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Des travaux et des hommes - 2 -
29 mai 2006
Début avril, après une visite de reconnaissance générale d’une portion de la Route des Tamarins (voir “Témoignages” du 29 avril 2006), un contact avec Florian Fresnel, directeur des travaux du groupement d’entreprises Demathieu & Bard-GTOI (groupe Colas), donne le départ pour le suivi d’un “décoffrage de tablier” sur la ravine Cocâtre.
Il est plus simple, autant pour ceux qui connaissent les chantiers que pour ceux qui les découvrent, de se donner rendez-vous aux points de sécurité, numérotés de 1 à 26 depuis l’unification du système et son transfert au SDIS.
Le directeur des travaux du groupement qui travaille sur les lots 1, 3 et 7, Florian Fresnel, me retrouve au PRS 12, chemin Piveteau. Goudronné à la fin de l’année 2005, le chemin a été au cœur d’une polémique lors de l’accident d’octobre. Des suites judiciaires sont attendues.
Cinq chantiers en deux lots
Les numéros donnés aux différents chantiers sont ceux des allotissements : il y a neuf marchés en cours pour les ouvrages d’art non courants (OANC 1 à 9), soit un marché global d’environ 150 millions d’euros. Ce groupement d’entreprises travaille sur l’OANC 1 (trois ouvrages) et 7 (deux ouvrages), sur une portion de route de près de 3 kilomètres, en deux tronçons.
Chaque lot, en effet, comporte plusieurs chantiers. Le lot OANC1 attribué au groupement Demathieu & Bard-GTOI comprend les ouvrages d’art (OA) 82, 89 et 155 traversant les ravines de l’Hermitage (82), Bras de l’Hermitage (89) et ravine Cocâtre, quelques kilomètres plus loin, dans la commune de Trois-Bassins. Les deux premiers sont terminés. Nous nous retrouvons sur le troisième pour le décoffrage du tablier, opération qui va durer environ 2 jours.
Florian Fresnel est arrivé au début de l’année 2006. Il fait partie de la dizaine d’expatriés qui encadrent 60 à 70 ouvriers réunionnais chez Demathieu & Bard, une entreprise implantée dans l’île depuis le chantier du pont de Salazie.
Le reste de l’équipe d’encadrement se compose de trois “seconds” - François Pastier, Alain Rivo et Romain Drouillet - deux chefs de chantier et un géomètre. Ils ont avec eux une quarantaine d’ouvriers et quinze sous-traitants.
Devant Johann, l’un des plus jeunes OP du chantier de la ravine Cocâtre, Florian Fresnel veut exprimer "comment il ressent le métier". "On bâtit, on laisse quelque chose", dit-il en demandant au jeune OP si cet ouvrage n’est pas un peu le sien. "En quelque sorte, oui - consent Johann - Je l’ai fait, avec tous les autres".
Johann a eu une formation de menuisier (BEP, Bac Pro de menuiserie en charpente) ; il était inscrit "dans une boite d’intérim qui cherchait des coffreurs". Après 4 mois d’intérim, il a été embauché par le groupe le 1er septembre 2005.
Au poste dès 6h du matin...
Sur ce chantier, les ouvriers travaillent sur “poste” : deux équipes le matin (à 6h et à 7h), une l’après-midi ; le chef d’équipe de Johann est Karl Sincère.
Ce jour-là, Johann est du poste de 6h du matin. "Le tablier est fini. On a commencé le deuxième ripage (décoffrage) : on tire tous les haches (poutres métalliques) de dessous le tablier", explique-t-il. Lorsque nous arrivons sur le chantier, les équipes sont au travail depuis une heure ou deux.
Douze hommes le matin, sept l’après-midi devront déplacer de façon mécanique, avec des treuils et des chaînes - appelés tire-fonds - près de 80 tonnes de ferraille - des étais - restés sous le tablier.
