Projet tram-train - 2 -

La parole aux Réunionnais

29 mars 2007

Aujourd’hui, nous livrons la deuxième partie de notre dossier sur l’enquête publique concernant le Tram-Train, avec deux témoignages de Réunionnais qui révèlent bien leur intérêt pour ce projet et toute la compléxité pour en saisir l’ampleur.

Une campagne publicitaire d’affichage 4x3 est actuellement visible dans toute l’île.
(photo Toniox)

Une déclaration d’utilité publique menée dans un souci de transparence

Quelle est la réaction des habitants quant au projet du tram-train ? Qui arrive à la Mairie-annexe du Chaudron sur ce point rencontre les 2 responsables chargés d’accueillir les personnes désireuses d’en savoir plus : M. Courtois et Stéphanie Payet. Le premier cité est commissaire-enquêteur. Cette fonction est occupée principalement par des retraités, nous indique-t-il, le plus souvent de la fonction publique. Le site Internet de la Compagnie Nationale des Commissaires Enquêteurs (www.cnce.fr) ne précise pas cependant qu’il faille atteindre cet âge pour pouvoir postuler. Placés sur une liste départementale, ces derniers sont tirés au sort, chaque année, par le Tribunal administratif, afin de remplir les missions qu’on leur demande. Pour la plupart des enquêtes à réaliser, un seul commissaire-enquêteur est nommé. La particularité de l’enquête sur le tram-train réside dans le fait que ce dernier est cette fois accompagné d’une contractuelle de la SR21. Celle-ci, en l’occurence Stéphanie Payet, peut expliquer les points litigieux que les personnes n’auraient pas compris. Si une difficulté persiste, l’employée peut alors transmettre la demande à la SR21. Le lendemain, une réponse précise est fournie à la personne.
On pourrait alors se dire que la personne de la SR21 est juge et partie, puisque la SR21 est chargée par la Région de veiller à ce que les travaux du tram-train soient bien menés. Stéphanie Payet nous explique qu’il n’en est rien. En effet, elle a été recrutée spécialement pour répondre aux demandes des personnes dans le cadre de cette enquête. A la fin de ce processus, son contrat se termine.
Si elle ne peut répondre aux interrogations des habitant(e)s, elle transmet cette demande, comme indiqué, et répond à la personne dès que la SR21 lui a transmis son expertise. En outre, elle peut prendre des rendez-vous avec la SR21 pour les habitants qui souhaiteraient disposer d’éclaircissements encore plus complets.
L’enquête d’utilité publique se déroule en deux temps.
• Dans la première phase, celle qui a eu lieu du 20 février au 26 mars, les gens étaient appelés à réagir sur 2 points.
Tout d’abord, ils avaient la possibilité de se prononcer sur la Déclaration d’Utilité Publique (DUP) vis-à-vis du tram-train. En résumant, est-ce que les gens sont favorables, ou non, à un tel moyen de communication ?
Le second point réside dans la possibilité de commenter la mise en compatibilité du tracé de l’axe routier avec le Plan Local d’Urbanisme (PLU). Selon M. Courtois, si les réactions ont été assez nombreuses concernant la DUP et souvent favorables, les commentaires sur la conformité du tracé avec le PLU ont été, eux, beaucoup plus faibles.
• Le deuxième temps de l’enquête aura lieu en octobre 2007. Il s’agira de l’enquête dite "parcellaire". Les propriétaires qui seront dans l’emprise du tracé du tram-train sauront exactement la part que le tracé prendra sur leur terrain. A la fin de cette enquête, les expropriations pourront commencer, soit par le biais d’une indemnisation pécuniaire, soit par la négociation (échange d’un terrain contre un autre).
Selon M. Courtois, pour une personne qui inscrit ses commentaires sur les registres d’enquête, il y en a 2 à 3 fois plus qui viennent seulement pour se renseigner. D’après ses dires, la population a répondu présente à cette consultation en venant consulter les documents mis à sa disposition par la SR21. Des chiffres seront publiés bientôt. Ils attesteront, de façon indépendante, de l’engouement avec lequel la population des territoires concernés a répondu à cette enquête.


Interview de Mme Maillot

Quel est votre avis sur l’enquête d’utilité publique menée actuellement ?

- Je n’étais pas au courant qu’il fallait donner son avis. Je l’ai appris au cinéma, par une connaissance. Je ne regarde jamais la télé et donc, je n’ai pas pu voir les clips à ce sujet. Mes jeunes pensaient que le tracé était déjà fixé. Quand j’ai appris que je pouvais encore m’exprimer, j’en ai parlé autour de moi et j’ai réussi à rassembler une dizaine d’avis à ce sujet.

Quel est votre avis sur le tram-train ?

