ADSL : l’ARCEP donne les chiffres de la discrimination

Le développement social et économique de La Réunion plombé

10 août 2005

Dans sa lettre de juillet-août, l’autorité administrative de régulation du secteur des télécommunications apporte un éclairage sur ce qui se passe à La Réunion. Elle concentre sa réflexion sur l’accès des Réunionnais à l’Internet à haut-débit que l’on connaît ici la plupart du temps sous la forme de l’ADSL. L’ARCEP donne les chiffres de la discrimination subie par les Réunionnais. Or, l’accès à l’ADSL est loin d’être un gadget pour intellectuels fortunés. C’est, comme le rappelle l’ARCEP, ’un enjeu central pour le développement social et économique’. Sur un sujet aussi essentiel, une double exigence d’égalité et de transparence doit être respectée.

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Dans sa lettre bimestrielle de juillet-août, l’ARCEP, l’autorité administrative chargée de réguler les secteurs des télécoms et des postes ouverts à la concurrence, consacre une page à la situation vécue par les usagers réunionnais. L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes dénonce la politique tarifaire des différents fournisseurs d’accès à l’Internet à haut-débit. Cette dernière technique, plus connue sous le nom de l’ADSL, est aujourd’hui déployée dans notre île. Mais force est de constater que l’usager réunionnais a un service de moindre qualité que l’usager métropolitain, mais en plus, il doit payer beaucoup plus cher. Le “tarif de détail”, c’est-à-dire le prix de l’abonnement à l’ADSL est "deux fois supérieur aux tarifs pratiqués en Métropole dans les zones non dégroupées", c’est-à-dire le double des tarifs les plus élevés en France.

Moins bien et deux fois plus cher

Par ailleurs, l’ARCEP constate que les Réunionnais n’ont pas la possibilité d’utiliser pleinement la technologie du haut-débit : ils doivent payer plus cher pour un débit bridé. C’est ainsi que l’on peut comprendre cette phrase : "autres particularités du marché réunionnais : les débits proposés ne dépassent pas 1024 kbit/s sur le marché résidentiel et la plupart des fournisseurs d’accès à Internet proposent des offres facturées au volume de données téléchargées".
L’ARCEP donne l’éloignement de la Métropole comme une explication à cette inégalité : "les tarifs de détail des offres d’accès haut-débit par ADSL destinées à la clientèle résidentielle à La Réunion sont largement déterminés par les coûts du transport des flux IP entre ce département et la Métropole". Et d’affirmer un peu plus loin que pour diminuer l’influence de ce facteur dans le prix payé par l’usager, France Télécom, qui joue dans ce marché un rôle de grossiste, va diminuer "son offre de gros “Collecte IP/ADSL” permettant aux FAI (1) de remonter leur trafic en Métropole". Et comme l’écrit l’ARCEP, la baisse est de 50%.

Pourquoi cette inégalité ?

Alors, l’ADSL au même prix qu’en Métropole, c’est pour bientôt ? Rien n’est moins sûr car même si les fournisseurs d’accès à Internet à haut-débit voient leurs charges diminuer, rien ne dit que la baisse va se répercuter sur la facture de l’usager. En effet, l’ARCEP regrette "que la baisse d’un facteur dix du prix des liaisons de transport sur le câble sous-marin SAFE reliant La Réunion à la Métropole, imposée par le régulateur à France Télécom à la suite d’un règlement de différend, n’ait pas entraîné de baisse significative des offres au détail". Pour l’ARCEP, "la concurrence n’est pas suffisante pour le développement du haut-débit" : c’est son explication.
Pourquoi les différents fournisseurs d’accès déjà présents à La Réunion font payer aux Réunionnais un tarif refusé par tout Métropolitain ? Ceux qui vendent des accès à Internet aux Réunionnais vont-ils enfin faire converger leurs tarifs avec ce qu’ils demandent aux Métropolitains ? C’est une double exigence d’égalité et de transparence qui se dessine.
L’accès à l’ADSL est loin d’être un gadget pour intellectuels fortunés. C’est, comme le rappelle l’ARCEP, "un enjeu central pour le développement social et économique". C’est une bataille d’importance car pour notre île enclavée, l’accès au plus grand nombre et au meilleur prix aux technologies de la communication est une des conditions du développement durable.

Manuel Marchal

(1) Un FAI (Fournisseur d’accès à Internet) est une entreprise qui commercialise auprès des usagers des abonnements à Internet. C’est donc un intermédiaire indispensable pour qui veut utiliser le réseau mondial de connaissances et d’informations. Parmi les FAI les plus connus à La Réunion : Wanadoo et Outremer on line.


