Débat public

Vous voulez un tram-train ? Financez-le !

16 octobre 2004

Projets, financements et paroles d’experts ont été au cœur de l’atelier thématique qui se déroulait au Centhor. Si les Réunionnais veulent investir, ils risquent d’être moins aidés que d’autres régions.

"Il faut, y’a qu’à, y’a qu’à pas..." Tout l’intérêt du débat public consiste justement à informer tout citoyen qui souhaite l’être et qui veut aussi apporter sa contribution à la réflexion. Et donc, de dépasser les propos populistes empreints souvent de démagogie sournoise.
Hier, dans la série des ateliers thématiques qui se déroulaient dans les locaux du Centhor, à Saint-Gilles les Hauts, on a parlé gros sous. Après avoir abordé les projets du tram-train et de la future route du Littoral sous tous les angles, après avoir permis à tout un chacun de s’exprimer par courrier, mail ou téléphone, la commission du Débat public avait souhaité faire procéder à un échange entre quelques experts et le public.

Au rang des experts, Mme Bolliet, inspecteur à la Direction générale des Finances, M. Pierron, ingénieur du Syndicat des transports de l’Île-de-France et M. Lauer, ingénieur général des Ponts et Chaussées.
De prime abord, on peut déplorer que les experts n’aient pas forcément su utiliser un langage plus accessible.

Financements difficiles avec la décentralisation

Les citoyens lambda, n’en déplaise à ceux qui ont osé se présenter ainsi pour masquer d’autres intentions peut-être moins avouables, n’étaient pas légion (voir encadré).
Parler finances n’est pas inutile quand on sait que les deux projets soumis au débat public coûtent 1,5 milliard d’euros pour le tram-train et 1 milliard d’euros pour la future route du Littoral.
Bien évidemment, la première question que se pose le citoyen - le vrai - est : qui va payer ? Et accessoirement, comment va-t-on payer ? Sur cette question, les propos de Mme Bolliet ne sont pas très rassurants.
Des propos que l’on pourrait résumer ainsi : de la part de l’État, il faudra s’attendre à une participation moindre. De la part de l’Europe, avec l’élargissement à 25, les subsides de l’Union européenne risquent de suivre la même tendance. Ne restent plus que les finances locales.
Oui, répond en substance Mme Bolliet : "vous avez l’octroi de Mer et le FIRT (Fonds d’investissement routiers et de transports)". Autrement dit : vous voulez votre tram-train et votre nouvelle route du Littoral ? Financez-la vous même comme des grands...
Facile à dire quand dans le même temps, Région et Département vont se retrouver avec des prérogatives qu’elles n’ont pas demandées et pour lesquelles les financements sont loin d’être acquis. Il n’est qu’à se pencher sur l’épineuse question des TOS pour s’en convaincre : quand bien même il y aurait rattrapage et que chacun se serait accordé sur les chiffres, resterait à régler la question des 1.200 contrats précaires et à prévoir les embauches pour les 20 collèges et 10 lycées à construire dans les 15 prochaines années...

Incertitudes sur l’engagement de l’État ...

Autre expert à prendre la parole : M. Pierron, ingénieur au Syndicat des transports de l’Île-de-France. Et c’est sans doute dans les propos de cet ingénieur que l’on peut mesurer ce que l’on qualifierait pudiquement de “différence de traitement”.
Selon M. Pierron, dans le contrat de plan signé entre l’État et la Région Île-de-France pour la période 2000-2006, ce sont pas moins de 44 projets qui sont en chantier. Dans le détail, cela donne : 20 sites propres en surface, sous forme de tram, 6 prolongements de ligne de métro, 10 projets ferrés lourds et 8 grands pôles... une litanie de projets en comparaison desquels notre tram-train et notre route du Littoral , avec leurs 2,5 milliards d’euros, feraient presque figure de parents pauvres.
Encore que l’expression ne soit pas totalement dénuée de sens puisque pour ces deux grands projets qui concernent l’avenir des Réunionnais, il est question de phasage dans le temps, avec un échéancier qui nous conduit aux horizons 2015.
Même si, en termes d’aménagement du territoire, 2015, c’est dans dix ans, et c’est tout proche. Dans le cas des projets de l’Île-de-France, l’État s’engage sur une période de sept ans aux côtés de la région...
La mise en service en région Île-de-France d’un tronçon de tramway de 9 km a coûté 180 millions d’euros, tandis qu’un tronçon de Transport en commun en site propre (TCSP) baptisé “TVM” (Trans Val-de-Marne) consistant à créer un circuit dédié aux bus, long de 12 km, a coûté 103 millions d’euros.
Là où la comparaison devient intéressante, c’est lorsque M. Pierron précise que ces deux réalisations n’ont impliqué que "peu de reprises foncières", s’intègrent sur des voiries existantes et n’ont nécessité que peu d’ouvrages d’art.
Pourtant, ces deux réalisations se sont faites dans un milieu urbain très dense... À l’inverse, pour le projet de tram-train, tout le foncier ou presque est à acquérir. Si l’on prend uniquement la traversée de Saint-Denis et les différentes options retenues, on mesure l’ampleur du problème...

S. D.


S’écouter parler et écouter les autres

Parmi les “citoyens lambda” qui ont pris la parole, il y en a eu quelques-uns qui ont lassé leur auditoire. Trop, peut-être.

