Débat public : Comment mieux se déplacer à La Réunion ?

On n’attendra pas 10 ans pour mieux circuler

20 janvier 2005

D’ici quelques jours, après l’édition du compte-rendu et du bilan du débat public relatif au projet tram-train et à la sécurisation de la Route du Littoral, la Commission régionale de débat public aura terminé sa mission. Ses membres ont tenu à faire le point sur ce premier débat public de l’Outre-mer qui ouvre la voie à une participation démocratique et citoyenne grandissante à La Réunion.

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"Nous sommes aujourd’hui à la phase terminale de l’action de la Commission régionale de débat public", notait hier son président René Robert. En présence de ses trois autres responsables, Jean Chatel, Jean-Raymond Mondon et Roseline Baronce, il faisait le point en conférence de presse : d’ici quelques jours, la commission aura terminé sa mission.
Pour ce premier débat public de l’Outre-mer, René Robert souligne que le scepticisme initial, face à une telle démarche innovante à La Réunion, a progressivement rencontré l’investissement et la participation massive des acteurs économiques, associatifs, politiques locaux, des particuliers, mais aussi de la jeunesse.
Des contributions qui se sont enrichies au fil des rencontres pour donner encore plus de valeur ajoutée au débat. Les petits "moukatages, institution qui a toujours existé et continuera d’exister à La Réunion", souligne René Robert, se sont rapidement taris pour laisser place à une prise de conscience collective de l’importance de ce débat, de cette liberté d’expression offerte.
"Les gens attendaient de s’exprimer, ont besoin d’être entendus, d’exister par cette prise de parole"
, et ce malgré une certaine retenue inscrite dans le fondement du peuple réunionnais. Le président de la commission a tenu à souligner le rôle important des médias qui se sont faits le relais de cette action majeure pour la démocratie participative à La Réunion.
En retranscrivant les échanges, en insistant sur les enjeux de l’aménagement du territoire à La Réunion, les médias ont joué pleinement leur rôle d’informateurs et ont par là-même suscité des débats au sein des familles. Les questions relatives au tram-train ou à la sécurisation de la route du Littoral ont fait place à un questionnement plus général relatif aux déplacements dans notre département. "Une deuxième strate de réflexion est apparue. Le questionnement a évolué en qualité, s’est tourné vers l’aménagement à La Réunion", explique René Robert.

La jeunesse enrichit le débat

La forte implication de la jeunesse, des étudiants, lycéens et collégiens, sollicités par la Commission régionale de débat public pour réfléchir, avec le système éducatif, à “Comment mieux se déplacer à La Réunion ?”, a résolument enrichi le débat.
Pour exemple, le lycée de Petite-Île à Saint-Joseph a récolté à lui seul 1.250 impressions et avis d’élèves et de parents d’élèves. "Les jeunes sont déjà dans des réflexions politiques, sociologiques. Avec eux, il n’y a pas de “y’a qu’à, faut qu’on”, mais de véritables questions existentielles très enrichissantes", insiste René Robert qui, comme l’ensemble des contributeurs, a apprécié la qualité des échanges avec la jeunesse de notre île.
Il garde à l’esprit cette réflexion d’une jeune fille de 16 ans qui se demande ce que deviennent les jeunes au milieu du poids de ces décisions qui engagent leur futur. Est-ce qu’elles ne vont pas bloquer notre existence ?
Cette participation active et massive des jeunes Réunionnais - qui fera l’objet d’un document de 200 pages dans lequel figureront les 80 contributions techniques récoltées -, a également été relevée par la Commission nationale de débat public.
Démarche innovante, la France pense déjà appliquer ce modèle sur son territoire et ne pas omettre l’avis de la jeune génération. "Nous avons su présenter des options nouvelles, ouvrir des pistes et des chantiers pour les débats à venir", se félicite René Robert.
Autre particularité réunionnaise : afin de ne pas omettre l’avis, la réflexion et les propositions éventuelles des acteurs sociaux et économiques de La Réunion qui n’auraient pas pu se déplacer, la Commission est allée jusqu’à eux pour récolter leurs contributions.
"Ce premier débat public a servi d’expérience pour de futurs débats sur d’autres thèmes. Il nous a permis de voir le champ du possible et de l’impossible, de préparer la population à ce type d’échange et d’intervention pour aller plus vite, mieux et plus loin", retient enfin René Robert.

Développer déjà le transport collectif

Justement aller plus vite, mieux et plus loin fait partie des réflexions émises lors du débat. Les Réunionnais ne veulent pas attendre 10 ans pour voir résolus les problèmes de circulation. Ils souhaitent des solutions rapides, réfléchies et peu onéreuses pour améliorer le quotidien de tous, sans exclusion, avec une égalité de traitement entre les différentes micro-régions.
La notion de phasage ressort ainsi clairement du débat. En priorité, il faudrait résoudre le problème récurrent des bouchons qui risque, par exaspération, d’influer sur le comportement des usagers. Prenant en compte le problème du “tout-automobile”, de l’augmentation de la population, les participants sont favorables aux transports collectifs qui devraient être plus rapides, plus attractifs, offrant de meilleures dessertes pour parvenir à concurrencer la voiture.
Face au projet tram-train, si sa nécessité n’est globalement pas remise en cause, les habitants de l’Est, comme du Sud, estiment qu’il faudrait déjà développer le transport collectif en site propre et dans les hauts de l’île, pour familiariser les usagers au bus, déjà aménager l’existant.
Ce n’est qu’après cette phase transitoire, lorsque l’argent nécessaire sera disponible, que l’on pourra se tourner vers le tram-train. Au vu du coût élevé d’un tel projet (1 milliard et demi d’euros), il ressort également une certaine crainte relative à la disponibilité des moyens financiers nécessaires. Le tram-train ne risque-t-il pas de supplanter d’autres besoins ? Bien que les maîtres d’ouvrages (Région Réunion, État) aient répondu à nombre d’interrogations sur la question financière, le scepticisme et l’inquiétude du public perdurent.

Régler le problème des bouchons

La question de la sécurisation de la Route du Littoral a suscité nombre de réflexions. "Il aurait fallu un temps particulier pour aller jusqu’au fond", souligne René Robert. Malgré cela, aucune proposition n’a retenu l’attention d’une majorité au cours du débat, aucune ne tient la route.
En dehors des aspects techniques qui ont prédominé, les propositions de passer par les Hauts de Saint-Denis, puis par La Montagne, ont soulevé une nouvelle priorité : celle de l’espace à optimiser.
Et pourquoi pas deux routes ? Celle en hauteur pour les véhicules légers et la route du Littoral pour les véhicules lourds. L’idée d’augmenter la capacité de la RN3 qui va de Saint-Pierre à Saint-Benoît est également suggérée. Mais quelles que soient les propositions émises, une même remarque est revenue : on ne réglera pas le problème de la route du Littoral si on ne règle pas celui de l’entrée de Saint-Denis et de sa circulation interne.
L’alternative vélo a aussi été très demandée. Mais La Réunion manque de pistes cyclables. Les véhicules restent des menaces pour les cyclistes qui s’asphyxient dans les miasmes d’échappement ou se font brutalement renverser par certains automobilistes qui ont du mal à partager la route. Pourtant le développement de l’usage du vélo permettrait assurément un progrès dans la qualité de vie, offrirait des perspectives positives d’aménagement du territoire et permettrait un rapprochement humain indéniable. Sans compter les économies réalisées par les usagers. C’est tout le sens du projet visant à faire de La Réunion une île cyclable.

Estéfany


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