Marchés d’enrobés et stratégies d’entreprises

Des moyens exceptionnels à mobiliser

20 août 2007

Les cuves du terminal bitumier n’ont jamais été autant sollicitées. La réalisation de la Route des Tamarins appelle des besoins exceptionnels qui, ajoutés à des stratégies d’entreprises contrariées, fragilisent ceux des importateurs et utilisateurs de bitume qui ont choisi le vrac. Vrai risque ou tension opportunément entretenue ?

Dans les prévisions des entreprises, les estimations pour la Route des Tamarins portent sur 2.000 tonnes de bitume par semaine pendant environ huit mois (31.000 tonnes).
(Photo PD)

En temps ordinaire, pour ses travaux d’enrobage, La Réunion importe environ 21.000 tonnes de bitume, en provenance d’Afrique du Sud ou d’Iran : 13.000 tonnes en vrac stockées dans les cuves du terminal bitumier de la CCIR et 8.000 tonnes conteneurisées par Termcotank, une filiale de MSC-France, filiale d’une société suisse spécialisée dans l’importation du bitume à froid.
La réalisation de la route des Tamarins, dont les travaux sont commencés depuis plus de 3 ans et demi maintenant, va entraîner pour la phase de finition des besoins en bitume très supérieurs - quoique pas impossibles à satisfaire.
C’est du moins ce que disent, chacune à leur niveau, la CCIR qui gère le terminal bitumier (vrac) pour le compte des entreprises et la DORT (Direction des Opérations de la Route des Tamarins) qui a sur ces mêmes entreprises, leurs stratégies et leurs éventuelles difficultés, un regard très distancié.
Dans les prévisions des entreprises, les estimations pour la Route des Tamarins portent sur 2.000 tonnes de bitume par semaine pendant environ huit mois (31.000 tonnes). Ces estimations faisaient partie des offres des entreprises qui ont soumissionné pour les lots de marché attribués par la Région. Les 2 lots du marché de réalisation des enrobés et d’équipements (glissières) entre la Ravine Fontaine et l’Etang-salé ont été attribués respectivement à Appia Grands Travaux/Eiffage TP/Ouest concassage pour un montant de 30.161.504 euros et à la GTOI pour un montant de 1.083.786 euros.

Défaut de prévision ou contrainte concurrentielle ?

Aussi, il est difficile d’admettre un défaut de prévision sur des capacités de stockage connues de tous : celles de la CCIR sont de 4.500 tonnes sur 7 cuves - 5 de 500 tonnes et 2 de 1.000. Tout dépend de la cadence à laquelle l’installation est sollicitée. En temps ordinaire, pour le marché “classique”, elle fonctionne à 1 shift (7 à 8h) à raison de 50 tonnes déchargées par heure, soit 350 tonnes/shift. A flux tendu, sur trois shifts/jour, le Terminal bitumier pourrait traiter environ 1.000 tonnes/jour. C’est beaucoup plus, sur une semaine, que les besoins estimés pour la Route des Tamarins. Il n’y a donc pas de problème de “stockage”.
Ne faut-il pas plutôt chercher la cause actuelle des tensions perceptibles au Port dans une stratégie d’entreprise contrariée ? Le groupement réunionnais, en retenant le bitume en vrac, a pensé faire le choix le moins coûteux. En décidant il y a peu de devenir importatrice de bitume en vrac - et de s’associer à la SBTPC qui avait racheté la SIR - la GTOI préparait son implication dans la réalisation de la route des Tamarins. Il n’est donc pas possible de penser qu’elle aurait “découvert” à ce moment-là les capacités de stockage du bitume en vrac. Si quelque chose n’a peut-être pas été suffisamment pris en compte, c’est le potentiel de concurrence représenté par l’installation - il y a environ sept ans - de Termcotank-France-Réunion, positionné sur un créneau qui n’a pas de prime abord inquiété les entreprises tournées vers le vrac.

Lors des réunions programmées depuis juillet entre les opérateurs de la Route des Tamarins et la CCIR, pour l’examen de ce problème, différentes options ont été examinées. N’est-ce pas parce que ce choix (du vrac) n’apparaissait plus comme suffisamment sûr, après la tension observée entre juillet et août, suite à divers aléas maritimes ? Il a été question de rotations de navires tous les 15 jours ; de rotations supplémentaires pour le transport par camions sur les sites - y compris des rotations nocturnes pour échapper aux aléas de la circulation. C’est tout un planning que les entreprises importatrices de vrac (SIGLOI et GTOI-enrobage) doivent alors envisager de revoir.
Faut-il envisager une cuve supplémentaire ? Les délais de réalisation sur un site classé pour l’environnement (ICPE) ne permettraient pas de la construire avant février 2008 - date donnée par le groupement pour rester dans les délais de réalisation de la route - sauf à créer un précédent dangereux.
Ainsi, que le groupement GTOI/SBTPC persiste dans le choix du vrac ou qu’il envisage de sécuriser ce choix en prenant une part de bitume conteneurisé, il est mis devant des coûts supplémentaires à assumer.
En constituant, le 27 juillet dernier, le groupe des importateurs et utilisateurs de bitume en vrac, la GTOI et ses partenaires ont indiqué leur préférence pour l’avenir : ils seraient plus disposés à mandater un bureau d’étude et payer une étude de faisabilité pour la réalisation d’une cuve de mille à mille cinq cent tonnes, de préférence sur un emplacement CCIR, qu’à payer la concurrence.
Ce choix ne pose-t-il pas le problème du financement de cet investissement ?

Comme tous les problèmes qui viennent rappeler que la réalisation de la Route des Tamarins pose le défi du respect des contraintes de délais et de coûts, ce dossier appellera très certainement une vigilance constante.
En effet, le débat ouvert autour de cette question du bitume place chacun devant ses responsabilités, face aux moyens exceptionnels à mobiliser.

P. David


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