Karl Sincère, 28 ans, a travaillé en France, dans le Bâtiment, sur l’ouvrage mixte du Port et sur la Route des Tamarins depuis octobre 2004. Il a déjà été chef d’équipe : "Cela change selon la taille de l’équipe", note-t-il, pas trop dépaysé. Avec Jean-Bernard Boristhène, arrivé en même temps que lui sur la route, il s’attend plus ou moins à débaucher à la fin de cet ouvrage.
Jean-Bernard, coffreur, 42 ans, a travaillé avec la GTOI, GTM, SBTPC et en est à son troisième pont ; il est dans la vie active depuis l’âge de 16 ans. "Dans la restauration d’abord et dans le BTP depuis l’âge de 20 ans. Ma première paie BTP, je l’ai eue à 23 ans".
Pierrot Clairivet (voir portrait) travaille avec un autre maçon-coffreur au mur du “garde-grève”. C’est la partie où le tablier rejoint la culée, avec un joint de chaussée de part et d’autre, aux deux extrémités du pont.
À ce moment du chantier, nous verrons aussi Judickaël, Fabien, Jean-Thierry et Marco (voir photo). Judickaël, 25 ans, a été manœuvre intérimaire depuis 2004, puis sur contrat de chantier avec la GTOI depuis janvier 2005. c’est son troisième pont comme maçon-coffreur. "C’est la première fois que je travaille en hauteur. On a mis une ligne de vie, avec un câble en acier, pour circuler tout le long", dit-il en montrant la bordure du tablier. De l’autre côté, le vide.
Les risques du métier
Pour Jean-Marc Navarra, le chef de chantier, c’est un chantier “classique”. Expatrié du groupe Colas, il s’est déplacé avec femme et enfants. C’est la première fois qu’il travaille hors de métropole. "Avant de venir ici, j’étais à SOCATOP, à Paris ; après j’ai fait des chantiers souterrains : des métros, des réservoirs et des conduites d’eau, en tunnelier ou en en terrain classique. J’arrive à 6h30 et je débauche vers 16-17h, quand le recouvrement des deux postes est fait, celui du matin et celui de l’après-midi".
Pendant la “pause panier”, Florian Fresnel retrouve Hervé Vallée, directeur d’exploitation, arrivé à La Réunion le 1er février 2005 après avoir travaillé à l’étranger avec le groupe Vinci.
Un dialogue s’engage sur leur responsabilité respective devant “les risques du métier”.
"Nous devons penser à tout ce qu’il faut pour faire un travail en sécurité : garde-corps, tubes, harnais...", commence le chef d’exploitation. "On va analyser chaque poste de travail - le montage, le bétonnage, le démontage... - et sur chaque phase, on va déterminer les risques, ce qu’il faut faire, ce qu’il ne faut pas faire. Chaque sous-traitant est sous notre responsabilité ; s’il fait une bêtise, nous sommes responsables. C’est à nous de veiller à ce que ça se passe bien. À nous de connaître le métier des autres, pour anticiper leurs besoins et ne pas être pris au dépourvu".
Pour le conducteur des travaux, "le risque zéro n’existe pas". "Ouvrir un chantier, c’est comme monter une usine : tous les ans, on nous demande de le faire. Un chantier, c’est un environnement particulier, une technique particulière. Pour faire un ouvrage, il y a à peu près vingt techniques différentes, vingt “process”, vingt dimensionnements différents... Des équipes différentes. Tous les ans c’est différent".
Une cinquantaine de métiers
Le chantier autour d’eux a repris son activité. Un rythme soutenu, mais pas trépidant. Le chantier d’un ouvrage d’art n’est pas une “ruche” et la disproportion entre les dimensions de l’œuvre, rapportées à la taille et au nombre de ceux qui y travaillent est un sujet d’étonnement permanent.
Un ouvrage comme celui du pont de la ravine Cocâtre mobilise quantité de métiers, jamais là tous en même temps : depuis l’électricien, le plombier (pour l’adduction d’eau), le fournisseur de bâches, de plastique, de petit matériel... Les deux responsables en commencent l’énumération... avant de s’en tenir à une évaluation globale : "une cinquantaine de métiers", estime Hervé Vallée, sans parler des sous-traitants.