On peut déplorer que l’exercice du débat démocratique soit encore trop récent pour que le public y adhère. Mais ce n’est pas une raison pour qu’une poignée de “y’a qu’à, y’a qu’à pas...” tentent de confisquer le débat, quitte à s’écouter parler et à lasser leur auditoire. Le plus navrant, c’est que certains préfèrent avancer masqués sous le cache-sexe de “citoyen Lambda”. Une appellation non contrôlée qui ne trompe personne, tant certains sont connus comme le loup blanc.
Un de ces “citoyen lambda” intervenait dans le débat pour se demander si l’option TCSP Bus Global ne cachait pas quelques velléités tactiques de la part du “maître d’ouvrage”. Un vocable subtil pour ne pas avoir l’air de montrer du doigt la Région.
Réponse de Philippe Berne : dès 1998, la Région avait affiché d’opérer de manière concertée et avait mis en place un débat permettant de valider l’idée d’un TCSP qui est devenue, toujours après discussion, une option tram-train en 1999.

Brasseur d’air patenté

Or, compte tenu des aspects techniques, financiers ou fonciers, il était nécessaire de procéder à un phasage. Toute la difficulté étant, comme le soulignait Philippe Berne, d’avancer sur des solutions, sans se laisser prendre par "la dictature de l’urgence".
C’est pourquoi, concluait Philippe Berne, la Région a organisé une séance de travail avec les Autorités organisatrices de transport (AOT) pour évoquer le sujet. Comment voir là une quelconque "manœuvre tactique" ? Il n’est même pas certain que l’auteur de la question soit lui-même capable d’apporter un début de réponse...
Autre “citoyen lambda” mâtiné d’écologie, celui-là, dont l’intervention se résume par la formule anglaise : “just do it” (faisons-le maintenant). L’air de dire : et plus vite que ça !
Et puis, il y eut le brasseur d’air patenté, celui-là même qui semble avoir pour raison d’être de se positionner “pour tout ce qui est contre et contre tout ce qui est pour.” Objet de son propos que l’on a cru capter après une intervention-fleuve : pourquoi avoir programmé le débat d’hier... hier, justement, alors qu’au yeux de notre illustre débatteur, il eût sans doute été préférable de le placer en tout premier, au début du débat, le mois dernier.
Réponse polie mais ferme de René Robert, président de la Commission : "C’est un choix qui a été acté par les membres de la commission. Mais le plus important est que chacun puisse s’exprimer..."

Rentabilité ?

Dans la catégorie “citoyen lambda” plus (mais pas forcément mieux) informé que la moyenne, ce brave et honnête quidam qui décrète tout de go que "le tram-train ne sera pas rentable" et s’interroge sur les deux projets objets du débat, estimant que leur coût est exorbitant...
Certes, le coût estimatif est élevé. Mais s’est on déjà interrogé sur le coût actuel des embouteillages, de leur impact sur l’économie réunionnaise ? Et que penser de l’impact économique et environnemental de 300.000 véhicules de plus sur nos routes ?
Devant tous ces projets dont les chiffres peuvent donner le tournis, un autre citoyen dans la salle se demandait si, par hasard, nous n’aurions pas "les yeux plus grands que la bourse".
Réponse de Mme Bolliet : "Les élus ont obtenu de la population un mandat. Ils ont ensuite à faire des choix. La question doit être débattue non pas ici, mais dans un espace politique..."
Mais au moment où cette réponse était apportée, curieusement, certains citoyens-politiques, qui n’ont pas grand-chose à dire, mais qui tiennent absolument à le faire savoir, avaient déjà disparu. Il est sans doute plus facile de s’écouter que d’écouter les autres...

S. D.


Di sak na pou di

Suggestions au maire de Saint-Leu et à la DDE

Tout le monde sait qu’à l’entrée de Saint-Leu, les embouteillages persistent, bien qu’une déviation ait été aménagée soi-disant pour désengorger le centre-ville.
Soyons honnêtes. Cette déviation est empruntée fortement par les automobilistes venant du Sud. Mais elle n’est pas vraiment ouverte aux automobilistes venant de l’Ouest et se dirigeant vers le Sud ; deux stops et une obligation de céder la priorité sur l’initiative Nord-Sud n’incitant pas à emprunter la déviation dans ce sens.
Ainsi, ceux qui vont vers le Sud passent par le centre-ville, qui continue à connaître les embouteillages ; ou pire, empruntent le front de mer avec les risques accrus d’accidents que cela comporte.
La déviation a été envisagée pour supprimer les embouteillages en ville, occasionnés par les véhicules ne faisant que transiter par Saint-Leu. On ne comprend pas pourquoi ceux qui vont vers le Sud ne sont pas incités à emprunter la route de la Salette. Pour ce faire, encore faudrait-il favoriser l’évitement de Saint-Leu dans les deux sens, consacrant la priorité aux véhicules ne souhaitant pas entrer dans Saint-Leu, parce que de passage.
Il est évident qu’il faut également penser aux automobilistes saint-leusiens, qui voudraient “sortir de leur ville”. Une période transitoire pourrait être mise à profit pour un comptage des véhicules concernés, afin d’envisager des feux tricolores aux entrées et sorties de la ville, régulant le flux interurbain au mieux.
Bien en tendu, le Conseil régional se tient à la disposition des autorités concernées pour en discuter et trouver des solutions pérennes, pour que la circulation s’améliore aux abords de Saint-Leu.
Je tenais à en informer l’opinion à l’heure où un débat public sur les grands enjeux de déplacements - Tram-train et Route du littoral - consacre encore plus la nécessité du dialogue citoyen.

Pierre Vergès
Conseiller régional

Train

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