Un nouveau sinistre rappelle les risques engendrés par la course au gigantisme provoqué par le capitalisme
Plusieurs milliers de voitures dans un roulier géant : danger sur les mers
10 août 2023
Voitures et camions sont transportés dans des navires spécialisés, les voituriers ou rouliers. Ces bateaux sont des parkings de plusieurs étages accueillant plusieurs milliers de véhicules. Avec la reprise économique post-COVID, le trafic de ces navires augmente, tout comme le nombre d’accidents. Or, lorsqu’un incendie se déclare dans ces grands garages flottants, les marins risquent leur vie, le sinistre est difficile à maîtriser et le naufrage d’un roulier est lourd de conséquences pour l’environnement des océans. C’est ce que rappelle un communiqué de l’ONG Robin des Bois au sujet du drame survenu sur le Fremantle Highway.
« Le Fremantle Highway a pris feu à minuit le 25 juillet 2023 en mer du Nord. Il était en provenance de Bremerhaven, Allemagne, et à destination de Singapour. Il transportait 3783 voitures, notamment des BMW, des Mercedes et des Rolls-Royce. Quand l’incendie s’est déclaré, le Fremantle Highway était au milieu d’un trafic maritime intense et près des îles Wadden célèbres pour leur biodiversité exceptionnelle. L’évacuation des 23 membres d’équipage dont 21 Indiens s’est très mal passée (1 mort et 7 blessés). Le Fremantle Highway a été remorqué dans le port d’Eemshaven aux Pays-Bas et a été mis à quai 9 jours après le début du sinistre. L’incendie est déclaré éteint mais le Fremantle Highway transportait 498 voitures électriques et les feux de batteries au cobalt et au lithium peuvent être sujets à des reprises inopinées.
Robin des Bois salue l’expertise des sauveteurs de la compagnie Smit basée aux Pays-Bas et la cohésion des services de l’Etat qui ont permis au navire de ne pas faire naufrage et de trouver un port refuge. Il y a là pour le Royaume-Uni, la Norvège et pour les pays de l’Union européenne riverains de l’Atlantique nord, de la Baltique, de la Méditerranée et de la mer Noire un exemple à suivre.
Les voituriers sont des globe-trotters qui transportent aux quatre coins de l’Océan mondial des voitures neuves et d’occasion, des véhicules militaires et des engins de travaux publics. Tout ce qui est sur roues les intéresse. Ils sont comme toutes les autres catégories de navires de commerce gagnés par la folie des grandeurs et par le principe économique du « plus on en met et moins ça coûte » applicable aussi aux bétaillères et aux navires de croisière. Le Fremantle Highway avait une capacité d’emport de 6000 véhicules standard.
Les voituriers ont toujours été à cause de leur tirant d’air et de la superposition des parkings des navires sensibles aux bourrasques et à la propagation des feux. Les voituriers à quai subissent des ruptures d’amarrage et rentrent en collision avec des grues ou d’autres cargos. Les chavirages, échouages, incendies partiels ou totaux des voituriers sont nombreux, nocifs pour les environnements et ruineux pour les assureurs. Le démantèlement sur place du Golden Ray victime d’un chavirage puis d’un incendie à la sortie d’un port de Géorgie, États-Unis, avec 4200 voitures à bord, a duré 2 ans et coûté plus d’un milliard de dollars. Les naufrages par des fonds de 2000 à 3000 mètres créent des sites pollués sous-marins, des décharges de Véhicules Hors d’Usage (VHU) d’où pendant des années et des dizaines d’années du fioul, de l’essence et des déchets toxiques s’égouttent.
« A la Casse », le bulletin trimestriel de Robin des Bois sur la démolition des navires de commerce et militaires publié depuis 2006 relève une accélération des sinistres dans la catégorie voiturier ou autres transporteurs de voitures depuis 2018. La série est longue avec l’Auto Banner, le Baltic Breeze, le Sincerity Ace, le Grande America, le Grande Europa, le Diamond Highway (exploité par K-Line, l’opérateur du Fremantle Highway), le Golden Ray, le Hoegh Xiamen.
La pandémie Covid-19 a paralysé le transport maritime et le commerce international en 2021 et une pause dans les accidents de voituriers a été constatée. Mais depuis 2022, la série noire a repris avec encore plus d’intensité avec les naufrages du Serasi I et du Felicity Ace, les incendies du Grande Costa d’Avorio, du Ah Shin et du Fremantle Highway.
Il est prévu que le Fremantle Highway reste à Eemshaven jusqu’au 14 octobre. Il se pourrait en fait que le déchargement des épaves de voitures, des débris et déchets de l’incendie, des résidus incandescents des packs de batteries, le pompage des 2000 tonnes de fuel et diesel de propulsion dure plus de deux mois et demi.
Viendra ensuite le temps de la démolition. Jusqu’alors les voituriers incendiés partent en remorque, où que furent les sinistres, vers des chantiers du sous-continent indien et de Turquie, sauf quand la précarité de l’épave impose un remorquage court et une démolition de proximité. C’est ainsi que le City of Berytus victime d’un incendie en 2009 dans le port d’Anvers a été démoli à Gand. Robin des Bois souhaite qu’en conformité avec la stratégie démantèlement de l’Union européenne et avec le bon sens, le Fremantle Highway soit démoli dans un chantier de proximité présentant un maximum de garanties pour les employés et les environnements. »
Messages
10 août 2023, 20:00, par Arthur
De très bonnes infos, connaissances spécialisées du monde maritime pour le fret de véhicules, merci. Je pense, que lorsque le projet de retour du train à la Réunion, cette fois électrique pour relier les communes de St Joseph à Ste Anne, le même type de navires "rouliers" sera mis à contribution pour le transport des locomotives, des voitures voyageurs ainsi que des wagons de marchandises pour le fret à distribuer ici, porte containers, citerne, fourgons, trémi etc. Pour faire des économies, on pourrait se fournir chez la SNCF qui dispose d’un très grand ensemble de matériel roulant qui est pour le moment stocké au dépôt de Sotteville les Rouen, pas loin de Rouen centre-ville, en Normandie. Pas mal de réunionnais y vivent, ça tombe bien. En ces temps d’économie budgétaire, il faut le faire, bonne fin de semaine, Arthur.