Politique des déplacements

Le Cercle philosophique réunionnais appelle à “bouger autrement”

20 septembre 2006

À l’occasion de la Semaine européenne de la mobilité, qui se déroule du 16 au 22 septembre, le Cercle philosophique réunionnais a publié lundi un communiqué sous le titre : ’Se déplacer autrement pour donner du sens à nos déplacements’. On lira ci-après le texte de ce communiqué, signé par le vice-président Bernard Pitou. Les intertitres sont de “Témoignages”.

Le Cercle philosophique réunionnais (CPR) s’est constitué récemment en association et ses statuts ont été déposés à la Préfecture. Comme le disent ses statuts et comme il l’a déclaré dans son premier manifeste, le CPR se donne pour objectif d’essayer de faire vivre la pratique philosophique à La Réunion afin de la démocratiser le plus possible. C’est un moyen de faire en sorte que chaque citoyen puisse contribuer en toute liberté à la recherche de la sagesse pour lui-même et pour toute la société.

Pas de sujet tabou

Dans ce cadre, il a notamment l’intention de s’exprimer sur différents événements ou situations de l’actualité. C’est une manière de dire que la philosophie s’intéresse à tous les sujets de notre vie quotidienne autant que sur les grandes questions de l’humanité. Il n’y a pas de sujet tabou pour celle et celui qui aiment la sagesse et qui veulent donner du sens à notre existence.

"La meilleure énergie"

C’est ainsi, qu’il y a quelques semaines, le CPR a apporté son soutien aux Réunionnais mobilisés pour demander la fin de la guerre au Moyen-Orient. Aujourd’hui, il se réjouit que des associations et des collectivités réunionnaises aient organisé des manifestations pour la Semaine européenne de la mobilité. À l’occasion de sa 5ème édition, celle-ci a pour but de contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique et elle a pour thème : "Bougez autrement ; la meilleure énergie c’est la nôtre".

Le rôle de l’État

Le CPR appelle le maximum de Réunionnais à participer aux actions organisées dans le cadre de cette semaine, afin de s’impliquer dans cette démarche citoyenne visant à changer les comportements des institutions, des entreprises et des personnes en matière de déplacements. D’ailleurs La Réunion est la région de France et d’Outre-mer qui a proportionnellement organisé le plus grand nombre de manifestations à cette occasion.
Il est souhaitable que les collectivités et les associations puissent poursuivre la mise en œuvre des actions déjà entreprises en ce sens. Il demande également à l’État de soutenir davantage les politiques de déplacements durables, c’est-à-dire celles qui favorisent les moyens de transports collectifs et les modes de déplacements doux, non motorisés plutôt que la voiture individuelle, à savoir le vélo, la marche à pied ou le co-voiturage.

Les effets du tout-automobile

En effet, le plus important quand on se déplace est naturellement la raison de ce déplacement, le but poursuivi ; mais dans le contexte réunionnais et mondial actuel, la manière de se déplacer, le moyen utilisé n’est pas dénué de signification.
En effet, toutes les études scientifiques démontrent que le tout-automobile, un des modes de déplacement dominants à La Réunion et dans le monde, est la source de nombreux problèmes :

- il entraîne d’énormes gaspillages en termes de terrains, de matières premières et d’énergie fossile ;

- il provoque des émissions massives de gaz à effet de serre, qui sont une des causes principales des changements climatiques dont les effets auront des conséquences considérables sur l’avenir de notre île, de la planète et de l’humanité ;

- il favorise l’obésité, une des maladies majeures de notre temps, de nombreux accidents routiers et des pollutions, sources de nombreuses maladies ;

- il entraîne des dépenses souvent abusives et inutiles pour les foyers ;

- il nuit à la cohésion sociale.

Une "bulle métallisée"

Ces derniers temps, les routes réunionnaises ont particulièrement été meurtrières. Faut-il y voir la marque de la "fatalité", du "destin", ou du "pas de chance" ?
Non, le "destin" n’a rien à voir avec ces faits. Ils sont les conséquences d’une société qui exalte la vitesse, le sentiment de toute-puissance narcissique de l’individu, qui efface les frontières entre le possible et l’impossible, entre le permis et l’interdit.
À bord de bolides motorisés, l’individu se croit invincible. Cette illusion conduit nécessairement au drame. On n’échappe pas au principe de réalité. Si l’on chasse le réel par la porte, il revient au galop par la fenêtre.
Dans le numéro hors série 63 du "Nouvel Observateur" intitulé "Homo automobilis", le philosophe français Régis Debray écrit : "L’idéal civique de l’Occident s’est forgé "pedibus cum jambis" ("à pied") [...]. L’auto privatise notre rapport au monde. La bulle métallisée renforce l’engoncement individualiste. [...] L’automate altère sans mot dire l’espace républicain...".

Donne du sens à nos déplacements

Pourquoi l’humanité d’aujourd’hui a-t-elle tendance à rechercher la vitesse ou la rapidité dans tout ce qu’elle fait ? Faut-il nécessairement aller de plus en plus vite ? Quel est le sens de cette vitesse et de cette recherche de vitesse à tout prix ? Pourquoi ne pas faire de la lenteur, de la modération des principes de vie ? Chez les Chinois, la tortue est le symbole de la philosophie et de la sagesse. Cet animal se caractérise par la lenteur de ses déplacements et par sa longévité.
Beau symbole qui nous montre la sagesse millénaire qui émane de cette civilisation.
Pourquoi se hâter, alors que le terme est identique pour tous ? Se presser, c’est presser le terme de son existence.
Pour vivre heureux vivons autrement. Donc, déplaçons-nous autrement, chaque fois que cela est possible. Et donnons ainsi davantage de sens à nos déplacements.

Pour le Cercle philosophique réunionnais,
Bernard Pitou, vice-président


Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année


+ Lus