Tillier et les héros fondateurs de La Réunion

14 mars 2008

Absence totale de modestie, une estime de soi immodérée accompagnée d’un mépris de tout ce qui n’est pas lui et une attirance obsessionnelle pour des “centres d’intérêt ” tournant autour du sexe, de l’injure, de l’insulte et de la diffamation, tels sont les traits caractéristiques - nous l’avons vu - de la prose éditoriale de Jacques Tillier.


Sitôt un personnage pris en grippe, Tillier ne peut s’empêcher de tomber dans le propos graveleux pour en parler. Cet ancien (?) indic ne peut se retenir de tremper sa plume dans le caniveau pour écrire à propos de ses proies et, par ce procédé, les salir et tenter ainsi de les discréditer aux yeux de ses lecteurs.

Et le plus consternant, c’est que plus le propos est trash, plus l’attaque descend dans la bassesse, et plus ça marche. Et Tillier de s’en vanter : je crache sur les Réunionnais et ils en redemandent ! Certes, il lui faut subir des procès en diffamation, mais il en règle les amendes écrivant avec cynisme que le bilan des dépenses pour procès et amendes rapporté aux bénéfices des ventes du papier journal est largement positif.

Lorsque, plus tard, des étudiants auront à se pencher sur les éditoriaux de ce journalisme contaminé, nul doute qu’ils ne soient sidérés par cette apparente bravoure consistant à clouer au pilori tel ou telle en sachant fort bien que l’insulte lancée à plusieurs dizaines de milliers d’exemplaires laissera toujours une trace dans les mémoires de celles et ceux qui - à l’image de Tillier lui-même - meurtris par la vie, et incapables de surmonter leur épreuve, souffrent d’une soif inextinguible de bouc émissaire à malmener.

À l’image de ces enfants battus devenant des parents violents sans prendre conscience de la lâcheté de leurs agressions. C’est en usant des ces procédés abjects que Tillier se comporte en lâche : pas question pour lui d’aller discuter en tête à tête avec l’une de ses victimes et d’en rendre compte d’une manière équilibrée. Non, sitôt qu’on lui refile un tuyau bien trash, le voilà qui se planque dans son bureau et, à l’insu de ses victimes - surtout ne pas leur donner la parole ! - , il distille à leur encontre le fiel qui le ronge. Ravi à l’idée non pas de leur réaction, mais de celle de leur famille, de leur entourage, leurs collègues, d’autant plus ravi de pouvoir en quelques mots porter ainsi atteinte aux vies les plus probes qu’il a décidé de ne jamais rendre compte de l’innocence de ses victimes puisque dit-il « l’innocence, ça n’intéresse personne ».

Mais il est un autre trait qui est encore plus abject chez le personnage, c’est lorsqu’il s’empare des morts pour les rallier à sa cause. Je veux parler ici d’Alexis de Villeneuve. Voilà un personnage qui a ordonné aux gendarmes de faire feu sur des électeurs s’opposant à la fraude et qui, par ses gesticulations, a suffisamment excité un gendarme pour que celui-ci tire et tue deux personnes. Le voilà qui, pour mater un mouvement de protestation sociale, fait attacher ceux qu’il désigne comme “meneurs” sur les rails du chemin de fer à l’heure où le train n’est plus très loin.

C’est cela le héros que Tillier donne l’ordre aux Réunionnais de porter aux nues. Pas une seule seconde il ne s’est interrogé sur ce que fut la véritable “action sociale” de ce personnage. Pas une seule seconde il ne s’est demandé pour quelles raisons les contemporains d’Alexis de Villeneuve n’avaient jamais eu l’idée de lui élever une stèle, de rédiger sa biographie. Non, cela ne l’intéresse pas, Tillier n’est pas un historien, il est journaliste trash et n’ayant aucune action d’éclat à son palmarès, il lui faut, pour se grandir à ses propres yeux, s’en prendre à un personnage dont la vie marque l’Histoire de La Réunion et dont les luttes anticolonialistes jalonnent les continents jadis asservis. Insupportable pour un nostalgique mal cicatrisé de l’Algérie française !

Peu lui chaut la personnalité d’Alexis de Villeneuve, c’est dans la fange que Tillier laisse sa trace en s’emparant de la mémoire d’un homme dont il ne sait rien d’autre que les ragots - sa source coutumière - qui lui ont été rapportés. Et, comme l’Histoire de La Réunion n’est pas enseignée, il table sur l’ignorance, les relents d’anticommunisme, voire l’aigreur de ses interlocuteurs pour leur enjoindre de faire d’Alexis de Villeneuve leur héros et les convoquer à l’inauguration d’un buste (qu’on croirait sorti d’une BD tellement il est plat et sans âme) auquel personne des amis du grand homme n’avaient jamais pensé. Et voilà à l’appel de qui et à quelle manipulation - toute honte bue - se prêtent certains.

À demain.

Jean Saint-Marc


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