Combien d’emplois menacés à La Réunion et en France ?

« Air Austral condamnée à redevenir une compagnie régionale ? »

26 septembre 2018, par Manuel Marchal

Air Austral tremble à l’éventualité d’une seconde compagnie low-cost sur l’axe La Réunion-Paris, annonce « La Tribune » à la suite de propos tenus lundi à Paris par Marie-Joseph Malé, PDG d’Air Austral. Or, après French Bee, c’est au tour de Level d’être pressenti pour prendre des parts de marché sur cette liaison long-courrier, avec à la clé des tarifs low-cost. Cela risque d’amener un repli d’Air Austral sur le réseau régional où sa prise de participation dans Air Madagascar, et le contrôle de Ewa Air lui permettent d’avoir le monopole sur de nombreuses lignes. Ceci ne sera pas effet sur les prix actuellement prohibitifs qui ne risqueront pas de baisser, mais surtout, la réduction de voilure voire l’abandon du long-courrier aura d’importantes conséquences sur l’emploi des Réunionnais qui travaillent à Air Austral.

Un long-courrier d’Air Austral sur la piste de Gillot. Une scène en voie de disparition ?

Le 3 juillet dernier, l’éditorial de « Témoignages », paru sous le titre « Level ouvre une ligne transatlantique low-cost entre France et Antilles : le gâchis de l’arrêt du projet d’Airbus A380 d’Air Austral » annonçait un nouveau bouleversement dans le transport aérien. Deux mois et demi plus tard, un nouvel élément confirme que la décision de Didier Robert de supprimer le projet d’Airbus A380 pour des raisons politiciennes risque bien de produire tous ses effets. Rappelons que l’A380 permettait de produire des billets d’avion 30 % moins cher, toute l’année et sans subvention. Cette solution technique au problème du coût du transport entre La Réunion et le reste du monde se heurtait au projet clientéliste de Didier Robert : utiliser les fonds publics du Conseil régional pour donner des bons de réduction aux passagers de toutes les compagnies desservant la France depuis La Réunion, y compris Air Mauritius.

Il est évident que cette pratique visait à construire une popularité pour une majorité régionale mal élue qui ne devait sa prise de pouvoir qu’au choix de Gilbert Annette de faire perdre l’Alliance aux régionales de 2010.

C’est ainsi que les Réunionnais ont été privés d’une solution mise en place par un partenariat entre Air Austral et Airbus. En conséquence, French Bee a repris l’idée avec un projet moins ambitieux, en utilisant des Airbus A350 à la place des A380. La baisse de prix est moins importante que 30 %, mais elle est bien réelle. C’est ce qui explique la croissance importante du trafic passager entre La Réunion et la France. Mais d’autres acteurs sont prêts également à s’engouffrer dans la brèche ouverte par Didier Robert et un ancien cadre d’Air France nommé à la tête d’Air Austral. C’est ce que soulignait l’éditorial de Témoignages du 3 juillet dernier. Dans un article paru hier, « La Tribune », indique l’arrivée possible d’une deuxième compagnie low-cost sur le long-courrier entre La Réunion et la France, et prévoit d’importantes répercussions pour Air Austral :

« Quinze ans après avoir lancé une activité long-courrier pour combler le vide laissé par la disparition d’Air Lib en 2003, Air Austral est-elle condamnée à redevenir une compagnie régionale comme elle l’était à l’origine ? Ou du moins avec une partie long-courrier beaucoup moins importante qu’elle ne l’est aujourd’hui ?
Ce scénario n’est pas exclu par la direction de la compagnie réunionnaise si le paysage concurrentiel, déjà très intense depuis l’arrivée l’an dernier de la low-cost long-courrier French Bee, était amené à se durcir avec l’arrivée d’un deuxième opérateur à bas coûts.
Alors que la stratégie suivie aujourd’hui doit lui permettre d’encaisser la présence d’une compagnie à bas coûts long-courrier, elle ne permettrait pas de résister à l’arrivée d’un deuxième transporteur à bas coûts entre Paris et La Réunion, une ligne hyperconcurrentielle sur laquelle sont également présents Air France, French Bee, Corsair, et XL Airways.
Outre, French Bee, deuxième compagnie du groupe Dubreuil aux côtés d’Air Caraïbes, deux autres compagnies à bas coûts long-courrier sont basées à Paris : Norwegian et Level, une compagnie du groupe IAG qui compte aussi British Airways, Iberia, Vueling et Aer Lingus. Au jeu des pronostics, si tant est que l’une de ces deux compagnies ait réellement le projet d’ouvrir des vols vers La Réunion, Level aurait plus de chance d’être cette compagnie. Au regard de ses difficultés financières, on imagine mal Norwegian se lancer dans une aventure aussi coûteuse. À peine arrivée en France, Level n’a en effet pas hésité à se positionner sur les Antilles, un marché également très important et concurrentiel. »
« Nous avons bien résisté cette année grâce à notre stratégie de diversification mise en place il y a quelques années. Pour autant, on ne peut pas exclure l’arrivée d’une deuxième low-cost long-courrier », a expliqué ce lundi à Paris, Marie-Joseph Malé, le PDG d’Air Austral. Dans cette hypothèse, « nous ne pourrons plus continuer avec une stratégie de diversification. Le premier choc a été rude, le deuxième risque aussi de l’être et il faudra nécessairement réfléchir à un scénario un peu plus de rupture », a-t-il ajouté.
Avec l’arrivée de French Bee, la recette unitaire d’Air Austral a dégringolé de 4 points. Son bénéfice net est passé de 6,15 millions d’euros, à l’issue de l’exercice 2016-2017, à 300.000 euros en 2017-2018, exercices clos à fin mars.
Ce scénario “B” passerait moins par la création d’une filiale low-cost long-courrier qui risquerait de concurrencer Air Austral, que par une réduction de voilure sur le long-courrier pour se recentrer sur le réseau régional, a indiqué Marie-Joseph Malé, rappelant qu’Air Austral était « avant » une compagnie régionale. Dans cette hypothèse, le partenariat Air Madagascar prend tout son sens. Il peut assurer la pérennité d’Air Austral, avait indiqué en début d’année Marie-Joseph Malé.
Si ce scénario noir devait voir le jour, il risquerait d’avoir des conséquences sur l’emploi ».

M.M.

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