Atelier public “Comment économiser La Réunion”

’Il n’est pas question de faire du copier-coller’

15 octobre 2004

Invités dans le cadre du Débat public, l’ancien maire de Strasbourg Roland Ries, et Maurice Pierron, ingénieur du Syndicat des transports publics d’Île-de-France, ont incité les Réunionnais à mener leur propre réflexion pour sortir du tout-automobile. Notamment ’densifier l’emploi le long des axes lourds de transports’ et instaurer une discrimination positive pour les transports en commun (tarifs bas et subventionnés).

Il est toujours bon de s’informer des expériences extérieures. Pour enrichir le Débat public “Comment mieux se déplacer demain”, et notamment l’atelier public “Comment économiser La Réunion”, deux experts étaient invités par la Commission du Débat public.
Roland Ries, ancien maire de Strasbourg et Maurice Pierron, Ingénieur du Syndicat des transports publics d’Île-de-France, ont fait part mercredi, au parc des expositions de Saint-Denis, de leur expérience en matière de transport public.
"Si nous voulons vous faire partager le fruit de nos expériences et les enseignements à tirer de nos échecs, il n’est pour autant pas question de faire du copier-coller", a d’entrée déclaré Roland Ries, qui a doté sa municipalité de deux lignes de tramway.
Autre axe fort de l’atelier public : le lien à établir entre urbanisation et transports, selon Maurice Pierron. C’est le message porté par le représentant du STIF, pour qui l’aménagement du territoire est au cœur de toute chose : "il faut éviter l’urbanisation centripète, densifier l’urbanisation et l’emploi le long des axes lourds de transport", citant l’exemple de la ville brésilienne de Curitiba.
Il est clairement apparu qu’il existe des problématiques similaires entre l’Alsace, Paris et La Réunion : comment prévenir le développement du tout-automobile ? Comment mettre en place une discrimination positive en faveur des transports en commun (tarifs bas et subventionnés, réseau, modalité...) ?

"À condition que les banquettes ne soient pas vides"

Comment étendre les transports en commun aux zones excentrées ou peu urbanisées ? Comment régler les problèmes qui se posent à court terme ? Comment innover (covoiturage, location automobile à l’heure, transport à la demande par navette ou taxi) ?
Un constat : il est urgent de sortir de la logique actuelle du tout-automobile.
Le débat aura également permis de rappeler l’importance des choix à faire en matière de politique d’aménagement : quelle politique d’ensemble pour rééquilibrer les modes de déplacement ? À toute réflexion, il y a un préalable : c’est de définir un site propre. Adapter ensuite les solutions techniques, en fonction des moyens, des délais et autres contraintes, serait plus facile.
Tram-train ou bus, l’outil sera toujours plus économique et moins polluant que l’équivalent en automobiles, "mais à condition que les banquettes ne soient pas vides" ajoute l’expert francilien, appelant l’attention de chacun sur le fantasme du gros investissement qui, si le projet n’est pas suffisamment pensé, n’est pas fatalement une garantie de résolution des problèmes.


Deux ateliers publics aujourd’hui

Les conditions d’aménagement ; à 10 heures au Centhor - Saint-Gilles-les-Hauts.

Les financements et prospectives ; à 14 heures au Centhor - Saint-Gilles-les-Hauts.


Des transports où l’on se sentirait bien

Il faut rendre le transport en commun désirable : c’était le thème de l’intervention du sociologue Bernard Cathelat. Ayant repéré cinq grandes tendances de comportements sociaux, il conseille de se "grouiller" pour élaborer des modes de transport qui conviendraient à tous.

Bernard Cathelat, sociologue connu pour ses travaux sur l’étude des comportements sociaux, était l’expert sollicité pour apporter son éclairage sur le thème “Il faut rendre le transport en commun désirable”. C’est le choix de société que nous adopterons aujourd’hui qui conditionnera les déplacements de demain.
Ses méthodes, qui ont apporté un regard nouveau sur l’analyse de nos sociétés modernes, Bernard Cathelat les rode depuis 35 ans. Au-delà des traditionnelles classifications par sexe, âge, ou catégories socioprofessionnelles, il a introduit une notion intégrant nos différents types de comportements, méthode connue sous le nom de Sociostyles et appliquée à notre île en 1998.
La riche présentation sur l’état des ses recherches laisse clairement apparaître cinq grandes tendances de comportements sociaux dans nos sociétés modernes, auxquelles La Réunion, malgré son éloignement, n’échappe pas.
Le cocooning, ou repli sur soi, le bunkering, qui favorise la vie de proximité, le naturalisme, qui rapproche des principes fondamentaux qu’offre la nature, le -enracinement, qui revalorise les traditions, le réarmement moral, qui voit le retour du dogmatisme et de la répression.

Au-delà de la segmentation, ce constat a des conséquences en matière d’aménagement du territoire et donc de transport. C’est alors que se pose la question centrale : quels choix veut-on privilégier ? Pour le sociologue, c’est clairement aux politiques à se prononcer. Pour Cathelat, à La Réunion, ces choix sont encore possibles, mais, ajoute-t-il, "à condition de se grouiller".

Par "goût de la carotte plutôt que par crainte du bâton"

Imposer ou motiver, réglementer ou accompagner, ces deux positions ne sont peut-être pas totalement antinomiques. Avant que ne soit assimilé l’intérêt - individuel et collectif - que représentent les transports en commun, des mesures plus ou moins autoritaires peuvent être mises en place.
Elles peuvent répondre à court terme aux problèmes des déplacements, à l’instar de ce qui se fait à Londres, où l’accès au centre-ville en auto est taxé. Dans tous les cas, c’est bien de choix de société dont il s’agit, précise Bernard Cathelat.
En bref, comment changer d’organisation avant de faire évoluer les attitudes ? Cette idée du bien public, c’est bien aux politiques de l’organiser, postulat qui aurait, selon le sociologue, tendance à se perdre.

Plus concrètement, il a clairement été montré que l’automobile, et ceux qui la portent, notamment les constructeurs, ne sont pas disposés à rendre les armes, bien au contraire. Tout est fait pour la rendre de plus en plus attractive, confortable et éminemment fonctionnelle.
Cela compromet-il l’avenir des transports en commun ? Non, selon le sociologue, à condition qu’on les rende désirables et que l’on travaille sur le qualitatif.
Cela signifie, à La Réunion, des transports authentiques, dans lesquels on se sentirait bien ensemble que l’on utiliserait par "goût de la carotte plutôt que par crainte du bâton". Bref, pour la collectivité comme pour le citoyen, un rapport gagnant/gagnant.


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