Boulevard Sud : enfin le tunnel du bout !

Saint-Denis désengorgée... et recentrée

7 juin 2006

Avec la réalisation du dernier tronçon du boulevard Sud, en plein cœur de ville, la Région change la donne et repasse le témoin à Saint-Denis. ’Dans deux ans, ce sera à vous d’organiser votre capitale’, a dit Paul Vergès au député-maire dionysien.

Tous les partenaires du maître d’ouvrage délégué dans la réalisation du dernier tronçon du boulevard Sud, se sont retrouvés hier dans le quartier du Ruisseau-Bois de Nèfles, Saint-Denis, pour donner le départ des travaux de la tranchée couverte.
État, Commune et Région sont associés dans l’achèvement d’un axe routier qui, de l’avis général, va apporter une nette amélioration tant à la circulation urbaine qu’à l’aménagement du cœur de ville. Paul Vergès a mis en exergue le fait que les quelque 700 mètres de linéaire qui vont faire la jonction entre les deux autres segments déjà en service est "l’infrastructure qui va le plus bouleverser la ville, sa structure urbaine et les relations qui s’y sont instaurées". Celui qui fut pendant plus de 30 ans le secrétaire général du PCR n’a pas résisté au plaisir de rappeler ce que fut sa participation à l’animation du quartier, à l’époque où la population pauvre de la capitale était encore à la périphérie d’une ville à l’héritage colonial marqué (voir ci-après) .

Une intense vie sociale

Les travaux qui vont commencer concernent un quartier populaire de plus de 400 logements et 2.000 habitants dont la vie, très intense, a commandé une consultation approfondie et une avancée pas à pas, dans un dossier à l’étude depuis dix ans.
Si cela n’a pas suffi à éteindre toutes les inquiétudes des riverains, la nécessité d’intégrer cet axe décisif à l’ensemble des plans régionaux pour les déplacements, a donné un sérieux coup d’accélérateur à un projet qui, depuis sa conception il y a déjà plus de trente ans, a eu longtemps l’allure d’un serpent de mer.
Ce n’est plus le cas aujourd’hui et le député-maire de Saint-Denis, René-Paul Victoria, s’est réjoui d’une mise en service attendue pour 2008. Cet axe permettra de désengorger la capitale d’une large partie des plus de 300.000 véhicules qui la traversent chaque jour d’est en ouest.
Il va aussi "déplacer le centre de gravité de la ville", a indiqué Paul Vergès, et faciliter l’accès aux quartiers construits sur les hauteurs (Saint-François, le Brûlé, Bellepierre...). Ce déplacement du centre de gravité permettra aussi à terme, selon le président de Région, d’"ouvrir le front de mer" sur une grande amplitude. "Dans deux ans, ce sera à vous d’organiser votre capitale. La Région aura rempli sa tâche" a-t-il conclu en passant le relais de l’aménagement au député-maire de la ville.
Un député-maire apostrophé à la sortie par des jeunes de la cité, déçus de voir un chantier s’installer à leur porte alors qu’ils sont sans travail.

P. David


“Sentiers de la mémoire”

Des camps d’esclaves à la ville moderne

La tranchée couverte “Mazagran-Doret” réalisera la continuité des 8 km du boulevard Sud, en joignant à l’Ouest, le tronçon “Source-Mazagran” et à l’Est, le tronçon “Doret-Digue”.
Les travaux vont porter sur près de 700 mètres, dont un ouvrage d’art de 300 mètres en tranchée couverte, qui doit s’accompagner d’un projet culturel "innovant et original", appuyé sur la mémoire des habitants du quartier. L’association Rasinn Kaf a porté, avec le soutien de la population, le projet “Sentiers de la mémoire” pour la réhabilitation de l’histoire des camps d’esclaves qui, jadis, ceinturaient le centre colonial.
"C’est une itinérance, ou encore un “itinéraire dans l’errance” entre le passé de l’esclavage et le présent, jusqu’à aboutir à la réhabilitation", a précisé Ghislaine Mithra-Bessière.

P. D.


La Cour Mithra

Haut lieu des luttes autonomistes

La famille Mithra, dont plusieurs enfants sont engagés dans l’action sociale et associative pour la réhabilitation de la mémoire des esclaves réunionnais (voir plus haut), a laissé dans le quartier une forte empreinte. "C’est toute une histoire, c’est notre enfance..." a commencé Alex Mithra. "De là est partie toute l’activité politique de l’opposition quand Saint-Denis était dirigée par la droite réactionnaire...". À côté de lui, Raphaël et Ghislaine, acquiescent. Les trois frères et sœurs évoquent avec émotion la contribution de leurs parents à une organisation sociale "spontanée et très forte". Leur père, Georges, fut un militant du PCR de la première heure. Leur mère, Egénie, militait à l’UFR avec Isnelle Amelin. Ils ouvraient leur cour à tous : on y faisait de l’alphabétisation, les sinistrés se réfugiaient chez eux après les cyclones ; on y a préparé des kilos d’achards pour les fêtes de “l’Humanité”... Quelquefois, les galets volaient... Tous les orateurs des luttes populaires y ont convergé : Paul Vergès, Bruny Payet, Henri Lapierre, Isnelle et Raymond Amelin... et tant d’autres.
"C’était devenu un lieu de rencontre dans l’histoire politique de la ville ; ce fut aussi le premier local de Ziskakan" a rappelé Raphaël Mithra.
La cour est toujours là, à deux pas de la future tranchée couverte, encore bruissante d’une histoire sociale plus que trentenaire qui mérite, elle aussi, de vivre dans la mémoire des Dionysiens.

P. D.


Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année


+ Lus