Droit de réponse à l’article ...

“La Réunion doit être une terre de production audiovisuelle”

28 décembre 2007

Monsieur,
Puisque votre article n’est pas signé, je vous appellerai ainsi. Tout d’abord, merci de consacrer tant de lignes à notre modeste film.
Je commencerai par répondre à votre dernière interrogation, oui, la Corse est prête à financer un tel film, puisque tel est le cas de cet “îles en parallèle”.
Ce film est financé majoritairement par France 3 Corse et la Collectivité Territoriale de Corse, alors que la Région Réunion n’a pas financé ce projet et que RFO est coproducteur du film en y apportant une part d’industrie.
Voilà donc en une phrase votre prose partisane balayée d’un trait de plume.
Vous avez le droit de ne pas aimer ce film, le droit de le dire, de l’écrire, tel est l’art de la critique et de la liberté d’expression, mais permettez-moi de rectifier la somme d’erreurs que vous accumulez dans votre papier.
La réalisatrice ne s’appelle pas Christelle Antoni, mais Véronique Buresi, et elle n’est en rien amie de M. Bouquet-Grilli. Christelle Antoni est Directrice de Production de Mareterraniu et n’a jamais rencontré à ce jour M. Bouquet-Grilli.
Il est néanmoins vrai que M. Bouquet-Grilli a voulu et soutenu notre proposition de projet.
Vous vous demandez : “qu’il y a-t-il de commun entre la Corse et La Réunion ?”, je vous répondrai que là n’est pas la question, ni même d’ailleurs la problématique du film. Peut-être auriez-vous aimé un énième film fait par des gens de Métropole montrant le lagon, le piton, les plantations de cannes. Cette option n’était pas la nôtre, ce film s’inscrit dans une démarche de documentaire d’auteur et non de “reportage”, comme vous le signifiez dans votre article. Il interroge l’insularité, son quotidien, ses codes. Un Corse et un Réunionnais, alors que tout les éloigne : leur histoire, leur culture, leur situation géographie, partagent-ils des codes, une structure mentale façonnée par l’insularité ? Pour répondre à cette question, nous sommes allés à la rencontre de celles et ceux qui habitent ces deux territoires et s’interrogent sur leur rapport à l’île.
Vous affirmez dans votre article : « Quant au chanteur corse Pierre Gambini, ce qu’il voit à l’extérieur de son île, c’est (là, je prends un raccourci) le besoin de montrer et de montrer son île au reste du monde ». Attention au raccourci, il vous mène à l’aveuglement, voire à la surdité. Vous entendez le contraire de ce que dit Pierre Gambini ; puisqu’il affirme se nourrir de tout ce qui vient de l’extérieur et parle de son oppression qu’il ressent parfois sur ce territoire insulaire.
Mais peut-être auriez-vous tant aimé entendre ces propos réducteurs, que vous les avez imaginés. Vous vous abaissez à traiter les Corses de « chauvins », pourquoi ne pas alors aller au bout de votre diatribe, et évoquer leur légendaire paresse et le terrorisme inscrit dans nos gênes, puisque vous y êtes. Devons-nous lire dans vos lignes les aphres d’un discours raciste, d’exclusion, vous, le pourfendeur de la tolérance ?
Dans un registre proche, vous voudriez aussi que nous exaltions l’âme créole, vous voilà chauvin à votre tour. Nous n’avons pas cette prétention, nous laissons le soin à ceux qui portent cette âme de le faire. Nous souhaitons simplement donner la parole aux Créoles pour qu’ils exposent la manière dont ils vivent en tant que tel leur rapport à l’île.
Il n’y a que polémique dans votre article, je vous ai lu en d’autres occasions et vous ai trouvé plus pertinent. Je produis en Corse, sur le Continent, en Métropole, à La Réunion, à l’étranger, et par ce que je suis originaire de Corse, que j’y vis et y travaille, je ne considérerai jamais un producteur, un technicien réunionnais inférieur à un autre, comme vous l’affirmez. Les combats que je mène sur mon territoire pour faire travailler des insulaires ne me pousseront jamais à avoir une attitude contraire à ces principes à l’extérieur. Pour preuve, ce projet que vous n’avez pas aimé est un pilote qui va déboucher vraisemblablement sur une série puisqu’il a plu en d’autres sphères. Y participeront des réalisateurs de différentes îles qui poseront leurs regards sur d’autres territoires insulaires. Un réalisateur de La Réunion fera partie de cette aventure.
Enfin, pour conclure, je vous dirai que je suis d’accord avec votre titre “La Réunion doit être une terre de production audiovisuelle”. Il lui faut donc accueillir des tournages venant de l’extérieur (et non les faire fuir par des articles diffamatoires) afin de développer cette activité et favoriser des coproductions, ce qu’a fait RFO pour ce film. Je tiens à préciser qu’un documentaire repose sur une économie proche de l’artisanat, et pour ce film, sur les 20 jours de tournage, 10 jours (ceux tournés à La Réunion) ont été assurés à 100% par des techniciens réunionnais. Comme le tournage en Corse l’a été par des techniciens corses.
Je comprends vos inquiétudes, les soutiens, mais je pense que votre exemple est mal trouvé pour porter votre discours. Discours sectaire, d’exclusion, à la limite du racisme, qui, me semble-t-il, cache d’autres combats que vous menez, vraisemblablement contre la Direction de RFO, combats auxquels je suis étranger. Permettez-moi donc de ne pas être un faire-valoir à vos revendications.
En espérant que vous respecterez un droit qui honore la presse française et que publierez ce “droit de réponse” dans les pages de votre journal,

Cordialement,

Paul Rognoni, Producteur, qui s’honore d’avoir produit ce premier opus entre La Réunion et la Corse.


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