Au congrès des villes cyclables

L’État critiqué pour l’absence de politique nationale du vélo

4 novembre 2005

Les élus de toutes tendances et les associations représentées au Club des villes cyclables reprochent avec force à l’État, de ne pas mettre en œuvre les préconisations de la députée Brigitte Le Brethon, visant à promouvoir l’usage du vélo comme moyen de déplacement, alors que ce serait pour le plus grand bien de la population et de nos villes.

Contrairement au congrès de 2004 à Tours, où un début de dialogue constructif s’était noué entre les militants de la cause du vélo et l’ancien ministre de l’Environnement, Serge Lepeltier, cette année le ton s’est nettement durci lors du 16ème congrès du Club des villes cyclables de France et d’Outre-mer, qui s’est tenu du 19 au 21 octobre derniers à Lille sous le mot d’ordre : "Bien à vélo, bien dans ma peau". En effet, tant dans les différents ateliers et tables-rondes qu’au cours de l’assemblée générale, les participants ont, à de nombreuses reprises, vivement dénoncé les carences de l’État dans ce domaine. Et dans son discours de clôture, Denis Baupin, président du Club et adjoint au maire de Paris, s’est largement fait l’écho de ces critiques venues de tous les bords politiques.

Tout d’abord, il a déploré que la ministre de l’Écologie et du développement durable ait décliné l’invitation à participer à ce congrès et à remettre comme d’habitude les Trophées du vélo 2005, des trophées pourtant parrainés par son ministère. Cette attitude est-elle le reflet d’une politique gouvernementale qui a supprimé dans la Loi de finances 2004 toutes les contributions de l’État aux réalisations de réseaux cyclables ? Rappelons qu’en 2001, le ministre des Transports, Jean-Claude Gayssot, avait porté ces aides de l’État à 35%.

Un rapport oublié

Rappelons aussi que le 9 mars 2004, la députée-maire UMP de Caen, Brigitte Le Brethon, a remis au Premier ministre un rapport à la fois très critique sur les reculs du gouvernement en la matière et très riche en propositions pour une politique nationale dynamique, cohérente et globale en faveur du vélo. Ce rapport a été accueilli très favorablement par tous les défenseurs d’une telle politique. Comme l’a souligné Denis Baupin, ce rapport préconise notamment "la nécessaire mise en cohérence des actions nationales dispersées et l’accompagnement et l’encouragement des actions locales", avec en particulier "la désignation d’un délégué interministériel s’appuyant sur une structure de mission mise en place pour les cinq ans à venir". Sans oublier le rétablissement des crédits d’État pour financer les plans de déplacements urbains.

Malheureusement, 600 jours après la publication de ce rapport, rien n’a été fait pour commencer à le mettre en œuvre. D’où cette déclaration forte de Denis Baupin : "au moment où le changement climatique frappe, au moment où le prix du pétrole explose, au moment où les études médicales confirment que la pollution fait des milliers de morts, un État aux abonnés absents des politiques cyclables est un État irresponsable". C’est d’ailleurs ce qu’une délégation du Club des villes cyclables, conduite par son président, aura l’occasion de dire lors d’une audience le 7 novembre prochain avec Dominique Perben, le ministre des Transports précisément chargé d’appliquer les recommandations du rapport Le Brethon...

L. B.


"Faire du vélo c’est se faire du bien"

Cette démarche s’inscrit dans le cadre de la bataille générale du Club des villes cyclables de "prioriser l’usage des moyens de déplacements les moins énergivores" et d’"agir sur tous les fronts des nuisances et des injustices que produit ce modèle du tout automobile dans lequel nous vivons encore". D’où les trois propositions émises par Denis Baupin pour montrer à tous "la nécessité de réaliser une politique nationale du vélo".

"La première de ces propositions concerne la santé publique", parce que "faire du vélo c’est d’abord se faire du bien". Et l’élu parisien d’expliquer : une épidémie est en train de se répandre sur la planète ; c’est la première épidémie non infectieuse et les chercheurs ont établi un lien entre cette épidémie et l’augmentation du nombre d’automobiles ; c’est l’obésité. Comme le dit le docteur Jean-Michel Borys, coordonnateur du réseau national EPODE (Ensemble préservons l’obésité des enfants), le vélo est un excellent vaccin contre cette épidémie. Et comme l’a démontré aux congressistes le docteur Jean-Luc Saladin, "au vu des risques sanitaires qu’encourent les personnes sédentaires, l’État ferait mieux d’expliquer que ce n’est pas faire du vélo qui est dangereux. C’est au contraire ne pas faire du vélo qui est dangereux pour la santé".

