Trafic aérien

La Région rappelle les orientations d’Air Austral

20 avril 2005

“Le Journal de l’île”, dans son édition de lundi, donne une lecture très orientée du communiqué de la Région du 17 avril, dans lequel la Collectivité marque sa préférence pour le maintien d’Air Austral dans une logique de desserte aérienne d’intérêt général (ou : de service public) et fait état des interrogations soulevées par les offres d’achat faites dans la perspective d’une recomposition du capital d’Air Austral, après l’annonce du retrait d’Air France. Une autre lecture est possible.

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Depuis qu’Air France a annoncé son retrait de la compagnie Air Austral, la compagnie aérienne réunionnaise sait qu’elle est engagée vers une recomposition de son capital - de 30 millions à sa création, en 1990, dont un tiers détenu par la compagnie aérienne nationale.
La vraie surprise, dans ce retrait annoncé, tenait au fait qu’Air France affichait l’intention de se retirer totalement d’une société dont les bons résultats sont connus de tous. Dans la morosité actuelle que connaissent les transporteurs aériens, la petite compagnie régionale est reconnue nationalement et internationalement comme un “modèle” dont l’atypisme n’a d’égal que la bonne santé, alors que la plupart des compagnies aériennes - hors quelques très grosses - sont généralement malades.
Cela peut suffire à expliquer l’intérêt que le Groupe Bourbon lui a manifesté : déjà bien implanté dans le transport maritime, le groupe de Jacques de Chateauvieux peut trouver une complémentarité évidente à s’impliquer dans le transport aérien, en dépit d’une conjoncture difficile.

La porte reste ouverte

Considérée en termes de défi à relever, l’entrée du groupe Bourbon dans le capital d’Air austral est une éventualité à laquelle aucun Réunionnais responsable ne saurait, a priori, s’opposer ou approuver sans un examen approfondi. C’est la voie proposée par la Région, dont le communiqué indique quelques jalons pour une réflexion sur ce que doivent être les finalités de la compagnie régionale.
Cette réflexion s’articule autour de deux constats, essentiellement.
1/Les offres du groupe Bourbon visent à une prise de contrôle d’Air Austral : le rachat des actions d’Air France (30,36%) par le fonds d’investissement Bourbon Axa Investment Fund (BAIF) et l’offre faite aux banques par la société JACCAR (société familiale) de leur racheter leurs parts (jusqu’à plus de 20%), mettrait la constellation Chateauvieux en position d’actionnaire majoritaire, devant la SEMATRA.
2/Le manque de lisibilité, sinon de transparence dans la structuration du BAIF et ses objectifs déclarés (doublement du capital en 5 ans) posent à Air Austral un problème d’orientation stratégique. "Sans faire de procès d’intention, force est de constater que dans un tel scénario, l’orientation de la compagnie échapperait aux Réunionnais pour servir principalement les objectifs de la société d’investissement internationale", indique le communiqué de la Région.
Ce n’est faire barrage à personne que de poser ces questions. La perspective d’un apport de capitaux nouveaux, voire d’une autre méthode de gestion, peut être un atout si tout cela est mis au service d’une desserte publique et du développement économique de La Réunion. La porte reste donc ouverte à tout investisseur réunionnais qui souhaiterait participer au développement d’Air austral, y compris donc M. de Chateauvieux.

Clarifier les arguments

"Autant l’on ne pourrait que se féliciter d’un renforcement du capital d’Air Austral par des fonds réunionnais, autant l’on ne peut laisser échapper au profit d’intérêts financiers extérieurs un outil essentiel du désenclavement de La Réunion. Le désenclavement de La Réunion est une obligation de service public et ne peut obéir à la seule logique de rentabilité du capital", poursuit le communiqué, qui termine sur un appel à la vigilance.
Ce n’est déclarer la guerre à personne que d’observer l’opacité des propositions en l’état, ni de rechercher des garanties d’équilibre.
Qui peut garantir, dans la conjoncture actuelle, que le choix d’un fonds d’investissement - basé à l’île Maurice* - et une cotation en Bourse ne pourraient se convertir à termes - si par exemple le prix du carburant devient un frein indéblocable - en facteurs de déstabilisation de la compagnie régionale ?
Le communiqué de la Région est un appel à clarifier les arguments et les objectifs des uns et des autres. Pourquoi Jaccar et le groupe Bourbon ne se partagent-ils pas les parts cédées par Air France ? Quelles garanties offre le BAIF - association de Axa et du groupe Bourbon - de maintenir le cap de ce qui a fait le succès d’Air Austral jusqu’à présent ?
Les prochaines réunions de la SEMATRA et du Conseil de Surveillance d’Air Austral devraient aider à apporter des clarifications.

P. David

(*) C’est une réalité, contrairement à certaines assertions.


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