Entretien avec l’initiateur de l’Association des usagers de la liaison La Possession/Saint-Denis

Ibrahim Dindar : ’Que Paris ne décide plus sans nous’

31 mars 2006

Mardi dernier, plus de 500 personnes venues de toute l’île se sont réunies dans le hall de la Région Réunion pour tenir l’assemblée constitutive de l’Association des usagers de la liaison La Possession/Saint-Denis. Parmi les personnes à l’initiative de cette mobilisation, se trouve Ibrahim Dindar, directeur d’école en retraite, démocrate possessionnais, qui avec ses amis n’accepte plus d’être ’pris en otage du fait du non-règlement par l’État du problème que celui-ci a lui-même créé avec la route littorale’. À la veille de la seconde assemblée de l’association, demain à 14 heures à La Possession, “Témoignages” a interrogé Ibrahim Dindar sur le sens de son action. (*)

Comment analysez-vous ce qui s’est passé ce mardi matin à la pyramide inversée du Moufia ?

- Ibrahim Dindar : Selon moi, pour un coup d’essai, ce fut un coup de maître ! Grâce à la lucidité et à la détermination des centaines de Réunionnais qui ont répondu à mon invitation et à celle de mes amis, tout le monde a eu le même sentiment et me l’a fait savoir : “enfin, Kréol la lèv la tête toute ansanm pou règ so problèm la route litoral”.
La solidarité réunionnaise a également beaucoup joué ce jour-là car toutes les personnes de bonne volonté n’acceptent pas qu’un politicien - connu pour ses outrances d’un autre temps - utilise un petit groupe de personnes pour insulter un autre élu réunionnais, responsable d’une collectivité, qui a lui-même toujours lutté contre cette route meurtrière.
Les personnes qui ont participé à cette assemblée constitutive de notre association étaient heureuses d’entendre enfin un langage de vérité et rassembleur car elles ne pouvaient se reconnaître dans les discours sectaires de ce petit groupe d’insulteurs. Elles ont montré qu’elles sont dignes, responsables et décidées à lutter ensemble pour obtenir de l’État une liaison sûre entre l’Ouest et le Nord de notre île.

Concrètement, qu’allez-vous faire ?

- Nous allons structurer notre association afin qu’elle soit efficace. Samedi prochain, 1er avril, nous allons nous réunir à 14 heures à la mairie de La Possession pour élire notre Bureau. Je souhaite que dans chaque ville nous ayons des adhérents qui fassent part de leurs propositions afin que nous puissions mieux voir tous ensemble ce qu’il convient de faire, les différentes solutions à étudier et peut-être à mixer, les opinions des experts etc.
Je souhaite aussi que notre association soit une force de propositions et joue un rôle moteur dans la recherche d’une solution juste au problème de la route littorale actuelle.

Comment voyez-vous ce problème ?

- Dans un premier temps, nous pensons que cette liaison entre le Nord et l’Ouest est vitale d’un point de vue économique. La remise en cause de cette liaison a des conséquences négatives pour toute la population, de toutes les couches sociales et de toutes opinions.
C’est pourquoi, en tant que Réunionnais, nous devons nous montrer tous solidaires. Ce n’est pas une histoire de droite ou de gauche. C’est une question de politique d’aménagement public au service de toute la population.
Profitons aussi de notre expérience et de nos compétences pour que Paris ne décide plus sans nous. Car c’est nous qui subissons les conséquences des erreurs et des passivités commises par les différents gouvernements depuis 50 ans.

Quel sentiment avez-vous 2 jours après cette assemblée ?

- Ce rassemblement m’a stimulé. Il m’a conforté dans ma détermination à servir les personnes qui souffrent de cette route, à les aider à dire ce qu’elles pensent.
Nous sommes au-dessus de tous les partis politiques. Nous sommes des utilisateurs de la liaison entre Saint-Denis et La Possession, des utilisateurs qui veulent une sécurité maximum. Et le fait que de nombreux Réunionnais soient prêts à travailler ensemble dans ce sens m’encourage à persévérer dans ma tâche.

Que pensez-vous de certains commentaires de presse qui dénoncent votre association ?

- Je pense qu’ils sont le fait de personnes, soit de mauvaise foi, soit ayant du mal à comprendre la réalité réunionnaise. Ces personnes devraient être plus attentives aux vraies intentions des gens de bonne volonté.
Ce que nous voulons avant tout c’est unir nos forces, c’est la politique de la main tendue envers tout le monde, sans exclusive. Les médias devraient davantage utiliser leur pouvoir pour servir des nobles causes plutôt que de chercher à diviser les Réunionnais comme certains politiciens.

Quelles sont les perspectives ouvertes par la création de cette association ?

- Elle peut contribuer à une prise de conscience de la part des Réunionnais de ce qu’ils ont à attendre des élus et du pouvoir central. Nous allons organiser des échanges d’informations afin de favoriser la concertation entre usagers et les responsables des décisions à prendre. Ainsi ne seront plus commises des erreurs comme celle qui a conduit à la destruction du chemin de fer et à l’occupation de son emprise puis à la réalisation de la route littorale au pied de cette falaise pourrie.

Qu’attendez-vous de l’assemblée de ce samedi ?

- D’abord, que toutes les personnes voulant faire profiter leur île de leurs compétences et de leurs idées au sujet de cette liaison La Possession/Saint-Denis nous rejoignent. Qu’elles viennent et nous discuterons sur les voies et moyens de faire avancer ce dossier. Toutes les opinions et tous les desiderata seront pris en compte.
Soyons conscients que si cette route reste fermée, 100% des Réunionnais seront contre ; mais si elle est rouverte et qu’un nouveau drame se produit, 100% des Réunionnais seront également contre. Devant cette situation cornélienne et l’insécurité de cette route, le temps de la décision juste et responsable est venu.

Comment comptez-vous renforcer et élargir encore votre mouvement ?

- Par la qualité de notre travail et de nos orientations. Mais notre but n’est pas non plus de recruter à tout prix du monde. Nous voulons essentiellement un groupe représentatif de toute la population, performant et responsable.

Entretien : L. B.

(*) Pour plus d’informations, Ibrahim Dindar peut être joint par téléphone au 0692-86-76-18.


Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année


+ Lus