Achille Madacène par exemple, 53 ans, est magasinier. Sur ce chantier depuis le début (septembre 2004), il s’occupe du transfert de matériel d’un chantier à l’autre. Après 17 ans dans le transport et 11 ans dans le commerce, comme magasinier en quincaillerie, il est entré comme magasinier à la GTOI par une société d’intérimaires. "Ici, je vois ce qui manque, je fais le point tous les jours. Je travaille avec tout le monde, depuis la base", dit-il en repartant vers un des conteneurs.
Une opération délicate
Les responsabilités du conducteur des travaux vont le mener vers deux autres chantiers du groupe, en aval et en amont de celui où nous sommes. Je le suivrai sur le chantier de la petite Ravine (OA 163) et du bras de Grande ravine (OA 146) - photos ci-contre - mais le centre d’intérêt de cette première visite reste à Ravine Cocâtre, où le décoffrage reprendra de plus belle dans l’après-midi, sous la conduite de Dominique Dongeux, chef de l’équipe de 13h.
L’opération de décoffrage n’est pas sans danger pour les hommes qui s’activent sous le tablier. Elle consiste à dégager les “haches”, quatorze linteaux en métal (14 mètres de long, 5,5 tonnes chacun) en les faisant glisser sur des “boîtes à sables” et des “pistons” (rondins de bois).
Yohann, 19 ans, est au maniement du tire-fond, une sorte de treuil dont le câble passe sous le tablier par un interstice du tablier en béton. Ses camarades le guident à la voix. Le décoffrage se fait par glissements progressifs et utilisation de contrepoids - des plateaux coffrants, puis des “rollers” (grandes tiges avec un sabot). Dominique Dongeux est stressé ; il en a même oublié de mettre son harnais et virevolte au bord du précipice, en donnant de la voix.
"Il faut faire attention dans la deuxième partie ; la dernière fois, sans le travail du tire-fond, il (le coffrage dans son ensemble - Ndlr) est parti tout seul sur 50 cm. Il nous a eus... Quand on arrive pour tirer la troisième partie, je vais rajouter trois tire-fonds en chaîne derrière, pour faire un frein de sécurité. C’est la partie la plus dangereuse à enlever. Quand celle-là est faite, les deux autres, ce n’est pas trop dur. Je me suis fait avoir une fois... cette fois, on va l’arrêter", explique-t-il en remontant.
À ce moment des opérations, menées sous le regard vigilant d’Alain Randrianavaly, un responsable sécurité/environnement de 35 ans, le grutier doit se tenir prêt à entrer en action : pour enlever les plateaux-coffrants, puis pour ranger le matériel que Jean-Marie Dijoux et Antoine “Gino” rangent dans un caisson roulant. Dans un temps mort, Michel Kam, le grutier, en profite pour fermer les conteneurs de rangement. Cela consiste à déposer un mètre cube de béton (2,5 tonnes) muni d’une anse en ferraille devant chaque conteneur fermé, pour en condamner l’accès.
Après le choc, l’empreinte
Pendant ce temps, les cordistes de E.I. Montagne ont fini leur opération de purge. Ils ont déblayé une centaine de gros blocs - le plus lourd est estimé à 5 tonnes - avec le concours de Michel Kam, qui a déposé les roches au pied de la grue, en attendant les camions. Les cordistes sont parmi la quinzaine de sous-traitants qui interviennent pour le compte du groupement.
