Le dispositif clientéliste de « continuité territoriale » créé par Didier Robert réformé

Aide sociale au voyage : la Région Réunion remplace une mesure clientéliste par un outil de lutte contre les inégalités

26 mars 2022, par Manuel Marchal

L’aide au voyage va de nouveau cibler prioritairement les personnes qui n’ont pas les moyens de se payer un billet d’avion pour aller en France voir la famille ou les étudiants à faible revenu qui reviennent en vacances dans leur île. La Région Réunion a en effet décidé de réformer une mesure clientéliste utilisée par Didier Robert pour se construire une popularité, qui coûtait plus de 50 millions d’euros par an à la collectivité, dont les critères volontairement très généreux ciblaient surtout ceux qui ont déjà suffisamment d’argent pour aller en vacances en France sans aide, et qui contribuait à une hausse des prix des billets d’avion selon la Cour des comptes.

La « continuité territoriale » est une compétence de l’État. C’est en effet Paris qui finance intégralement une aide versée à tous les passagers voyageant entre la Corse et la France, ainsi que le fret, pour un total de près de 180 millions d’euros par an.
Sous la présidence de Jacques Chirac, une timide enveloppe de 8 millions d’euros avait été affectée aux voyages entre La Réunion et la France, uniquement pour les personnes vivant à La Réunion. La gestion de cette enveloppe avait été déléguée à la Région qui devait présenter des critères pour les bénéficiaires, critères qui étaient ensuite soumis par l’État à l’Union européenne qui devait donner son accord.
Entre 2008 et 2009, les critères définis par la Région Réunion étaient sociaux. Sauf cas exceptionnels tel qu’un décès, l’aide était réservée aux foyers non-imposables en raison de leurs faibles revenus. Elle donnait entière satisfaction quand brutalement en 2009, le gouvernement a donné ordre à l’Etat de ne plus la financer. La campagne des régionales approchait, et le candidat soutenu par le gouvernement était Didier Robert, qui s’opposait à Paul Vergès, le président sortant.

Plus de 50 millions d’euros par an pour financer la popularité de Didier Robert

Une fois Didier Robert président de la Région, l’État a de nouveau participé au financement d’une aide devenue « continuité territoriale », alors que Didier Robert mobilisait des fonds du budget de la Région pour élargir largement ce dispositif. Des critères très généreux permettaient notamment à de nombreux riches d’en bénéficier. Un manque de sérieux manifeste dans la gestion de ces fonds publics a également été la source d’importantes dérives qui ont amené la justice à s’intéresser à ce dispositif.
La « continuité territoriale » coûtait alors plus de 50 millions d’euros par an à la Région. C’était manifestement une opération destinée à financer la popularité de Didier Robert plutôt que d’utiliser cet argent public pour construire des lycées et autres équipements indispensables, mais beaucoup moins « payants » sur le plan électoral qu’une aide personnalisée de quelques centaines d’euros diffusée à plusieurs dizaines de milliers d’exemplaires chaque année.
Par ailleurs, la Cour des comptes n’a pas manqué de relever que cette aide subventionnant de fait les compagnies aériennes contribuait à une inflation des prix des billets d’avion. En effet, assurée que la plupart des passagers allant en France touchaient cette aide, les compagnies aériennes étaient fortement tentées d’augmenter le prix du billet du montant de l’aide.

Lutter contre les inégalités

Héritant d’une situation financière désastreuse au bout de 11 ans de « gestion Didier Robert », la nouvelle majorité a décidé de réformer ce dispositif afin qu’il serve réellement à aider les familles qui n’ont pas les moyens de voyager. Rappelons que la Région connaît un taux d’endettement de 231 % pour l’année 2021, « un taux plus haut que toutes les collectivités réunionnaises » a précisé Wilfried Bertile en assemblée plénière du Conseil régional.
La commission permanente de la Région, tenue ce 25 mars, a voté les nouvelles dispositions.
La périodicité passera à un voyage tous les 3 ans pour s’aligner sur celle de l’aide de l’État.
L’aide sera en fonction des revenus, avec trois tranches : 460 euros pour les plus pauvres dont 100 euros de la Région et 360 euros de l’Etat, 360 euros pour ceux qui le sont moins intégralement pris en charge par l’Etat, et 200 euros pour ceux qui sont un peu plus à l’aise financièrement, pris en charge par la Région.
Par ailleurs, « Un nouveau dispositif spécifique pour les étudiants ; qui ne sera pas periodique comme c’était le cas précédemment ; sera élargi et étendu sur toute l’année 2022. Le principe de ce nouveau dispositif de ressourcement des étudiants réunionnais en situation de mobilité a été soumis aux élus régionaux en assemblée plénière lors de la présentation et du vote du Budget Primitif 2022. Ses modalités seront présentées lors d’une prochaine commission permanente », précise un communiqué de la Région Réunion.
C’est le retour de l’aide sociale au voyage destinée avant tout à soutenir ceux qui doivent se rendre en France et qui n’ont pas les moyens de se payer un billet d’avion. L’aide sociale au voyage redevient un moyen de lutter contre les inégalités.

M.M.

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Messages

  • Question :

    Considérez-vous que faire passer l’aide à la continuité territoriale de 450 € tous les ans à 460 € tous les trois ans (soit 153 par an) est une avancée pour les plus pauvres ?


Témoignages - 80e année


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