"Nous proposons donc que l’État prenne en compte le vélo dans les plans nationaux comme le Plan santé environnement ou le Plan national nutrition santé, et qu’il accompagne les efforts des collectivités locales, notamment dans le cadre des Plans de déplacements scolaires et des Plans de déplacements d’entreprises et d’administrations", a déclaré Denis Baupin.

L. B.


Chèque-déplacements et Code de la rue

La seconde proposition du Club des villes cyclables au gouvernement concerne le chèques-déplacements. Conçue sur le modèle du chèque-déjeuner, cette mesure a été reprise par le GART (Groupement des autorités responsables de transport) et retenue par le Premier ministre lors de son intervention télévisée du 6 octobre dernier. Elle permet aux entreprises de participer aux frais de transports de leurs salariés, comme la loi Solidarité et renouvellement urbain (SRU) les y autorise et invite depuis 2000. "Mais le Club et le GART ont rappelé que cet outil ne devrait pas inciter les salariés à l’utilisation de la voiture particulière. Nous voulons qu’il soit, dans un contexte durable d’augmentation du prix du pétrole, une aide au changement de mode de transport", affirme Denis Baupin, pour qui "les élus du GART et du Club demandent à être pleinement associés aux travaux de concrétisation de ce dispositif menés par les services de l’État". Une motion a d’ailleurs été adoptée par les congressistes à cette fin.

Enfin, troisième proposition, le congrès de Lille s’est prononcé à l’unanimité pour l’adoption par la France d’un Code de la rue, sur le modèle de celui qui a été adopté et appliqué depuis près de deux ans en Belgique. Ces nouvelles règles des déplacements en ville visent une plus grande convivialité entre les citoyens et un partage plus juste de la voie publique entre les différents usagers. Elles établissent une responsabilité du plus fort par rapport au plus faible, en augmentant la sécurité des personnes à mobilité réduite, des piétons et des usagers non motorisés.

Ce Code de la rue, conçu, débattu, adopté et appliqué par les Belges depuis le 1er janvier 2004, a déjà donné des résultats très positifs : les accidents ont beaucoup diminué, le nombre de cyclistes a augmenté. C’est pourquoi, les participants au congrès du Club des villes cyclables ont demandé qu’un débat soit ouvert avec l’État afin qu’en France également s’applique un Code de la rue délégitimant la vitesse et privilégiant la qualité de vie et la sécurité urbaines.

L. B.


"Notre nouvel horizon"

"Nous en sommes plus que jamais convaincus, et l’actualité nous donne chaque jour raison : le vélo est loin d’être un mode de déplacement dépassé. C’est un mode de déplacement résolument moderne. Je dirais même : c’est le mode de déplacement urbain par excellence ; car il est non polluant, non bruyant, ouvert sur la ville, bon pour la santé. Il est donc clairement une des solutions aux problèmes de la ville d’aujourd’hui et de demain". C’est ainsi que Denis Baupin a conclu ce congrès en appelant tous les défenseurs d’un développement durable et solidaire à poursuivre leur action "pour rendre nos villes toujours plus cyclables".

Auparavant, il s’était félicité que le nombre de collectivités territoriales adhérentes de ce projet ne cesse d’augmenter. Le réseau du Club a plus que doublé en cinq ans et il compte aujourd’hui 760 villes. (1) Sur la base de cette dynamique, le président a plaidé en faveur d’une coopération renforcée de tous les acteurs locaux : "L’alliance des villes cyclables, des intercommunalités cyclables, des départements cyclables et des régions cyclables doit être notre nouvel horizon. Par des initiatives concrètes organisées ensemble, nous devons fédérer nos énergies. Non seulement pour mettre en œuvre localement des politiques cyclables mais aussi pour constituer un véritable lobby des élus locaux favorables au vélo, une véritable union des territoires cyclables, capable de peser face à nos interlocuteurs". Dont l’État.

Cette stratégie rejoint parfaitement celle de tous les Réunionnais - citoyens, associations, techniciens, administratifs et élus - qui veulent travailler ensemble pour faire de La Réunion une île cyclable. Eh bien, alon fé roulé ansanm !

L. B.

(1) D’après le "Rapport d’activités 2004 - 2005" présenté au 16ème congrès du Club des villes cyclables, quatre communes réunionnaises, soit une sur six, sont membres de l’organisation : Bras-Panon, Le Port, Saint-Denis et Saint-Paul, ainsi que l’association Vélo En Ville (Saint-Paul). Seule la cité maritime était présente à ce congrès.


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