doigt une « dégradation inquiétante » aux États-Unis sous le mandat de Donald Trump.

D’après le classement annuel de l’ONG, publié à la veille de la journée mondiale de la liberté de la presse, des médias et journalistes sont confrontés à des situations « problématiques », « difficiles » ou « très graves » dans les trois quarts des 180 pays évalués.

« En 2025, une nouvelle ligne rouge est franchie. Pour la première fois dans l’histoire du Classement mondial de la liberté de la presse de RSF, les conditions d’exercice du journalisme sont difficiles, voire très graves dans la moitié des pays du monde », a alerté la directrice éditoriale de RSF, Anne Bocandé, désignant plus particulièrement le poids des contraintes économiques, illustrées par le cas américain.

Loin de la Norvège, première du classement pour la 9ème année consécutive, les États-Unis perdent deux places et se retrouvent en 57e position, derrière la Sierra Leone. « La situation n’était déjà pas reluisante » dans le pays, rétrogradé de dix places en 2024, a indiqué Anne Bocandé.

Mais la situation aux Etats-Unis s’est encore aggravée depuis l’investiture en janvier du président américain, auteur d’« attaques quotidiennes » contre la presse. « La liberté de la presse n’est plus un acquis aux États-Unis », a récemment constaté le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), dans un rapport sur les 100 premiers jours du second mandat de Donald Trump.

Donald Trump fait la chasse aux médias

Le président américain a notamment lancé le démantèlement des médias publics américains à l’étranger, comme Voice of America, privant « plus de 400 millions de personnes » d’un « accès à une information fiable », selon l’ONG.

Le 2 mai, dans un décret publié le 1er mai, Donald Trump a annoncé couper les financements « des contribuables » envers Public Broadcasting Service (PBS) et la National Public Radio (NPR), les deux plus grands réseaux de diffusion de la télévision et de la radio américaines. Ce dernier a estimé que « les médias biaisés » sont selon lui « malades, n’écrivent presque que des articles négatifs à mon sujet, peu importe à quel point je me débrouille bien (...) et sont vraiment les ennemis du peuple », a-t-il affirmé sur son réseau Truth Social.

« Le gel des fonds d’aide internationale », via l’Agence américaine de développement USAID, a également « plongé des centaines de médias dans une instabilité économique critique » et contraint certains « à la fermeture, notamment en Ukraine » (62e, -1 place).

Dans le même temps, de « vastes déserts de l’information » se créent aux États-Unis avec la disparition de nombreux titres locaux en proie à des difficultés financières. Ces « pressions économiques », moins visibles que les exactions physiques contre les journalistes, sont une « entrave majeure » à la liberté de la presse, a assuré RSF.

Fermeture de médias dans le monde

« Dans près d’un tiers des pays du monde », dont la Tunisie (129e, -11) et l’Argentine (87e, -21), « des médias d’information ferment régulièrement, sous l’effet des difficultés économiques persistantes ».

Une trentaine de pays se distinguent aussi par « des fermetures massives ayant provoqué, ces dernières années, l’exil de journalistes », comme le Nicaragua (172e, -9) ou l’Afghanistan (175e, +3).

En Palestine (163e,-6), la situation est « désastreuse », selon RSF, qui accuse l’armée israélienne d’avoir « détruit des rédactions et tué près de 200 journalistes », tandis que « l’absence de stabilité politique » en Haïti (112e, -18) « plonge l’économie des médias aussi dans le chaos ».

« Les journalistes palestiniens continuent d’accomplir un travail héroïque, au prix d’un lourd tribut ; 170 ont été tués à ce jour », a déclaré Philippe Lazzarini, Commissaire général de l’UNRWA. « La libre circulation de l’information et les reportages indépendants sont essentiels pour établir les faits et garantir la responsabilité lors des conflits ».

De son côté, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme indique que 209 journalistes ont été tués à Gaza depuis le 7 octobre 2023, ce chiffre étant celui de tous les journalistes tués dans l’exercice de leurs fonctions ou à leur domicile, selon le site de l’ONU.

La situation des journalistes en Cisjordanie est également critique : des journalistes arrêtés auraient été victimes de simulacres de violences et de menaces de violences sexuelles contre des femmes journalistes de la part des autorités israéliennes et palestiniennes, a précisé le bureau du HCDH.

L’économie du secteur « mise à mal » par les GAFAM

Plus généralement, l’économie du secteur est « mise à mal » par les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft), dont les plateformes, « largement non régulées, monopolisent une part croissante des revenus publicitaires » et participent à « la prolifération de contenus manipulés ou trompeurs ».

La liberté d’informer est aussi « de plus en plus entravée par des conditions de financement opaques ou arbitraires », comme en Hongrie (68e, -1) où « le gouvernement asphyxie les titres critiques via la distribution inéquitable de la publicité d’État ».

De plus, dans des pays « bien positionnés » comme la Finlande (5e) ou l’Australie (29e, +10), la concentration des médias, « menace pour le pluralisme », reste « un point de vigilance ».

Ainsi, en France (25e, -4), une « part significative de la presse nationale est contrôlée par quelques grandes fortunes », a indiqué RSF, s’interrogeant sur « l’indépendance réelle des rédactions ».

La situation de la liberté de la presse est qualifiée de « très grave » dans 42 pays, dont sept font leur entrée dans cette catégorie (Jordanie, Hong-Kong, Ouganda, Ethiopie, Rwanda, Kirghizistan et Kazakhstan). L’Érythrée reste en dernière position, derrière la Corée du Nord et la Chine.

Des solutions : un New Deal pour le journalisme

RSF a préconisé des engagements concrets afin de préserver la liberté de la presse et le droit à l’information, ainsi que pour sortir les médias de cette spirale économique délétère qui menace leur indépendance et leur survie : c’est le sens de l’appel de RSF pour un New Deal pour le journalisme.

Le New Deal pour le journalisme repose sur 11 recommandations concrètes permettant de répondre à cette crise : protéger le pluralisme via la régulation économique, instaurer une responsabilité démocratique des annonceurs, ou encore mettre en place une taxation des géants de la tech pour financer l’information de qualité.


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