Dans “Église à La Réunion” du mois de mars

Le sens de la peine aujourd’hui

16 mars 2005

Suite à la parution du dernier numéro de l’ODR “La population carcérale” (voir “Témoignages” de lundi), nous proposons aujourd’hui un nouvel éclairage sur la vie en prison à La Réunion avec un extrait de l’intervention de Guito Lauret, responsable du service pénitentiaire d’insertion et de probation du Centre pénitentiaire du Port.

(page 7)

(...) Ces personnes sont effectivement, pour un moment, mises à l’écart, gardées en toute sécurité, et dans la grande majorité des cas, remises en liberté, un jour... après l’exécution de leur peine. Voilà la réalité... Mais cette peine ! Quelle a été son utilité sociale réelle, quel sens lui avons-nous donné ?
Cette peine “justifiée” constitue la rétribution (la compensation)... Elle est qualifiée de normale, d’équitable de juste et j’en passe pour la ou les fautes commises.
Cette peine doit, à mon avis, aujourd’hui plus que jamais, permettre la restauration de la personne, sa réadaptation, elle doit ouvrir une possibilité de réparation plus adaptée à l’égard des victimes, pour ne pas se vider de son sens profond.
Il devient aujourd’hui plus important de travailler à la prévention de la récidive, d’œuvrer pour une véritable réinsertion des personnes sous mains de justice que de rechercher à organiser une expiation de plus en plus forte à des fins salvatrices totalement subjectives, qui vise à assouvir, en fait, une volonté de vengeance sans cesse “réactivable”. (...)
Qui n’a pas entendu comme moi ces derniers temps à La Réunion après les récents événements : "Qu’on les mette au trou... Qu’ils n’en sortent jamais..." La vox populi est celle-là, vous le savez comme moi, et les propos vont même des fois plus loin.

La prison cinq étoiles n’existe pas

Qui peut penser un seul instant qu’un être humain puisse connaître une quelconque évolution, l’ombre d’une rédemption, et entamer un travail sur lui-même, s’il se trouve en état de souffrance permanente au fin fond d’une cellule ?
Comment imaginer déclencher l’envie de changer, de se réadapter, pas la répression ou les privations de toutes sortes ?
Avez-vous essayé de mesurer, d’imaginer les effets destructeurs et désocialisants de l’enfermement simple, de l’impossibilité pendant des années de quitter quelque huit mètres carrés ?
La simple privation d’une de nos libertés les plus élémentaires cause des souffrances extrêmes ? Eh oui...
Il n’existe pas de prisons cinq étoiles, en tout cas, pas en France et encore moins à La Réunion. Il nous faut absolument tordre le cou à cette idée répandue qui ressurgit encore trop souvent, relayée par les médias, dès que l’on est envahi par des émotions d’un crime odieux ou d’une atteinte grave aux biens.
Les “que fait-on ?”, “Que fait la police ?, “Que fait la justice ?”, “Que fait le gouvernement ?”... sont sur toutes les lèvres dans ces moments-là. Et notre répulsion pour le monde carcéral s’en trouve renforcée sinon entretenue.

Une aggravation de l’exclusion

Voici quelques précisions pour terminer mon propos. Elles vous permettront de mieux appréhender la situation dans nos prisons à La Réunion. 1.035 détenus sur le département dont 663 pour le seul établissement du Port. Plus de 1.500 personnes survivent à l’extérieur dans le cadre d’un sursis avec mise à l’épreuve, d’une délibération conditionnelle, d’un placement à l’extérieur, d’une peine d’intérêt général, d’un contrôle judiciaire, d’une semi-liberté, d’un suivi socio-judiciaire. Les mesures de placement sous surveillance électronique sont programmées pour 2005.
Les conditions de détention dans les prisons de La Réunion restent difficiles. De nombreux détenus sont en situation de rupture totale avec leur famille, sans travail ou sans formation. Mais c’est souvent l’absence de soutien extérieur, qui transforme inexorablement les individus qui subissent une peine.
Le détenu ne croit plus en rien, quand sa situation personnelle ne l’incite plus à bouger. Il n’espère plus rien. Il ne demande plus rien. Il "végète"...
L’enfermement, l’insuffisance d’activités, le manque d’espace, les situations d’indigence, facilitent malheureusement l’accoutumance à l’oisiveté. L’exécution d’une peine aujourd’hui ne supprime ni la détresse morale, ni l’état d’indigence, dans laquelle de nombreux détenus se sont résignés à vivre. (...)


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