12 kilomètres qui continueront d’absorber une part importante des richesses et des transferts publics à La Réunion si une alternative à la route en mer n’est pas mise en oeuvre

Route du littoral : l’impasse territoriale

15 mars 2017, par Manuel Marchal

Tant qu’un itinéraire sécurisé ne sera pas mis en service entre Saint-Denis et La Possession, des dizaines de milliers d’usagers quotidiens seront toujours à la merci d’un effondrement de la falaise surplombant la route du littoral. Compte-tenu de l’incertitude qui pèse sur la réalisation de la route en mer, l’urgence est d’explorer d’autres alternatives. Au 19e siècles avec les moyens de l’époque, les constructeurs du chemin de fer avaient construit un tunnel sous la montagne en quelques années. Ce tunnel est toujours là. Il est la preuve vivante qu’une autre solution est possible, moins coûteuse et plus rapide à mettre en œuvre car depuis 150 ans, la technologie liée au percement des tunnels n’a pas régressé, bien au contraire.

Fort heureusement, le pire a pu être évité. Hier vers 6 heures 30, un rocher s’est détaché de la falaise au PR8 de la route du littoral. Il a rebondi sur les voies fermées à la circultation côté montagne et s’est scindé en deux. Un bloc est tombé sur la chaussée côté mer alors que des voitures circulaient. Par chance, il n’a touché aucun véhicule. L’autre partie du rocher a écrasé une cabane de chantier. Là aussi, la chance a fait qu’elle était vide à ce moment-là, ce qui n’est pas le cas habituellement.

À la suite de cet éboulis, la route du littoral est fermée depuis hier matin et le sera au moins jusqu’à ce soir. Une ouverture de 4 heures ce matin entre 4 heures 30 et 8 heures 30 doit permettre de fluidifier le trafic à l’entrée Ouest de Saint-Denis. Comme l’a indiqué hier à la télévision un responsable de la Direction régionale des routes, l’ouverture dépendra de l’avancée des travaux de purge. Une fois cette tâche accomplie, une reconnaissance permettra d’évaluer la dangerosité du secteur. C’est à la Région Réunion qu’incombera la responsabilité d’ouvrir à nouveau la route.

Les raisons de l’impasse

Ce nouvel accident situe l’impasse dans laquelle s’enfonce La Réunion à cause du choix de supprimer le chemin de fer et de le remplacer par une route du littoral construite en pied de falaise. Ces 12 kilomètres entre La Possession et Saint-Denis pèsent depuis un poids énorme sur La Réunion. La première route du littoral à deux voies n’a duré que 15 ans. Elle a été remplacée par une chaussée à quatre voies en bordure de la mer, huit mètres au-dessus du niveau de l’océan. Contrairement à ce qui était prévu par les promoteurs de la seconde route, celle-ci ne mettait pas les usagers à l’abri des chutes de pierres. À ce premier danger s’est ajouté un second, celui de la mer. La houle effectue un long travail de sape. Il a déjà provoqué des effondrements de la chaussée. De plus, lorsqu’une perturbation croise dans les parages, les vagues mettent en danger la sécurité des usagers comme cela s’est vérifié la semaine dernière.

Cela a donc amené à faire exploser les coûts d’entretien. Côté falaise, ce sont d’énormes filets qui ont été posés. Ces travaux ont été accompagnés par le creusement d’une fosse « piège à galets », et par la construction d’un mur de plusieurs mètres de haut le long des 12 kilomètres. Côté mer, d’énormes blocs de bétons ont été nécessaires à la protection de l’ouvrage, afin d’atténuer l’impact des vagues sur la digue de huit mètres de haut.

Où sont les matériaux de la route en mer ?

L’échec de la seconde route du littoral aurait dû faire prendre conscience de la nécessité d’abandonner cet itinéraire pour construire une route en corniche passant au-dessus de la falaise, ou alors en tunnel à l’abri des chutes de pierres. Mais lorsqu’il s’est agi de prendre la décision d’un nouveau tracé, l’État a choisi de construire une nouvelle route du littoral combinant tunnels et viaducs, située plus au large que la chaussée actuelle.