- Je pense que c’est surtout pour les jeunes à venir. Pour notre génération à nous, les 40-50 ans, on pense à nos enfants qui auront moins les moyens. D’un autre côté, ma fille pense que, quand j’aurais un certain âge, le tram-train sera le meilleur moyen pour moi de me déplacer. J’espère que les parkings seront bien sécurisés. Sinon, pour les touristes qui arrivent, c’est un bon moyen d’aller directement à destination. D’ailleurs, nos jeunes qui sont allés en Métropole ont déjà ce réflexe de prendre les transports en commun. Enfin, si le projet est une vraie nécessité, il faut également s’occuper d’autres projets importants comme l’eau.

Matthieu Damian


Témoignage

Le tram-train : trait d’union entre le passé et
l’avenir

Je suis née et j’ai grandi au Port, à proximité de la gare ferroviaire. Mon père travaillait au CFR (Chemin de Fer de La Réunion). Nous habitions, avec mes parents et mes 10 frères et sœurs, une de ces maisons baptisées “cases chemin d’fer”, en bordure de la voie ferrée. Notre vie se déroulait paisiblement au rythme des convois de trains qui venaient se garer juste sous notre nez, quasiment accolés à notre palissade. Les wagons s’immobilisant pour déverser la foule de passagers, le débarquement des marchandises, la vie foisonnante de la Place de la Gare avec les taxis, les vendeurs à la criée, les porteurs de bagages hélant les voyageurs à leur arrivée..., tout cela faisait partie de notre quotidien. Régulièrement, ma mère prenait l’autorail pour se rendre à la Sécurité sociale à Saint-Denis, elle emmenait toujours deux enfants avec elle. Nous voulions tous y aller, mais c’était chacun son tour. Ces voyages étaient pour nous un véritable enchantement. La portion de ligne ferroviaire entre la Gare du Port et la “Savane”, à la limite de La Possession, en passant par “La Glacière” et “La Butte”, était le terrain privilégié de jeux et d’aventures des enfants des quartiers avoisinants. Notre rue à nous, c’était les rails. Nous regardions, émerveillés, le train se faufiler entre les touffes de boidlé, de zépinar, de tantan, de poc-poc, de corbeille d’or, de fatak, de kol-kol... Une végétation dense et généreuse qui abritait autant de becs-roses, de ti-coutis, de cailles, de caméléons, et parfois, quelques lièvres. Tout ce petit monde vivait dans une parfaite harmonie, nullement dérangé par le train qui déambulait au milieu de cette sphère naturelle. Et puis, un jour, tout s’est arrêté, avec la fermeture du Chemin de Fer. C’était au début des années 60. Je ne devais avoir que 7 ou 8 ans, mais j’en ai gardé le souvenir.
Ma famille et moi, nous avons assisté, médusées, impuissantes, tout comme les autres riverains, à la destruction de cet espace ferroviaire, lieu de vie empreint de mémoire, scène de nombreux évènements qui ont marqué l’histoire de La Réunion. Ce fut un déchirement. La fin d’une époque. On ne nous avait pas demandé notre avis. Il en était ainsi et pas autrement. Il a fallu apprendre à vivre différemment, trouver un autre emploi (pour ceux qui travaillaient au CFR), d’autres activités, d’autres jeux et terrains de jeux, d’autres centres d’intérêt, d’autres moyens de transport... Bref, il a fallu se reconstruire, s’adapter.
Aujourd’hui, chacun a la possibilité de s’exprimer, de faire des choix, des propositions. Ça n’a pas toujours été le cas par le passé. Alors, en ce qui concerne le tram-train, je dis OUI ! Oui, pour tout ce que je viens d’évoquer et parce que j’ai le sentiment qu’un peu de mon histoire et de mes rêves d’enfant me sera restitué. Ainsi, le tram-train serait une sorte de trait d’union entre le passé et l’avenir. Un avenir qui, en termes de déplacement, ne peut plus se concevoir aujourd’hui à travers la seule logique de confort individuel.
Il faut se rendre à l’évidence. Le réseau routier à La Réunion est plus que saturé. Et nous ne pourrons construire des routes indéfiniment à moins de défigurer notre île pour la transformer en un immense circuit automobile. Si nous voulons préserver notre environnement et pour le bien-être de tous, nous devrons consentir quelques efforts, changer un peu nos habitudes en acceptant de réduire nos déplacements en voiture et en empruntant les transports collectifs comme le tram-train et les bus. Nous avons tout à y gagner : temps, énergie, sécurité, sérénité, convivialité, économie d’argent, puisque nous aurons moins de frais d’essence... Donc, 200 fois OUI pour le tram-train, moyen de déplacement non polluant qui permettra, en plus, de créer des emplois.
L’avenir de La Réunion n’est pas dans le “tout voiture”. Il réside dans la volonté des Réunionnais à s’investir pour un développement solidaire dans un cadre de vie harmonieux, favorable à l’épanouissement humain.

Claire Courtois - Le Port


Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année


+ Lus