Mettre fin à l’ignorance et à l’irresponsabilité

Corriger avec le tram-train une erreur fondamentale du passé

8 février 2005

Le rapport de la Commission nationale du débat public a été rendu le 19 janvier aux maîtres d’ouvrage. L’État a trois mois pour se déterminer sur l’avenir de la Route du littoral et la Région pour le tram-train.

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Le Conseil régional, représenté hier par une puissante représentation des élus de la majorité, se prononce en faveur du tram-train. "Avec ce projet, nous engageons la réalisation de l’équipement le plus important depuis un siècle et pour au moins les deux siècles à venir. C’est une décision qui n’est pas simple à prendre, nous devons tirer les leçons du passé, faire face à la situation actuelle et assumer la responsabilité de la décision".

Les besoins de l’avenir

Cette décision est importante et lourde de responsabilité comme le montre un bref rappel historique. En ouvrant la Route du littoral le 1er mai 1963 et en fermant le chemin de fer, la place a été faite au transport individuel et au tout automobile. Aujourd’hui le fioul et les voitures sont nos 2 premiers postes d’importation et le nombre d’automobiles grossit plus vite que ne grandissent les routes. La Route des Tamarins n’a pas de marge de manœuvre. "Ce n’est qu’aujourd’hui qu’on peut apprécier l’erreur fondamentale des élus de l’époque emportés dans une bataille très vive et qui ne cherchaient qu’à affaiblir leurs adversaires", déclare Paul Vergès.
Il poursuit : "Aujourd’hui nous sommes dans la même situation. Devons-nous faire un tram-train ou ne pas faire ? Il faut régler le problème immédiat des embouteillages là où sont les voitures aux entrées de Saint-Denis et de Saint-Pierre par une solution qui réponde surtout aux besoins de l’avenir. Il faut un mode qui, à moyen terme et à long terme, réponde au diagnostic du SAR. Et il n’y a pas d’autres moyens que de revenir au premier moyen, le transport collectif, le train permettant une fluidité plus grande par une mobilité plus rapide et un transport plus important de passagers". Cette solution est la seule qui permette d’éviter le gaspillage quotidien de temps et d’énergie. Le problème du transport collectif n’a cessé de s’aggraver ses trente dernières années.

Élever le débat

Le président du Conseil régional veut d’ici 10 ans prendre une décision et débuter la réalisation du TCSP. Les concertations, études, rencontres avec tous les maires ont été menées. Paul Vergès regrette que pendant le débat public, les maîtres d’ouvrage aient eu l’obligation de se taire. Maintenant que la Commission nationale a rendu son rapport, Paul Vergès veut le faire connaître à tous, que tous puissent voir que ceux qui s’appuient sur le rapport pour combattre le tram-train l’ont falsifié. Le rapport se conclurait selon certains pour une solution reposant sur les bus uniquement ? Dans le rapport, parmi les centaines de contributions écrites, une seule personne se prononce réellement pour le bus plutôt que pour le train. Les autres questionnent les modalités mais ne s’y opposent pas. Comment un homme politique peut-il alors dire que “le train Vergès a déraillé” ?
Le président du Conseil régional s’indigne du niveau du débat et démonte tous les arguments qu’on lui lance. "Le train a une capacité quatre fois plus grande que le bus, il permet un meilleur traitement des problèmes de flux et de temps", affirme-t-il.

Le Sud n’est pas oublié

Ces adversaires proposent que sur les quatre voies actuelles de la Route nationale, deux soient dévolues au TCSP et les deux restantes aux voitures, soit deux canaux bichiques autour de l’île. D’autres proposent en parallèle de tracer deux nouvelles voies réservées au bus, ce qui reviendrait au même prix que le train et pour une efficacité moindre.
Autre aspect incroyable, un maire et conseiller général dénonce une carence de la Région dans l’étude de la solution Bus. Il en oublie que la Région n’a pas cette compétence, seul le Conseil général l’a. Les adversaires se sont donc dénoncés eux-mêmes, Paul Vergès se dit terrifié par leur ignorance et leur irresponsabilité.
D’autres questions se posent sur l’itinéraire. Le premier tronçon de tram-train se fixait un axe Saint-Paul/Sainte-Marie avec pour principal objectif de résoudre l’obstacle La Possession/Saint-Denis. Le tronçon s’est ensuite étendu jusqu’à Saint-Benoît sous l’impulsion de Jean-Claude Fruteau. Du côté de l’Ouest, le maire de Saint-Paul le prolonge jusqu’à La Saline. Viennent ensuite Saint-Pierre, Saint-Joseph et Saint-Benoît. La Région attend la réponse des maires de Petite-Ile et de Saint-Joseph pour savoir s’ils préfèrent un raccordement par le Tampon ou par les Bas. Qui dira que le Sud est sacrifié ? Paul Vergès ajoute : "Dès le moment où l’obstacle Saint-Denis/Possession est levé, il n’y a pas de priorité selon les points cardinaux. La seule priorité vient de la demande des villes". La préférence géographique est pour le président l’argument le plus stupide.

