Nouvelle route du littoral

La Région oriente La Réunion vers le ’tout voiture’

25 juin 2014, par Céline Tabou

Les membres de l’ATR-Fnaut ont organisé une conférence de presse atypique, au bord de la mer au niveau des Abattoirs de Saint Denis, afin de dénoncer la nouvelle route du littoral (NRL), jugée « inutilement arrogante pour franchir 12 kilomètres quand on peut le faire simplement par voie terrestre et sans dérogation environnementale ».

Armand Gunet, Bruny Payet et François Payet.

A la veille de l’ouverture de la 1ère Conférence Internationale Climat Energie, organisée par la Région Réunion, les militants de l’ATR ont décidé d’accentuer la pression, après avoir rencontré le directeur de cabinet de la ministre des Outremers, Georges Pau-Langevin. Ce dernier et la ministre ont été invités « à constater l’absence du chantier qu’elle disait trop avancé pour être remis en question ».

La « poudre aux yeux » de Didier Robert

Pour le président de l’ATR-Fnaut, Bruny Payet, « la conférence sur les îles et le changement climatique » est une « grande messe supplémentaire » mise en place par la Région. Assuré que les participants « ne seront pas dupes », Bruny Payet a indiqué que ces derniers « sauront faire la part des choses entre l’engagement réel d’une Région dans la transition énergétique et la poudre aux yeux ». Pour l’ATR, la NRL « a compromis le déplacement durable à La Réunion depuis 2010 avec l’abandon de l’énergie Thermique des Mers (ETM) au profit des Antilles, le renoncement à la géothermie et au transport ferroviaire », entre autres.

L’association a ainsi déposé six recours sur les onze contre la NRL. Des recours visant à mettre en évidence que le projet est « inadapté au savoir-faire des Réunionnais et dispendieux, irresponsable pour notre nature insulaire vulnérable et face aux périls littoraux géologique et océanique, sous climat cyclonique ». De son côté, Jean-Paul Panechou a dénoncé l’attribution d’un marché public de plus de 50 millions d’euros, concernant la sous-traitance, par le titulaire des digues, GTOI /SBTPC/Vinci, à « des transporteurs groupés en GIE, autour de Bernard Caroupaye, président de la Fédération Nationale des Transports Routiers » (FNTR).

Un nom qui fait bondir Jean-Paul Panechou, car l’an dernier ce dernier « protestait contre des arriérés de cotisations fiscales et sociales que lui réclamaient les impôts et la caisse de congés payés ». Pour ce membre de l’ATR, « on n’a jamais entendu les transporteurs donner leur avis sur la NRL, parce que ce qui les intéresse, c’est l’argent ». Pour lui, « le GIE des transporteurs ne doit pas servir de cheval de Troie aux entreprises qui ne seraient pas en règle fiscale ou sociale, ou à celles qui auraient perdu leur titre de transport », raison pour laquelle, la « Région doit s’en assurer, sauf à contourner la loi en guise de retour d’ascenseur ».

Jean-Paul Panechou a également ajouté que « le chantier est déjà fortement retardé et compromis par l’insuffisance des matériaux », notamment des carrières, qui sont le sujet d’une confrontation entre la Région et les élus communaux. « Face à la levée de bouclier des élus et riverains des carrières, partout dans l’île, nous avons demandé au ministre par le biais de son chef de cabinet de refuser de passer en force », à travers son arrêté de Programme d’Intérêt Général (PIG).

Beaucoup de communication

Armand Gunet a dénoncé la campagne de communication mise en place par la Région, à travers un « affichage aguicheur de la NRL ». Raillant les images d’une jeune femme diplômée à l’américaine avec « toge et toque », mais « pas de photos de transporteurs ni de scaphandriers à qui l’on promet formations et milliers d’emplois à la clé ». Pour l’ATR, cette communication a un coût, dont « nous ignorons, après un premier appel d’offres jugé infructueux, à qui est finalement allé le marché de communication de la Région Réunion. Nous en ignorons également le montant », a indiqué Armand Gunet.

Pour ce dernier, la communication engagée masque « la pertinence et le coût de cette communication qui consiste à travestir des photomontages destinés en principe à informer le public. La Région se comporte tel un commerçant malhonnête qui se compromet dans des publicités mensongères », a-t-il évoqué.

D’ailleurs, « faute de financement pour reporter en encorbellement métallique la piste cyclable en 2020, nous ne pourrons pas restituer au Réseau Régional de Transport Guidé (RRTG) ou réseau ferré léger ». Une remarque en rapport avec l’intention de la Région d’engager un chantier ferré après la livraison de la NRL en 2020, « si le chantier débutait à présent. Mais ce n’est pas le cas. La NRL restera toujours à l’état de projet tant que des carrières de roches massives n’auront pas été d’abord trouvées puis acceptées par nos communes ».

