Contribution du groupement citoyen ’Alternatives transports Réunion’ (ATR) à la Conférence économique et sociale — 1 —

« Pour un aménagement durable du territoire »

15 novembre 2012

Mardi, à la veille de la Conférence économique et sociale, le groupement citoyen a rendu publique sa contribution au débat. En voici la première partie.

Notre groupement s’est constitué pour rechercher une alternative à ce projet de liaison littorale dont l’évolution récente montre, d’une part, qu’il n’est pas la réponse adaptée aux attentes des usagers de la route, et, d’autre part, qu’il va s’avérer excessivement coûteux, au point de compromettre durablement toute réalisation de transports multimodaux dans le reste de l’île.

La question de la liaison littorale Nord-Ouest par le franchissement de la falaise et du Cap Bernard pose aux habitants de notre île un problème qui, plus de trois siècles après les débuts de son peuplement, n’a toujours pas reçu de réponse définitive satisfaisante. Selon Louis Maillard (1862), il faut faire remonter à 1720 le premier sentier ouvert entre Saint-Paul et Saint-Denis — « trace » , dit cet auteur, d’un « premier travail d’intérêt général » qui fut par la suite prolongé jusqu’à la rivière des Marsouins. Ce fut aussi le premier tronçon de ce qui allait devenir, entre 1735 et 1808, le premier “chemin de ceinture” de l’île d’une longueur de 207,32 km qui s’étendait entre le niveau de la mer et un point d’altitude d’environ 500 mètres.

Le franchissement de la Montagne a fait l’objet de plusieurs tentatives de franchissement :

- tunnel Vauboulon 1690 inachevé,

- chemin pavé dit des Anglais 1730,

- chemin Laugier 1873,

- route Hubert Delisle futur tracé du CD41,

- le chemin de fer 1881,

- la route nationale à 2 voies en pied en falaise en 1963.

Enfin, la 4 voies actuelle en 1973 dont le scénario avait été préféré, peut-être trop hâtivement, à une solution par les hauts dite Hugot et à l’option du tunnel routier par le bas...

Près de trois siècles plus tard après le premier chemin de ceinture, nous en sommes encore à chercher quelle pourrait être la meilleure voie de passage pour franchir cette montagne. Cet état de fait devrait inciter à la plus grande des modesties. Malheureusement, ce n’est guère la modestie qui semble avoir inspiré les promoteurs du projet dit “Nouvelle Route Littorale” : ni dans sa configuration (2X3 voies, en mer !), ni dans son coût, ce projet ne semble de nature à apporter une solution adaptée à la question des transports entre l’Ouest et le Nord de l’île.

Cette route, si l’on en croit la Région, devait être « moderne, gratuite et sécurisée ».

Moderne ? Peut-on se vanter de “modernité” quand la sophistication des techniques requises tire le projet de route en mer vers une dimension “monstrueuse” sans pour autant le soustraire aux pires risques et aléas océaniques ?

Gratuite ? Avec un coût annoncé de 1,6 milliard déjà largement dépassé et avec l’obligation d’un entretien permanent ruineux, le plus vraisemblable est que les générations présentes et à venir — y compris ceux et celles qui n’emprunteront jamais la route — auront à en payer la facture par leurs impôts… — et avec nos seules ressources insulaires !

En fait de Sécurité, l’ensemble du projet — tant dans sa durabilité que dans sa solidité — est encore plus soumis aux menaces océaniques que ne l’étaient les solutions précédentes. Les digues seront toujours à la merci de la houle marine (“trous de renard” et dégradation des enrochements protecteurs), tandis que le viaduc sera constamment la proie des lames de nos hauts fonds. De plus, le projet initial ne tenait pas compte de l’élévation du niveau de l’océan causée par un réchauffement climatique d’amplitude encore méconnue. Peut-on aujourd’hui nous assurer que le coût déjà élevé de sa rehausse d’un mètre soit suffisant pour faire face à l’incertitude des effets du réchauffement ?

De tout cela, il apparait que le projet actuel en mer se révèle, à la lumière des études toujours en cours, inflationniste du fait des surenchères sécuritaires successives et postérieures à sa DUP. La Région ne pourra plus longtemps masquer le dérapage des coûts qui l’éloigne du projet initial.

Nous demandons que les solutions routières alternatives à ce projet monstre — route par les Hauts et tunnel —, écartées sans justification suffisante et trop hâtivement lors des précédentes consultations publiques, soient reprises sérieusement.

Ce projet de route en mer est désastreux pour l’environnement

L’impact environnemental du projet est à la démesure d’une 2X3 voies en mer !

La Région comme l’État, promoteurs du projet, ont pourtant été alertés très tôt par toutes les instances compétentes consultées ou non :

Lors des premiers débats qui ont eu lieu sur les impacts environnementaux de la NRL, des voix se sont élevées pour demander que soient pris en compte :

- les impacts sur la falaise (modifications des conditions hydrostatiques)

- les impacts sur le milieu marin

- les impacts sur les carrières (sédimentologie et procédure “loi sur l’eau” + déplacement des matériaux)

- les espèces protégées

( Extrait du compte rendu de la Commission départementale de la Nature, des Paysages et des Sites, 16 août 2011)

Malgré cela, les conséquences de l’altération du milieu marin (courants, faune et flore) par ce projet demeurent toujours minimisées. De même, l’extraction sans retenue des matériaux pour digues et béton se fera dans une proportion encore jamais vue (plus de 11 millions de mètres cubes pour l’ensemble des travaux, soit 4 fois la production annuelle ordinaire). La Région peine d’ailleurs à trouver les carrières suffisantes sur l’île.

Ce projet met en danger nos ressources limitées et notre biodiversité. Dans un écosystème insulaire déjà fortement fragilisé, cette route majeure tourne manifestement le dos au développement durable.

Que dire de l’impact paysager quand un tel projet monumental écrase les sites par ses dimensions et compromet définitivement la réhabilitation des sites historiques de la Grande Chaloupe (débarcadère et Lazaret) ?

Les deux votes de la Commission l’on affirmé : la formation dite “de la nature” a été majoritairement défavorable (6 contre/5 pour ; 1 abstention) ; la formation dite “des sites et des paysages” n’a pu se départager (5 contre 5) qu’avec la voix prépondérante du Préfet qui la présidait.

Enfin, le projet est aujourd’hui attaqué sur le terrain juridique par le groupe Alliance de l’opposition régionale tandis que la sénatrice EELV de Seine-Saint-Denis, Aline Archimbaud, a interpellé le Sénat sur les conséquences et la pertinence de ce projet.

(à suivre)

Pour le groupement citoyen
Alternatives transports Réunion – ATR,
Bruny Payet
[email protected]

Route du littoral

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