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Communiqué de la Journalists Association of Mauritius
9 février 2024, par
La presse principal adversaire du Premier ministre sortant lors des élections à Maurice : cette déclaration de Pravind Jugnauth fait réagir la Journalists Association of Mauritius présidée par Joël Toussaint. Notre confrère rappelle le rôle de la presse dans le fonctionnement d’une société démocratique.
« La déclaration du Premier ministre Pravind Jugnauth à l’effet que la presse serait son principal adversaire aux prochaines législatives est aussi mal inspirée qu’elle est mal-fondée.
Pour l’édification de tout un chacun, il importe de comprendre le fonctionnement d’une société démocratique. La Constitution mauricienne prévoit que notre État fonctionne avec trois axes institutionnels : le législatif, l’exécutif et le judiciaire. Au centre de cette relation triangulaire, il y a un regard vigilant que la presse a pour mission d’exercer afin de s’assurer que les responsables de ces institutions usent des pouvoirs qui leur ont été conférés pour le bien commun.
Il est, par conséquent, malheureux que le Premier ministre ne soit toujours pas parvenu à réaliser que les politiciens opèrent dans le champ politique et que les journalistes opèrent dans le champ médiatique. Ainsi, la presse et le personnel politique opèrent dans deux champs différents. Les hommes politiques font face aux électeurs chaque cinq ans et les journalistes sont confrontés à leurs lecteurs au quotidien. A partir de là, même les esprits les plus confus peuvent réaliser que les journalistes et les politiciens, n’étant pas alignés dans la même ligue, ne peuvent être des adversaires.
« Notre liberté dépend de la liberté de la presse et elle ne saurait être limitée sans être perdue » : ces mots, Thomas Jefferson les écrivait en 1786. L’histoire politique, partout dans le monde, nous rappelle que le pouvoir exerce sur les hommes politiques cette fascination qui les font tendre vers l’omnipotence et la dictature. Et c’est une presse sans entraves qui permet à la société d’être informée des travers de ses dirigeants et de les mettre en garde quand leur liberté est en passe d’être confisquée.
M. Jugnauth, comme tous les politiciens d’ici et d’ailleurs, a choisi librement de s’engager en politique. Personne ne l’y a forcé. Et, en démocratie, il est convenu que les personnes détentrices de pouvoirs institutionnels doivent rendre des comptes. L’engagement politique n’est tout simplement pas fait pour ceux que ces normes démocratiques indisposent.
Le journalisme est l’espace où la diversité des points de vue est la garantie d’une presse indépendante. C’est ce qui enrichit concrètement la démocratie. Cependant, cette diversité — qui s’exerce parfois dans une adversité pugnace entre les journalistes eux-mêmes — se garde bien de l’expression d’une domination exclusive susceptible de réduire l’espace de la pensée, voire même de l’anéantir.
Pour peu qu’un dirigeant politique constate la faiblesse de son opposition parlementaire, plutôt que de s’en réjouir et s’enorgueillir, il devrait s’en faire plus scrupuleusement le souci. Néanmoins, cela semble aller de soi pour Pravind Jugnauth, alors que ce n’est que l’aveu d’un fanatisme qui s’ignore. Le Leader of the House sera-t-il assez fort pour restaurer le débat parlementaire ? C’est le challenge politique qui devrait l’occuper, plutôt que d’aller chercher querelle à ceux qui n’appartiennent pas à cette même catégorie.
L’île Maurice appartient au club select des plus vieilles traditions de presse du monde. La presse mauricienne, et de même l’Assemblée nationale, peuvent s’enorgueillir de ces quelques individus qui ont été des journalistes émérites tout en assurant avec honneur leurs responsabilités d’élus au sein du conseil législatif. Pravind Jugnauth peut aspirer à reprendre ce flambeau. Il conviendrait alors qu’il descende de charge. Puisse-t-il alors nous éclairer, plutôt que de se brûler aux flammes incendiaires de la partisanerie politique. »
Joël Toussaint
Président, Journalists Association of Mauritius (JAM)
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