Continuité territoriale et Air Bourbon

Continuité territoriale et Air Bourbon : la démagogie de Coll’Air

19 janvier 2005

La mise en application de la continuité territoriale répond à des dispositions voulues par Bruxelles, des règles fixées par le législateur et, en dernier ressort, de critères que le gouvernement a demandés aux élus du Conseil régional de proposer. En l’état actuel des choses, les victimes d’Air Bourbon sont malheureusement écartées de cette aide. Les responsables de Coll’Air le savent. Ils n’en continuent pas moins de demander qu’on leur étende le bénéfice de la continuité territoriale.

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Dans un droit de réponse rédigé au nom du Conseil régional, Raymond Lauret réplique à Gilbert Gérard (1) . S’exprimant par le biais d’un courrier des lecteurs (2), le militant de Coll’Air revenait pour la énième fois sur le problème d’Air Bourbon. Dans sa tribune, il fustige les élus du Conseil régional, ceux de la majorité comme ceux de l’opposition.
Aux premiers, il reproche de former "le tas autour de son président". Il accuse les seconds de tout gober et de ne pas réagir "à cette escamotage de la continuité territoriale". Des propos dont la tonalité et la violence sont à la mesure du dépit de l’intéressé et de son association, plus isolés que jamais dans le combat douteux qu’ils mènent.
"Ce texte comporte de très nombreuses inexactitudes (pour ne pas dire “mensonges”) et révèle une volonté délibérée de tromper les Réunionnais, l’hypothèse de l’ignorance des textes en vigueur ne pouvant être retenue contre monsieur Gérard, qui n’est pas un novice en politique", écrit Raymond Lauret.

Manipulation

Gilbert Gérard continue en effet de répéter que la Région aurait pu sauver "les 166 emplois d’Air Bourbon, en proposant d’entrer dans le capital comme cela a été fait avec Air Austral, autre compagnie privée". Comment la collectivité territoriale qu’est la Région pouvait-elle entrer dans le capital d’une société privée dont les actionnaires ne l’ont pas sollicitée, lorsqu’ils ont pris l’initiative de monter Air Bourbon ? Gilbert Gérard ne l’explique pas.
Le responsable de Coll’Air redit qu’il aurait suffi d’utiliser les crédits de la continuité territoriale pour aider les victimes de la liquidation d’Air Bourbon. Il laisse entendre qu’il était ainsi possible de sauver Air Bourbon et ses 166 emplois.
Ignare parmi les ignares, Gilbert Gérard étale effectivement à la fois toute son ignorance et sa volonté de tromper.
Un des principes de la construction de l’Europe libérale est celui de la libre concurrence : il n’est pas question que les pouvoirs publics viennent fausser la mise en application de ce principe. Bruxelles veille à son respect absolu. La loi-programme pour l’Outre-mer propose de défiscaliser les compagnies aériennes exerçant dans les DOM-TOM. La Commission européenne a posé ses conditions : défiscalisation sur les investissements et uniquement pour les activités liées à l’Outre-mer.

Seuls les “résidents”...

Les mécanismes de mise en place de la dotation de continuité territoriale visent à respecter les règles européennes.
Le législateur a précisé que la dotation est "destinée à faciliter les déplacements des résidents de ces collectivités (d’Outre-mer) entre celles-ci et le territoire métropolitain. Elle contribue à financer une aide au passage aérien des résidents dans des conditions déterminées par la collectivité".
Ce sont donc les “résidents”, - les personnes habitant outre-mer - qui sont visés par la loi. À la différence de ce qui se fait pour la Corse, les voyageurs autres que les résidents - comme les originaires des DOM - ont été écartés du bénéfice de la continuité territoriale.
Dans un recours auprès du Conseil constitutionnel, des parlementaires socialistes ont contesté ce qu’ils considéraient comme une “rupture d’égalité”. La Haute juridiction a rejeté leur grief. Ainsi, les Martiniquais, Guadeloupéens, Guyanais, Tahitiens, Polynésiens, Mahorais ou Réunionnais, vivant en Métropole, ne peuvent bénéficier d’une aide au transport au titre de la continuité territoriale.
À Mayotte, un différend a opposé le préfet et le Conseil général à propos du mécanisme d’application de la continuité territoriale. Les élus avaient proposé d’en faire bénéficier toute personne habitant Mayotte. Le représentant de l’État a annulé cette décision et a proposé que l’aide soit réservée aux résidents habitant l’archipel depuis 3 ans et sous certaines conditions de revenus.
Or, à Mayotte des personnes ont été victimes de la liquidation d’Air Bourbon, la compagnie desservant en effet ce territoire. Pourquoi le docteur Gilbert Gérard ne proteste-t-il pas après la décision du préfet de Mamoudzou qui lèse les laissés-pour-compte de la compagnie d’Éric Larazus ?
Enfin, le législateur n’a pas tenu à combiner une obligation de service public avec la mise en place du système de la continuité territoriale. Et à plus forte raison, malgré les expériences malheureuses d’AOM ou d’Air lib, il n’a pas souhaité que la situation des voyageurs, qui pourraient être spoliés par la défection d’une compagnie aérienne, soit prise en compte dans le cadre de la mise en œuvre de la dotation de continuité territoriale.

