À 20 heures sur Télé Réunion : ’Jaurès’

Un fervent défenseur de la classe ouvrière

10 mai 2005

Téléfilm en deux parties réalisé par Jean-Michel Gaillard et Jacques Kirsner.
Avec Philippe Torreton (Jean Jaurès), Valérie Kaprisky (Louise), Frédéric Van Den Driessche (Calvignac), Florence Pernel (Séverine), Pierre Vernier (le marquis de Solages), Alexandre Zloto (Maurice), Alexandre Brasseur (Roger Calmel).

(page 15)

Ce téléfilm de Jean-Daniel Verhaeghe a pour ambition de raconter un épisode majeur de la vie de Jean Jaurès, le fondateur du Parti socialiste et du journal “L’Humanité”. Député radical du Tarn, protégé de Jules Ferry et de Waldeck-Rousseau, Jaurès est d’abord un intellectuel, normalien et agrégé de Philosophie. Battu dans la circonscription de Carmaux par le candidat monarchiste, propriétaire des mines, Jaurès se révèle lors d’un conflit social qui l’oppose à son vainqueur de 1889, le marquis de Solages. En 1892, Jaurès comprend la signification de la lutte des classes en défendant les mineurs en grève qui protestent contre le renvoi de leur maire et responsable syndical, Jean-Baptiste Calvignac.
Dans le film, la trajectoire de Jean Jaurès est linéaire. Réformiste à ses débuts, il se radicalise peu à peu, et semble découvrir la lutte des classes comme moteur de l’Histoire. Mais Jaurès reste légaliste, évite les affrontements directs, et se rapproche d’un syndicalisme modéré, qui se détourne peu à peu de ses racines libertaires et de la propagande par le fait.
Le personnage incarné par Philippe Torreton ne semble pas torturé mais convaincu d’aller dans le sens de l’Histoire. Élu député d’arrondissement en janvier 1893, Jaurès reste jusqu’à sa mort le député des mineurs et des paysans de Carmaux, c’est-à-dire l’élu du prolétariat ouvrier de la ville et de ses environs.
Deux fois une heure trente pour raconter une partie de la vie de Jaurès, c’est bien, mais on restera sur notre faim. En effet, le réalisateur a choisi de nous montrer le début de carrière politique de Jean Jaurès, et l’auteur serait bien inspiré de poursuivre dans cette même veine.
Le téléfilm que nous verrons ce soir, aux dires de l’historien Jean-Pierre Rioux, spécialiste du grand homme politique, serait assez conforme à la réalité. Nous verrons dans ce téléfilm la transformation d’un Jaurès révolté en un tribun défenseur de la classe ouvrière. Son discours ira crescendo se radicalisant au fur et à mesure que montent les atteintes faites aux Droits de l’Homme.

Où sont passés les socialistes ?

S’il nous arrivait de zapper sur une autre chaîne et de voir subitement un socialiste bon teint genre Lang ou Fruteau, un de ces socialistes contemporains, en train de défendre le “oui” à l’Europe en termes choisis, nous serions surpris par le décalage. Comment peuvent-ils se réclamer du parti de Jaurès, tant les discours et les idées prônés aujourd’hui par les héritiers de Jaurès sont à mille lieux de ceux de son fondateur ! À ce stade, on finit par se demander où sont passés les socialistes ? Comparé au parti de Jaurès, le Parti socialiste français d’aujourd’hui ne semble plus qu’une coquille vide au service des pouvoirs financiers qu’il vilipendait. Alors si certains pensent que le marxisme est bien mort et qu’il faut glisser son souvenir sous le boisseau, comme ils se trompent ! Dernièrement on a vu se rassembler cette gauche voulue par Jaurès, lors d’un meeting à Paris. C’était la gauche qui dit “non” et de tous temps dans l’Histoire, ceux qui se sont levés pour dire “non”, en sont sortis grandis. C’est le Jaurès que nous verrons dans cette œuvre, l’homme courageux qui déjouait les mystifications, celui de l’unification du mouvement ouvrier, contrairement aux socialistes qui trahissent leurs idéaux, gamelles en avant pour aller quérir la soupe du pouvoir. On la connaît cette nouvelle gauche qui se rassemble, celle qui attend son congrès fondateur, elle est toujours ensemble lorsque le patronat ou le gouvernement attaque les plus humbles d’entre tous, et au zénith on a pu voir Emmanuelli, Besancenot, Marie-George Buffet, Mélanchon, Francine Bavay, Hélie Hoareau main dans la main pour demander cette Europe sociale que nous désirons si ardemment. Il y eut ce soir là, comme un parfum de 1905, un espoir devant cette union pour un “non” de gauche, et ce n’est certainement pas rue de Solferino (Siège du Parti socialiste) que l’esprit de Jaurès planait. Les socialistes partisans du “oui” ont commis l’impensable, ils ont détourné l’image de Jaurès en remplaçant le drapeau rouge qui était derrière lui sur l’affiche du congrès fondateur de la SFIO par un drapeau européen, mais tellement honteux de leur méfait, ils se sont ravisés et ont mis au grenier les milliers d’affiches destinées à être distribuées partout en France. "Pourquoi ont-ils tué Jaurès", chantait Jacques Brel. J’ai très envie de le paraphraser en disant pourquoi veulent-ils tuer l’idée de Jaurès ? Pour terminer, je ne peux m’empêcher de voir un hasard heureux dans la date du 10 mai pour la diffusion de cette première partie de téléfilm à La Réunion, date anniversaire de l’accession au pouvoir de la gauche en 1981.

Philippe Tesseron


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