Le projet actuel de route en mer encore plus loin du littoral amplifie encore cet entêtement à vouloir défier les éléments. En choisissant de construire une digue entre La Possession et la Grande Chaloupe, la Région Réunion a hypothéqué grandement la possibilité de réalisation de cette troisième route. Car ce cadeau aux patrons transporteurs pose le problème du manque de matériaux pour construire une digue de 4 kilomètres en plein océan Indien, chargée de supporter une route à six voies et cela à 12 mètres au-dessus du niveau de la mer en 2010. Et ce problème est encore loin d’être résolu. Essayer de poursuivre le chantier impose en effet d’ouvrir une méga carrière située à plusieurs dizaines de kilomètres de La Possession, et dont l’exploitation ne pourrait que fragiliser la route des Tamarins.

Des milliards dépensés depuis 60 ans

Depuis bientôt 60 ans, les 12 kilomètres entre Saint-Denis et La Possession engloutissent donc une part importante des richesses produites à La Réunion et des transferts publics arrivant dans notre île : deux routes construites et à entretenir, une troisième en construction dont le coût final et la date de livraison sont inconnues. Tous ces investissements ne garantissent pas la continuité territoriale entre le Nord et l’Ouest de La Réunion, car l’itinéraire actuel est impossible à sécuriser.

Entre 2007 et 2010, la Région Réunion avait dépensé 100 millions d’euros pour couvrir de filets la falaise surplombant ces fameux 12 kilomètres. Mais cette opération n’avait qu’une portée provisoire, étant entendu que le Protocole de Matignon signé en janvier 2007 donnait un délai de 10 ans pour sécuriser définitivement la liaison entre Saint-Denis et La Possession. Cela devait se faire par un tram-train et une nouvelle route du littoral avec des livraisons initialement prévues respectivement en 2012 et 2017.

La technologie a-t-elle régressé depuis 150 ans ?

Le délai arrive aujourd’hui à terme. Force est de constater que la création d’un itinéraire sécurisé est loin d’être acquis avec le projet actuel de route en mer.

C’est pourquoi il est urgent d’explorer des alternatives bien plus rapides. Le tram-train est une de ces options. Toutes les études avaient été réalisées, et la déclaration d’utilité publique obtenue pour le tracé sous le massif de la Montagne. Restait à percer le tunnel. Le retour au projet initial de route du littoral en tunnels et viaducs viendrait alors compléter cette liaison cette fois définitivement sécurisée.

Au 19e siècle, moins de 50 ans après l’abolition de l’esclavage, les constructeurs du chemin de fer avaient réussi en quelques années un tunnel entre La Possession et Saint-Denis. 150 ans plus tard, la technologie dans ce domaine n’a pas régressé. C’est donc une alternative crédible et plus rapide que le projet de route en mer actuel. Sa mise en œuvre permettra de sortir de l’impasse territoriale de la route du littoral.

M.M.