Dans 6 mois, la clef du financement

La question du financement arrive en fin de contre argumentation, et Paul Vergès prend un pari : "avant 6 mois, nous verrons qui a raison, j’apporterai dans 6 mois une réponse nette et précise sur le financement. S’ils ont perdu, je ne leur demande que trois lignes dans la presse : “je n’ai pas réfléchi, je me suis trompé”".
Car le président du Conseil régional est déterminé à engager les opérations de réalisation du tram-train d’ici 2010. Il précise cependant : "Le TCSP n’est pas le facteur déclenchant du développement. La Région a en route un projet de développement équilibré de l’île. Le développement du Sud passe par celui du port de Saint-Pierre, de l’aéroport de Pierrefonds, du Centre hospitalier du Sud en CHU, de l’Université et d’une meilleure utilisation de la surface agricole du Sud. Pour développer le Sud, la véritable solution c’est la bidep car elle divise en deux la fréquentation des pouvoirs publics sur Saint-Denis". Clin d’œil mis à part, Paul Vergès veut surtout "ne pas renouveler l’expérience désastreuse de la suppression du chemin de fer" et demande "que l’on cesse de s’opposer systématiquement à ceux qui ne sont pas du même camp, pour un choix de responsable solution immédiate et à long terme".
Le président du Conseil régional pense écrire à la présidente du Conseil général afin de lui livrer le plan comparatif bus-train et lui permettre de faire des économies d’études. Il invite les autorités organisatrices de transport urbain et les syndicats d’agglomération à sortir de leur silence : "il est juste temps pour eux d’organiser l’accueil du flux des passagers que nous allons amener. Chaque commune doit s’organiser à recevoir plusieurs dizaines de milliers de personnes. Nous avons la possibilité d’une réalisation exemplaire à La Réunion. Réalisons cela ensemble. Nous devons corriger une erreur de l’histoire". Sur la question du tram-train, le président demandera en assemblée un vote nominal "que chacun prenne la responsabilité d’avoir dit oui ou non". En attendant un débat avec de vrais arguments, les études doivent se poursuivre pendant deux ans avant le début des premiers travaux.

Eiffel


Et la Route du littoral ? Que décidera l’État ?

Le rapport de la Commission nationale du débat public maintient la confusion entre Route du littoral et TCSP, mais il apporte aussi des choses positives en fixant une date, le 19 avril, pour que l’État se prononce sur l’avenir de la Route du littoral, qui est de sa compétence.
Élément de pression supplémentaire, avec la loi de décentralisation, si aucune collectivité ne veut de la gestion de la Route nationale, elle sera à terme automatiquement remise à la Région, qu’elle le veuille ou non.
La dotation du FIRT suffira tout juste à gérer la déviation de Grand-Bois, la Route nationale 3 et la quatre voies. La Région a des inquiétudes pour le sort de la Route du littoral, de celle de Cilaos et du Cap Lahoussaye.
Par rapport à la Route du littoral, avant le débat, l’État se proposait de trouver un nouvel itinéraire : la digue en mer, pour que l’ancienne route revienne au TCSP. Mais le gouvernement tarde à confirmer une solution. Les filets de protections, installés avec les fonds du Plan État/Région transféré à la sécurisation, seraient un prétexte pour repousser la mise en place d’une digue ou d’une autre solution définitive. Il faudra être très attentif à la réponse de l’État sur ce sujet le 19 avril.


Pas d’axe d’aménagement si on ne connaît pas l’histoire du pays

Lors de la conférence, le président du Conseil régional a fait un bref rappel historique mettant en rapport la décision d’aller vers un tram-train et celle prise au 19ème siècle de construire une première voie ferrée à La Réunion. Cette décision avait été prise à un moment crucial où La Réunion était pleinement dans une économie agricole, celle de la monoculture de la canne qui a dicté l’aménagement du territoire. Les marines de l’époque étaient insuffisantes et l’état des routes était lamentable. La solution du chemin de fer a montré son efficacité jusque dans les années 1960 où elle a été remise en cause. Mais jusque-là, "le chemin de fer s’est révélé être un moyen adapté à l’économie et au besoin de déplacement des Réunionnais", indique Paul Vergès. Le chemin de fer et le port ont participé, en regroupant les cheminots et les dockers, au développement syndical et social de La Réunion dans les très grandes batailles face aux sucriers et aux propriétaires terriens.
Or l’argument principal du Département pour la fermeture du chemin de fer était extrêmement politicien, et s’en prend directement à cette colonne vertébrale de l’organisation syndicale. Ceux qui ont décidé la suppression du chemin de fer et l’ouverture de la Route du littoral actuelle et non d’une route passant par le haut de la corniche, ont ouvert la voie au tout automobile.
Aujourd’hui nous sommes dans une économie entièrement changée et toute l’activité des services est concentrée sur Saint-Denis ainsi que les grands équipements et les sièges sociaux. Paul Vergès déplorait hier encore cette erreur sur le plan de l’aménagement. Pour le président de la Région, "la Route du littoral est le choix d’un itinéraire stérile, entre mer et montagne, si la route était en corniche, tout aurait changé, la population vivrait à 300 mètres d’altitude et 20.000 hectares de terres auraient pu être fécondés".

Train

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