De plus, concernant le transport en commun en site propre dit « évolutif en transport guidé », le coût serait, selon l’ATR, la condition de la contribution européenne du FEDER de 151 millions d’euros au financement de la NRL. Or « ce coût n’est actuellement ni chiffré et ni provisionné par la Région ». Raison pour laquelle, l’association a affirmé que la « NRL est condamnée à rester routière sans pouvoir accueillir le ferroviaire ».

Céline Tabou|

Une dotation ferroviaire importante


Secrétaire générale de l’ATR-Fnaut, Pascale David a assuré que « l’annulation en 2010 de la déclaration d’utilité publique (DUP) du tram train a été argumentée par l’insuffisance de financement en l’absence de la dotation ferroviaire de 80 millions ». Cependant, « l’ancienne mandature régionale demandait, elle aussi une part proportionnelle de cette dotation d’accompagnement de la régionalisation ferroviaire de 2002 », qui permet des dépenses d’exploitation et d’investissement.

Alors que l’ensemble des régions de France possède une dotation ferroviaire pour leur réseau ferré, La Réunion s’est vu refusé cette subvention, alors qu’elle cofinançait son infrastructure. « Matignon I assurait le financement initial à hauteur de 885 millions d’euros. L’exploitation et les investissements ultérieurs sur 40 ans ne pouvaient évidemment se passer, comme en France, d’une dotation ferroviaire ».

Cependant, le « refus » de Didier Robert « d’agir pour obtenir cette dotation », a entrainé la plainte de Tram-Tiss, pour un montant de 170 millions d’euros. Face à cette situation, l’ATR se demande comment la Région va pouvoir financer 150 km de RRTG, réseau ferré de Saint-Benoit à Saint-Joseph, sans dotation ferroviaire. Pour Pascale David, « cette promesse d’un RRTG ne pourra être financée dans 6 ans, comme promis au FEDER, puisque la Région n’aura pas fini de rembourser à la Caisse des Dépôts ses prêts de 622 millions d’euros sur 40 ans, soit 93% de sa part initiale de 669 millions d’euros ».

La situation budgétaire de la Région, la pousse au tout automobile, car l’enveloppe de la route du littoral et du tram-train de Matignon I est engloutie par la NRL. D’ailleurs, « pour maintenir l’apport de 151 millions d’euros du FEDER, la Région dissimule à l’Europe son véritable schéma d’aménagement régional ». Aucun retour en arrière ne sera possible pour l’association qui a assuré que « la capacité d’endettement de la Région sera absorbée par la NRL » risquant de « vampiriser d’autres projets régionaux pendant 40 ans ». Une certitude donc pour l’ATR, le RRTG « ne se fera pas », et la Région « a bien tourné le dos au déplacement durable ».

Les arrêtés attaqués par l’ATR-Fnaut


Après quatre recours, « nous attaquons les deux arrêtés l’un préfectoral et l’autre ministériels autorisant d’importants dégâts par le projet de NRL sur les espèces protégées », a expliqué François Payet. Ceux-ci autorisent la perturbation intentionnelle, la destruction, altération ou dégradation de Sites de reproduction ou d’aires de repos, la destruction ou enlèvement des œufs, des larves et des nymphes et la destruction, mutilation, capture ou enlèvement et transport.

« Les pouvoirs publics savent que le projet marin ne préservera pas la biodiversité et les espèces protégées. Contrairement à ce que prétend la Région aucune mesure compensatoire envisagée ne pourra restituer l’habitat et/ou les espèces une fois détruits », a assuré ce dernier. Pour qui, la déclaration d’utilité publique est « illégale au regard de la loi littorale et de la théorie du bilan ». Face à la hausse des coûts assurés depuis mars 2012, « l’absence de tout financement acquis ou maîtrisé de ces surcoûts » pousseront la Région « à toujours plus s’endetter ».

François Payet a dénoncé le « non-respect de la procédure de consultation de 2013 », sur Internet. Ce dernier a pointé du doigt la promesse de dérogation du Ministre des Outremers avant l’issue de la consultation et notamment le rapport de synthèse de la consultation publique, qui n’a pas été diffusé à l’opinion publique.

Enfin, pour l’ATR, « l’existence d’alternatives retire à la NRL toute raison impérative d’intérêt public majeur ». D’ailleurs, selon François Payet, le Préfet reconnaît la possibilité d’alternative à la NRL, ce qui permettrait de mettre en place un projet allant « en priorité sur la variante qui ne réclame pas de dérogation environnementale ». Ces alternatives sont terrestres par les Hauts ou en tunnel, a indiqué ce dernier.

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