Intelligence et anticipation : les forces des petits pays

L’A380 de Singapore Airlines se pose à Paris

4 juin 2009, par Manuel Marchal

C’est un événement considérable que le monde vient de connaître. L’Airbus A380 vient de se poser en France, à l’aéroport de Roissy. Derrière cet exploit, ce n’est pas l’Europe ou les États-Unis, mais Singapour, un pays plus petit que La Réunion. Singapore Airlines a été la compagnie du lancement de l’Airbus A 380. Dans 5 ans, Air Austral marquera aussi l’Histoire du transport aérien avec son A380 de 853 passagers. Le projet d’Air Austral souligne un point commun : l’intelligence et le sens de l’anticipation sont les forces des petits pays.

Après Singapour, Sydney, Londres, Tokyo, Dubaï, New York, Bangkok, Auckland, Toronto et Los Angeles, Roissy est le 11ème aéroport à accueillir une liaison régulière assurée par le plus gros avion du monde, l’Airbus A380.
C’est mardi matin que cet avion s’est posé sur la piste de l’aéroport de la région parisienne. Il est reparti dans la journée pour Singapour.
L’Airbus A380 est le plus gros avion jamais exploité par des compagnies aériennes pour le transport de passagers.
Cet avion est un des acteurs du changement d’époque que nous vivons. Dans l’Histoire du transport aérien, les "premières" étaient jusqu’alors le monopole des compagnies aériennes des pays d’Europe ou d’Amérique du Nord. Les Boeing 707, puis 747, qui ont servi à démocratiser les transports aériens en faisant baisser les prix sur les vols long-courrier, ont d’abord été lancés par des compagnies nord-américaines puis européennes et japonaises.
En 1970, c’est une compagnie des Etats-Unis, la PANAM, qui inaugura le service commercial du Boeing 747 entre New-York et Londres, cinq ans après avoir signé une commande de 25 exemplaires.

L’avance de Singapour et Dubaï

Mais 29 ans plus tard, c’est la compagnie aérienne d’un pays plus petit que La Réunion qui pose la première le plus grand avion du monde en Europe. Cette compagnie, c’est Singapore Airlines. Et Singapour, c’est une superficie de 700 kilomètres carrés, soit un peu plus du quart de celle de La Réunion, sur laquelle vivent 4,6 millions de personnes.
Compagnie de lancement du A380, Singapore Airlines en a commandé 19, auxquels s’ajoutent 6 options. 7 sont aujourd’hui en service.
Autre signe du changement que connaît le monde, c’est Emirates qui a commandé le plus d’Airbus A380, 58 appareils. Emirates est la compagnie aérienne de Dubaï. C’est un pays de 1,6 million d’habitants, soit à peine deux fois La Réunion, qui vivent sur 3.800 kilomètres carrés, soit une fois et demie La Réunion.
À côté de cela, il faut noter que des compagnies comme Air France ou British Airways n’ont pour le moment commandé que 12 avions chacun.
Deux petits pays, Singapour et Dubaï, ont donc pris une avance importante sur les gros. Et quand il se pose à Paris, l’avion de Singapour a la certitude du succès. Trois mois à l’avance, il a déjà vendu 80% des places pour des vols quotidiens entre son aéroport et l’Europe. Pendant ce temps, les compagnies aériennes d’Europe et de l’Amérique du Nord affichent leurs difficultés. Ainsi, Air France-KLM a annoncé des pertes de plusieurs centaines de millions d’euros.
L’arrivée au cœur de la Vieille Europe de l’Airbus A380 via la compagnie d’un petit pays marque une rupture : c’est l’émergence sur la scène du monde de la culture de l’intelligence et de l’anticipation. C’est ce qui rassemble les petits pays, et La Réunion s’inscrit dans ce mouvement.

30% moins cher grâce à La Réunion

Pour se limiter aux transports aériens, la prochaine étape de la démocratisation du transport aérien au niveau mondial se fera à La Réunion. Elle sera aussi importante qu’il y a 40 ans, avec l’arrivée du 747. Elle aura lieu dans cinq ans, quand la filiale d’Air Austral prendra possession de son premier A 380.
Air Austral est en effet la première compagnie du monde, et la seule à ce jour, à commander à Airbus une version du A380 capable de transporter 853 passagers. Cet outil sera capable de faire baisser les prix des billets d’avion de 30%. Il y a une quarantaine d’années, la mise en service par les compagnies nord-américaines du Boeing 747 avaient permis une telle baisse. Ce nouveau saut sera réalisé par la compagnie d’une petite île de l’océan Indien, qui anticipe sur la croissance de la demande de transport longue distance à bas prix, pas par une compagnie d’un grand pays d’Europe ou d’Amérique.
Le rendez-vous est pris pour 2014, il est irréversible. Bien avant la France, les Etats-Unis ou la Grande-Bretagne, une compagnie aérienne de La Réunion fera voler un avion qui transportera 853 passagers.
Cette réalité démontre l’impasse que signifie cette affirmation : "nous sommes petits, et nous devrons toujours nous inféoder à des partis parisiens". Issu de la colonisation, ce type de déclaration est au contraire un frein à notre développement. L’évolution du monde est là pour rappeler que pour réussir, l’intelligence et l’anticipation ne dépendent pas de la taille d’un pays. C’est même une des forces des petits pays.

Manuel Marchal

MondialisationAirbus A380Air Austral

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Messages

  • Je suis étonné qu’un journal comme Témoignage, défenseur des plus pauvres, des exploités, fasse l’apologie d’une compagnie, qui bien qu’elle soit soutenue par la Région a, depuis quelques années fait monter les prix des liaisons régionales et qui pourra certainement dans trois ou quatre ans , faire baisser ses prix, vu leur hauteur prohibitive déjà atteinte aujourd’hui.
    Pourquoi les Réunionnais doivent-il payer plus que les autres citoyens de la république à distance égale ? Quand on connait la moyenne des taux de remplissage des vols au départ de la Réunion, il est certain que ces lignes ne sont pas déficitaires. Ouvrir le ciel de la Réunion aux compagnies aériennes européennes est un des moyens privilégiés de provoquer la baisse des tarifs. Une vraie concurrence pour ce territoire européen est une garantie d’un prix attractif pour les voyageurs de notre Ile. Le marché Tawannais et celui de Dubaï n’ont rien à voir avec celui de la Réunion. Ce sont deux trés grosses plateformes d’échanges commerciaux ayant à proximité, desmarchés et une densité de population incomparable. Ne rejouons pas la fable de La Fontaine, qui vit l’éclatement de la grenouille. Soyons réaliste et honête, n’utilisons pas l’orgueil mal pacé pour justifier l’intallation future d’un monopole dans l’aérien.

    • Avec l’A380 d’Air Austral, les Réunionnais à distance égale paieront 30% de moins que les autres citoyens de la République, ça, c’est une révolution dans les mentalités car bien avant Air France ou tout autre grande compagnie, le low-cost long courrier existera à La Réunion.

      En attendant, je serai curieux de connaître quels sont les prix pratiqués par Air France ou tout autre compagnie non low-cost sur un vol entre deux capitales européennes ?


Témoignages - 80e année


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