Comment se forment ces prix ?

Selon l’ARCEP, plusieurs facteurs qui interviennent dans la formation du prix de l’accès à l’ADSL à La Réunion ont fortement diminué. Le tarif d’accès payé par les opérateurs locaux au câble sous-marin en fibres optiques SAFE a baissé de 90%. Par ailleurs, l’ARCEP affirme que France Télécom a diminué de 50% le prix payé par ces mêmes opérateurs pour faire transiter des informations de La Réunion vers la France.
Mais dans le même temps, le prix payé par l’usager n’a pas diminué de la même façon, loin s’en faut. Cela montre l’urgence de faire la transparence, pour que les Réunionnais sachent pourquoi ils paient beaucoup plus cher que les Métropolitains pour le même service. C’est une des raisons pour lesquelles il est indispensable que soit enfin mise en application la loi qui crée un Observatoire des prix à La Réunion.


L’article paru dans la lettre de l’ARCEP

Télécoms à La Réunion : une concurrence insuffisante

L’ARCEP estime qu’à La Réunion, et dans les DOM en général, la concurrence n’est pas suffisante pour le développement du haut-débit alors qu’il s’agit d’un enjeu central pour le développement social et économique. Pour assurer le développement du marché du haut-débit et favoriser la concurrence, les baisses des tarifs de gros doivent être répercutées, au moins partiellement, sur les tarifs de détail.

Le marché du haut-débit reste peu dynamique à La Réunion en dépit de l’appétence de ses habitants pour utiliser Internet. La principale raison tient au niveau des tarifs de détail qui, à débit équivalent, sont deux fois supérieurs aux tarifs pratiqués en Métropole dans les zones non dégroupées. Autres particularités du marché réunionnais : les débits proposés ne dépassent pas 1024 kbit/s sur le marché résidentiel et la plupart des fournisseurs d’accès à Internet proposent des offres facturées au volume de données téléchargées. Les tarifs de détail des offres d’accès haut-débit par ADSL destinées à la clientèle résidentielle à La Réunion sont largement déterminés par les coûts du transport des flux IP entre ce département et la Métropole.
C’est la raison pour laquelle l’ARCEP a donné un avis favorable à la décision tarifaire de France Télécom proposant une baisse de son offre de gros “Collecte IP/ADSL” permettant aux FAI de remonter leur trafic en Métropole.
À titre d’exemple, le tarif mensuel du Mbit/s passe ainsi de 3.182 à 1.650 euros pour un trafic compris entre 1 et 20 Mbit/s et de 2.869 à 1.500 euros pour un trafic supérieur à 50 Mbit/s.
Sachant que l’offre “Collecte IP/ADSL” est la plus utilisée à La Réunion, cette baisse des tarifs, si elle est répercutée totalement (voire partiellement) sur les prix de détail, devrait fortement contribuer au développement du haut-débit à La Réunion, comme cela a été observé en Métropole lors des baisses successives d’IP/ADSL en 2002 puis en 2004.

Manque de dynamisme des opérateurs

L’ARCEP estime qu’à La Réunion, et dans les départements d’Outre-mer en général, la concurrence n’est pas suffisante pour le développement du haut-débit alors qu’il s’agit d’un enjeu central pour le développement social et économique. Elle espère un dynamisme accru de la part d’opérateurs nationaux jusqu’ici peu présents dans les DOM et surtout de la part d’acteurs locaux.
À titre d’illustration, on peut regretter que la baisse d’un facteur dix du prix des liaisons de transport sur le câble sous-marin SAFE reliant La Réunion à la Métropole, imposée par le régulateur à France Télécom à la suite d’un règlement de différend, n’ait pas entraîné de baisse significative des offres au détail. (1)
L’Autorité a rencontré sur place, lors de la 10ème Université d’été de la Communication de l’océan Indien en juin, des opérateurs et France Télécom pour examiner les conditions d’une baisse des tarifs de détail et organiser un suivi de ce dossier. Ces rencontres ont été également l’occasion d’étudier les problèmes adjacents qui continuent de se poser comme la sécurisation du câble SAFE.

(1) Le passage est souligné par nos soins.


L’ARCEP succède à l’ART

L’Autorité de régulation des télécommunications (ART) avait été créée par la loi de 1996 pour réguler le secteur des télécommunications. En 2005, le législateur a souhaité lui confier également la régulation des activités postales, dans un contexte de libéralisation accrue avec la transposition progressive en droit français des directives européennes. C’est ainsi que l’ART est devenue l’ARCEP : l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.


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