Les principes de Bruxelles

Or, toujours pour tenir compte des principes énoncés par Bruxelles, l’aide attribuée au nom de la continuité territoriale a principalement un caractère social. Les collectivités d’Outre-mer qui doivent gérer leur part de dotation, ont été appelées à en fixer les critères d’attribution. C’est ainsi que lors de son Assemblée plénière du 29 juin dernier, la Région Réunion a défini les publics bénéficiaires de cette dotation.
Une délibération fixant les critères d’éligibilité à ce dispositif a été adoptée. Elle a été adressée au Ministère de l’Outre-mer, qui l’a transmise à la Commission européenne à Bruxelles. "C’est elle et elle seule qui peut approuver le dispositif proposé par la Région Réunion et le rendre opérationnel", expliquaient le 30 novembre dernier dans un communiqué commun, le Conseil régional et le Conseil général.
Autrement dit, pour donner satisfaction à la demande de Coll’Air et affecter en totalité ou en partie la dotation de continuité territoriale aux victimes d’Air Bourbon, il faudrait :
1) revenir sur le dispositif de la loi-programme qui destine cette aide aux seuls résidents ;
2) revenir sur la délibération du Conseil régional du 29 juin et en voter une nouvelle ;
3) passer outre la décision que prendrait la Commission de Bruxelles.
Autrement dit, dans les conditions actuelles, les victimes d’Air Bourbon savent qu’elles ne peuvent bénéficier de la dotation de continuité territoriale. L’association de défense qu’elles ont créée s’est montrée sur ce point extrêmement prudente en demandant, dans une déclaration, que l’on examine les conditions dans lesquelles on pourrait leur faire bénéficier du concours des pouvoirs publics. Gilbert Gérard et Coll’Air ne prennent pas les mêmes précautions. Raymond Lauret fait remarquer que le premier nommé n’est pas un novice : ancien élu, il sait que les dotations publiques sont attribuées sous des critères précis. En persistant dans le mensonge, il prouve qu’il veut tromper.

J. M.

(1) Voir “Témoignages” du vendredi 14 janvier 2005.
(2) “Quotidien” du mardi 11 janvier 2005.


Les oublis de Coll’Air

Avant que ne débute la déconfiture de la compagnie, son directeur déclarait avoir vendu entre 16.000 et 27.000 billets. Air Bourbon a donc encaisser, outre le prix du billet, les différentes taxes prélevées aux aéroports par l’État et la Chambre de commerce. Ces deux institutions ont reçu de l’argent pour des services qui n’ont pas été rendus (1) .
On remarquera que Coll’Air ne se bat pas pour obtenir que l’argent pris soit remboursé au victimes d’Air Bourbon.
Parmi les passagers de la compagnie, on comptait de nombreux touristes et des Réunionnais travaillant et résidant en Métropole. Pourquoi Coll’Air ne s’adresse-t-elle pas aux collectivités métropolitaines d’où sont originaires ces passagers ?

(1) Apparemment, selon une information qui a été donnée lors de l’Assemblée générale de la CCIR d’avant-hier lundi, Air Bourbon serait redevable de taxes perçues par la compagnie sur les billets d’avion mais non versées à la Chambre consulaire.


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