Alain Randrianavaly est sur le chantier depuis 2004 et il a été terriblement marqué par l’accident d’octobre dernier. Selon lui, tous les hommes du chantier ont été choqués. "On a appelé les secours, en envoyant quelqu’un au point de rencontre. À l’époque, le chemin n’était pas encore fait et les pompiers nous ont dit qu’ils ne pouvaient pas rouler rapidement", se souvient-il. "Une cellule de crise s’est montée. On a mis les points sur les “i”. Les mesures de sécurité ont été renforcées... Il y a encore des améliorations à faire". Il voudrait ainsi contribuer à "améliorer la mentalité des gars". Des “points-sécurité” ont lieu avec lui tous les 15 jours.
Florian Fresnel confirme que Jean-Marie Picard - le coffreur disparu - "est encore présent dans l’esprit des ouvriers du chantier". "Avec des Dumpers, on est vraiment des fourmis. Il y a une vraie disproportion... J’ai failli me faire tuer une fois, par un Dumper. C’est avec l’expérience qu’on apprend. C’est notre travail de surveiller cela..."
Ce sera le mot de la fin, pour cette fois. La fréquentation des chantiers montre que l’obsession de la sécurité peut-être à la fois une culture partagée et une contrainte difficile à intégrer pour chacun selon les moments. La passion et l’action peuvent amener les meilleurs à s’oublier.
P. David
Portrait
Pierrot Clairivet, coffreur
Pierrot Clairivet est coffreur depuis l’âge de 15-16 ans. À 40 ans, il est passé par toutes les entreprises d’importance, à La Réunion, dans les travaux publics : SBTPC, PICO, PASCAL, GTOI... Depuis trois ans, il ne travaille que sur ouvrages. Il a fait l’échangeur de Gillot, deux ouvrages à l’Étang-Salé. Au Bras de la Plaine, avec Bouygues, il a fait son premier ouvrage suspendu. "C’était une première mondiale pour l’entreprise". On le sent fier de ce qu’il a fait et de ce qu’il peut faire encore. Il habite le Tampon et, quand il est sur un poste du matin, il est levé à 4h du matin, pour débaucher à 14h30-15h. "On ressent la fierté des ouvrages faits", dit-il. Et il ajoute : "A la fin d’un ouvrage, à la débauche, je préfère attendre un peu, jusqu’au prochain chantier". Il lui est arrivé d’attendre quatre mois, entre deux chantiers. Pas plus.
Mais il y a un point qui ne change jamais pour lui, c’est le salaire. "Je m’attendais à ce qu’on mette un peu plus dans les salaires des ouvriers", confie-t-il, toute déception bue. À l’indice 145, un coffreur peut gagner 1.400 euros sur un mois plein, et un peu plus avec les "primes de panier" (pauses déjeuner). "On a fait une réunion avec les responsables d’entreprise (GTOI - NDLR) pour demander une prime sur les coffrages. C’est un peu dangereux". La réponse faite a été “ça n’est pas prévu” mais Pierrot reste confiant. "S’ils voient que c’est bien fait, ils reverront peut-être leur position".
Au moment où il me parle, la chose sûre est que, sur ce plan, il ne voit aucune différence entre ce chantier et les précédents.
La visite aux deux autres chantiers
o A Petite Ravine...
Il faudra revenir vers juin pour voir enlever les caimarteaux qui servent de support aux poutres métalliques, sur 4 mètres de hauteur. Nous y croisons Thierry Schantz, responsable de l’Environnement à Scetauroute. Il accompagne le paysager, maître d’œuvre sur cette partie de la route, dans une visite de reconnaissance.
o ... et au Bras de Grande Ravine
Jean-Pierre Huet, coffreur, 45 ans, fait un relevé topographique des mesures. Avec lui, Christophe, Henri et Joseph - tous moins de 30 ans - travaillent sur le garde grève du Bras de Grande Ravine. L’un d’eux vient de se faire rappeler à l’ordre parce qu’il évoluait sans harnais sur un échafaudage (3 à 4 mètres de hauteur). Sur les indications du topographe, les trois jeunes maçons doivent remettre à bonne hauteur un garde grève monté un peu trop haut. "Il faut pile poil le niveau", dit Jean-Pierre Huet.
Faire et défaire, c’est toujours travailler...
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