ROUTE DU LITTORAL

Entre La Possession et Saint-Denis, La falaise a tué

25 mars 2006

30.000 tonnes de rochers sont tombées sur la Route du littoral reliant le Nord à l’Ouest de l’île hier vers 5 heures 15. L’éboulis s’est produit au PR 12 au tout début de la route côté La Possession. Une ambulancière de 39 ans et l’un de ses collègues, un homme de 28 ans, qui la suivait dans son véhicule personnel, sont morts écrasés par d’énormes blocs de pierre. Les 2 victimes se rendaient sur leur lieu de travail à l’Éperon. Deux camionneurs ont été blessés. Une personne est portée disparue.

"Nous avons été prévenus vers 5 heures 15. On nous a dit qu’un galet était tombé sur la route et qu’un camion l’avait percuté. Nous ne nous attendions pas du tout à cela. Lorsque nous sommes arrivés sur place, brusquement nous n’avons plus vu la route. C’était impressionnant", raconte un gendarme de la brigade de La Possession. Malgré l’heure matinale, des centaines de véhicules circulaient déjà sur la 4 voies. "Les gens étaient paniqués, ils criaient. La falaise grondait et des pierres continuaient de tomber", poursuit le gendarme. La même scène avait lieu côté Saint-Denis.
Les gendarmes ont finalement pu procéder à l’évacuation de la route sans incident.
Il est immédiatement évident que l’éboulement avait été meurtrier. Les énormes blocs rocheux s’étalaient sur 150 mètres de long et sur une hauteur allant de 20 à 5 mètres. Et il n’y a hélas pas eu de miracle. Côté Saint-Denis, Antoinette Nelle, une ambulancière de 39 ans et Sébastien Acadine, son collègue de 28 ans, mourraient écrasés sous les rochers. Tous deux étaient employés par les Ambulances de l’Éperon. La jeune femme, résident à Bois de Nèfles Saint-Paul, était à bord d’un véhicule de secours léger. Elle venait de déposer en patient au centre de dialyse de Saint-Denis et regagnait le siège de sa société à l’Éperon. Sébastien Acadine, père de 2 enfants et habitant à Saint-Denis, conduisait son véhicule personnel et allait prendre son service à l’Éperon. Les 2 malheureux ont été tués sur le coup.

Projeté sur les gabions

Le chauffeur d’un camion roulant lui aussi dans le sens Saint-Denis-La Possession a eu plus de chance. Son véhicule a été projeté sur les gabions se trouvant en contrebas de la route. Il n’a été que légèrement blessé.
Dans le sens La Possession-Saint-Denis, la cabine d’un camion de transport de fruits a été complètement écrasée par les rochers, le chauffeur a été grièvement blessé.
Selon des témoignages de personnes se trouvant à proximité au moment de l’éboulement côté La Possession, d’autres véhicules auraient été pris au piège de l’éboulis. "Vu l’étendu de l’éboulis, ce serait un miracle s’il n’y avait personne dessous", commente le colonel Loubry, commandant le corps des sapeurs-pompiers. Ils sont une trentaine des casernes de Saint-Denis, La Possession et de Saint-Paul à être sur les lieux. Les gendarmes sont aussi nombreux. "C’est la première fois qu’un éboulis se produit à cet endroit. Rien ne laissait présager un tel scénario", commente Yvan Martin, chef du service de gestion de la Route du littoral à la DDE (Direction départementale de l’équipement).
Vers 8 heures 30, les corps des 2 victimes étaient extraits de l’amas de pierres et de tôles. Au même moment, 3 plongeurs de la brigade nautique de la gendarmerie entamaient des recherches sous marines. Cela afin de retrouver d’éventuelles victimes qui auraient été projetées dans l’eau. Fort heureusement, cela n’était pas le cas.

Otis "marque"

Côté La Possession, Michel Eckert, maître-chien de l’ACERS (association cynophile pour l’éducation à la recherche et au sauvetage) et Otis, un Doberman formé à la recherche des victimes, commençaient à explorer le site de l’éboulis. Le chien "marquait" une fois, désignant ainsi la présence possible de personnes sous les pierres. Les militaires du NEDEX, le service de déminage de l’armée et les pompiers commençaient alors à sonder les lieux à la recherche du moindre bruit. À leur demande, un lourd silence s’établissait. Un léger bruit de grattage semblait répondre aux coups frappés par les sauveteurs. Une pelle mécanique de 50 tonnes entre alors en action. À noter la réactivité des entrepreneurs de la SBTPC - VINCI œuvrant sur le chantier de l’extension du port. À la demande de la Préfecture, ils ont dépêché sur les lieux en quelques minutes 4 pelles mécaniques et 7 dumpers (camions servant au transport lourd).
Avec une délicatesse étonnante pour un engin de cette taille, il déblayait une partie des blocs. "Nous sommes obligés de procéder très lentement pour ne pas provoquer l’écrasement d’éventuels survivants", explique un gendarme. En milieu de matinée, Otis, le chien d’avalanche, effectue un nouveau passage sur les lieux. Cette fois, il "marque" à 3 reprises. Chez les sauveteurs et les agents de la DDE présents sur place, l’espoir renaît, mais la lucidité est la plus forte. "Que la personne soit morte ou vivante, le chien "marque". Il s’agit ensuite de savoir si la victime est toujours en vie. Le bruit de grattage peut correspondre à n’importe quoi, un petit galet qui tombe, le brut de la mer ou du vent", remarque le capitaine Fontaine, officier de sapeurs pompiers.

"On s’occupe de vous"

Un bruit de grattage semble encore répondre aux coups des militaires du NEDEX. "Il y a quelqu’un ? Si vous m’entendez, tapez, on s’occupe de vous", crie tout à coup l’un des militaires. Seul le silence lui répond. La pelle mécanique reprend les travaux de déblais. Puis il y a de nouveaux sondages. Nous sommes en milieu d’après-midi lorsque Franck Olivier Lachaud, secrétaire général de la Préfecture, indique "nous n’avons plus de bruit sous les pierres". Une manière de dire qu’il n’y a désormais plus de chances de retrouver des survivants. D’autant plus inquiétant qu’une personne est toujours portée disparue. Selon ses proches, elle devait emprunter la Route du littoral. Elle n’est jamais arrivée à son lieu de rendez-vous et n’a plus donné signe de vie.
Il est 16 heures lorsque les 10 cordistes de la société Roc’s, habituellement chargée de la pose des filets le long de la paroi rocheuse, commencent à purger la falaise. Des pierres étaient tombées à plusieurs reprises lors des opérations de sauvetage et la reconnaissance effectuée en hélicoptère par la DDE a permis d’établir la présence d’une grande faille dans la falaise. "Nous allons arrêter la purge à la tombée de la nuit. Nous reprendrons demain (samedi) au lever du jour", note Franck-Olivier Lachaud.
La Route du littoral est, bien-sûr, entièrement fermée à la circulation et le restera au moins pendant une semaine. François Baroin, ministre de l’Outre-mer, arrive à La Réunion ce matin. Dominique Perben, ministre des Transports, a demandé l’ouverture d’une enquête administrative sur les circonstances de l’éboulement.

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