Nouveau coup dur pour la route en mer

Avis défavorable de l’Autorité environnementale à la carrière de Bellevue

28 juillet 2018, par Manuel Marchal

Après le projet de carrière de Bois-Blanc, c’est celui de Bellevue qui est lui aussi bien compromis. Dans un avis rendu le 25 juillet dernier, l’Autorité environnementale estime que le projet présenté doit être revu, à moins d’accorder « une dérogation au régime d’interdiction stricte portant sur les espèces protégées ».

Le projet de carrière de Bellevue est une conséquence du projet de route en mer. Ce dernier a eu en effet comme particularité de déboucher sur le lancement d’un chantier sans que les promoteurs ne se soient préalablement assurés de disposer des matériaux nécessaires pour l’achever. C’est la raison du blocage actuel, car la digue prévue entre la Grande Chaloupe et La Possession ne peut être réalisée faute de ressource suffisante en roches.
Cela signifie que la poursuite du chantier est conditionnée par la création de nouvelles carrières. Elles ont été inscrites dans le Schéma départemental des carrières d’avril 2014 qui a été annulé par la Cour administrative d’appel. Dans l’attente d’un jugement définitif, l’État continue de soutenir les procédures visant à ouvrir ces carrières. Une enquête publique est en cours pour l’ouverture d’une carrière à Bois-Blanc. Elle se fait dans de grandes tensions. Ainsi à Saint-Leu, le commissaire enquêteur a dû fermer son bureau la semaine dernière à la suite d’incidents causés par l’irruption d’une centaine de personnes menées par le président d’un syndicat de transporteurs. Rappelons que le projet de carrière à Bois-Blanc a provoqué les plus importantes manifestations jamais organisées pour la défense de l’environnement à La Réunion. C’est peu dire qu’elle cristallise les oppositions.
Un autre projet est envisagé à Bellevue dans les Hauts de Saint-Paul. Là aussi, riverains et défenseurs de l’environnement se mobilisent contre un projet qui menace leur cadre de vie, leur santé ainsi que le tourisme dans le secteur. L’Autorité environnementale avait également à donner son avis sur ce projet. Elle l’a fait le 25 juillet et son verdict est clair : le projet n’est pas acceptable en l’état.
Cet avis de 24 pages contient en effet de nombreuses remarques qui sont résumées ci-après, dans cet extrait du communiqué de presse résumant les avis rendus par l’Autorité environnementale le 25 juillet :

Étude d’impact à compléter

« Le projet de création d’une carrière de roche massive au lieu-dit « Bellevue » sur la commune de Saint-Paul, présenté par la société Grands Travaux de l’Océan Indien (GTOI) est lié à la réalisation de la nouvelle route du littoral (NRL) à La Réunion. Cette nouvelle route nécessite environ 19 millions de tonnes (Mt) de matériaux dont environ 9 Mt d’enrochements massifs. Ce projet nécessite une construction de voirie nouvelle et la reprise avec élargissement de voiries existantes, opérations constitutives du projet et qui doivent à ce titre être intégrées au périmètre de l’étude d’impact.
L’étude d’impact, assez détaillée, mériterait d’être complétée sur certains points pour mieux apprécier les impacts liés aux transports des matériaux extraits et les impacts de l’exploitation sur les chiroptères. Elle fournit une appréciation des impacts des différentes carrières envisagées et de la NRL elle-même. L’ensemble correspond à la notion de projet telle que définie par la directive 2014/52/UE. L’Ae recommande d’actualiser les estimations de quantités de matériaux nécessaires à la construction de la NRL et les apports attendus des différentes sources identifiées pour fournir les enrochements ainsi que la temporalité de ces apports (car elle est déterminante dans le besoin d’ouvrir ou non de nouvelles carrières).

Régime d’interdiction stricte

L’Ae recommande également de compléter l’analyse des impacts sur l’environnement liés au trafic sur les voiries reliant la carrière au chantier de la NRL, en particulier concernant le bruit et les pollutions de l’air et de renforcer les dispositions qui seront prises pour lutter contre les espèces exotiques envahissantes pendant l’exploitation de la carrière et après la remise en état, qu’il conviendrait de compléter.
Étant donnée la présence avérée occasionnelle ou permanente sur le site ou à proximité d’espèces protégées, dont les chiroptères et certaines espèces d’oiseaux, que la présence de la carrière et son activité d’exploitation perturberont très probablement malgré les mesures (nécessaires) prévues, l’Ae considère que le projet ne peut être autorisé sans obtention d’une dérogation au régime d’interdiction stricte portant sur les espèces protégées ».

Pour ouvrir une telle carrière, il serait donc nécessaire que l’État accorde une dérogation qui mette en danger l’existence d’espèces endémiques à La Réunion. Difficile de croire qu’il soit possible de prendre une telle décision risquant d’appauvrir la biodiversité de notre île.
C’est donc un nouveau coup dur pour les partisans de la route en mer. Faute de matériaux, l’hypothèse de la livraison d’une demi-route en mer si possible avant les prochaines élections régionales de 2021 se renforce. Car faute de matériaux, la réalisation du reste du chantier est impossible. 11 ans pour une demi-route en mer si le chantier n’a pas de retard supplémentaire, voilà le bilan…

M.M.

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