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  • Avec la technologie dont nous disposons actuellement construire une route en mer ou creuser un tunnel de 12K ne pose plus de problème et le choix de l’une ou l’autre solution est possible mais quand on travaille pour une collectivité et que l’on dépense de l’argent public il ne doit plus y avoir qu’un seul choix celui qui sécurise le mieux la population celui qui coutera le moins cher à la collectivité tant au niveau de la réalisation de l’ouvrage qu’au niveau de son entretien à court et à long terme .
    Hélas il faut bien le reconnaître cet aspect du problème n’a même pas été examiné au moment ou la décision de construire la route en mer a été prise . Ou en tout cas tout a été fait pour faire croire aux réunionnais que c’était le seul choix possible .Pourtant toutes les solutions ont été mies sur le plateau de la balance certains comme moi ont proposés un passage par les hauts à l’air libre depuis la possession jusqu’à la côte 350 au village de Ruisseau blanc à la montagne puis une descente vers Saint Denis jusqu’à la providence en franchissant la Rivière Saint Denis à la côte 180 d’autres comme Bruny Payet qui a été en son temps un ingénieur dont la compétence n’a jamais été remis en question ont proposé le passage par un tunnel enfin d’autres encore comme l’honorable monsieur Defaud Roger qui s’est fait remarqué par l’expérimentation de techniques nouvelles pour les greffes sur son exploitation agricole de Saint Paul et qui a déposé tout seul au moins une cinquantaine de brevet d’invention dans le domaine agricole ont proposé de passer en bordure de falaise en rasant une partie de la montagne pour créer la surface nécessaire à la construction d’une route à l’abri des chutes de pierres et des éboulements .Mais malgré la pertinence des propositions celles ci ont été considérées comme irréalisables ou trop couteuses.
    Pourtant les moyens d’araser la falaise existent depuis longtemps et dès le début des années 2000 la mise en service de tunnelier géant tels que ceux qui ont creusé le tunnel sous la manche aurait permis de creuser un tunnel géant permettant de passer une 4 voies avec ses bandes d’arrêt d’urgence de chaque côté ou deux tunnels de taille moyenne permettant de passe
    une deux voies et éventuellement un passage pour le train . .
    Si on avait adopté la solution que je préconisais la longueur du ou des tunnels à réaliser n’aurait pas excéder 6Km et la route à l’air libre aurait été de même longueur . La réunion ayant déjà réalisé une route express de 35 Km de long pour relier L’Etang Salé à Saint Paul ; le fait de relier La possession à Ruisseau Blanc n’aurait pas poser plus de difficulté . J’avais évalué mon projet à environ 900millions d’euros compte tenu du fait que le coût du foncier aurait été relativement faible puisque l’assiette de la route se trouvait en zone rurale et forestière inexploitée .
    Je me demande toujours pourquoi ma proposition n’a pas été retenue alors qu’elle offrait l’avantage de la sécurité totale ; de couter moins cher d’être réalisable rapidement et de désenclaver immédiatement des centaines d’ha qui seraient bien utiles au développement économique de la réunion . Je pense que ce qui a motivé les décideurs était surtout de refuser les projets qui étaient portés par des hommes politiques qui n’appartenaient pas à leur camp . Mais en e faisant ils ont prouvé que leur motivations n’étaient pas basée sur la défense des intérêts de la Réunion mais seulement partisane . C’est vraiment dommage et notre île devra payer pendant très longtemps les conséquences d’une telle irresponsabilité .

  • TB tout ça, vive le train PEI enfin ! ça prouve bien ce qu’on imaginait, entre les intérêts, le profit de quelques uns et une dette longue et sure pour l’Etat, les collectivités, bref, nous citoyens allont effectivement payer, payer encore même en Euros, pour longtemps hélas, un très bon exemple d’argent public.

    Des fois, je me demande ce que les élus, volontaires, vainqueurs d’élections travaillent vraiment pour le long terme. En ce qui concerne la route qui fait débat, on aurait pu aussi faire comme en France, Italie, Suisse, Allemagne, bref, des pays de montagnes, à savoir, protéger les routes par un écran, un bouclier, là bas pour la neige en particulier mais les roches aussi, comme ici. Celles-ci rebondiraient en arrivant dessus qui serait incliné vers la mer directement. Là où il n’y a pas nécessité, pour faire des économies, moins saccager le paysage, on aurait la route en plein air.
    Mais je n’oublie pas que le tunnel existe et qu’il n’attend qu’une chose, être remis en service, électrifié, agrandi, un hommage pour ceux qui l’ont construit, parfois venus d’Italie, un pays de bon maçons comme les espagnols et portugais, c’est reconnu. Arthur.


Témoignages - 80e année


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