Continuité territoriale : pourquoi en modifier la gestion ?

Pour optimiser les fonds ?

1er avril 2008

En 2009, pour que les collectivités régionales d’Outre-mer continuent à assurer la gestion de l’aide à la continuité territoriale, elles devront en financer 50% au minimum, sans quoi, c’est l’Etat qui reprendra la main. Le dispositif fonctionnerait-il trop bien ?

Cette mesure modificatoire inscrite à l’article 24 du projet de Loi programme relatif à la rationalisation des mesures en faveur de la continuité territoriale interpelle également le CES. Dans son projet d’avis rendu le 19 mars, il émet « des doutes sur l’intérêt que trouveront les collectivités à réclamer la gestion du dispositif à la condition de devoir abonder les crédits de l’Etat, et en conséquence, sur l’importance de l’amélioration que le nouveau dispositif pourrait entraîner en matière de financement ».

« Inacceptable retour en arrière »

Victorin Lurel, Président du Conseil régional de Guadeloupe, et son homologue du Conseil général, Jacques Gillot, estimaient quant à eux, dans une lettre conjointe en date du 11 février 2008, adressée au gouvernement, que « la remise en cause du dispositif décentralisé qui donnait satisfaction à des milliers de Guadeloupéens depuis la fin 2004 constitue un inacceptable retour en arrière ». La continuité territoriale est victime de son succès, mais les dotations budgétaires se sont révélées jusque-là insuffisantes par rapport aux besoins réels, alors qu’aucune réévaluation positive de l’enveloppe n’est à attendre (1).
Le recentrage visé par la LOPOM tend avant tout à conforter ce désengagement en favorisant une certaine opacité, bien loin de la transparence annoncée. Pourquoi sinon globaliser aujourd’hui les crédits passeport-mobilité aux étudiants avec ceux dévolus à la continuité territoriale en faveur des personnes résidants en Outre-mer en un fonds de gestion unique ? Quelle nouveaux moyens financiers cette mesure permettra-t-elle de dégager ? Aucun.

Gérer les compétences, mais pas les fonds

Avec cette remise en cause de la gestion de l’aide à la continuité territoriale - procédant en outre d’un étrange chantage -, le gouvernement aura compris que complexifier les démarches a des vertus en matière d’économie des fonds. Pour preuve, les acteurs locaux et de l’Outre-mer en général dénoncent unanimement l’entrave que constitue la délivrance à Paris de l’agrément qui prévaut à l’obtention des exonérations fiscales et sociales de la LOPOM. 
Ils demandent une gestion déconcentrée, comme l’installation d’observatoires régionaux visant à contrôler la bonne application de la LOPOM, mais Paris reste sourd : l’observatoire reste national. Oui à la décentralisation des compétences sans compensation à l’euro près, oui encore au développement endogène, mais on maintient et veut étendre l’assistanat en matière de gestion des fonds.
Si le Secrétaire d’Etat à l’Outre-mer, Yves Jégo, qui, nouvellement en fonction et visiblement mal informé sur la réalité du dossier, considérait dimanche « pas choquant » de demander publiquement des comptes à la Région en matière d’utilisation des fonds de la continuité territoriale (données déjà en sa possession), on peut néanmoins considérer choquant de prétendre ainsi s’assurer de la défense des plus démunis quand on considère l’ardoise de l’Etat à leur égard. Soyons transparents et avisons les Réunionnais comme le propose Yves Jégo de l’utilisation des fonds publics.

Transparence sur les reliquats de l’Etat

Aux 13 millions de reliquats en matière de continuité territoriale non perçus par la Région, l’on peut encore ajouter les 56 millions d’euros au titre du RMI et 36 millions au titre de l’APA qui ont aggravé les finances du département et conduit la collectivité à augmenter les impôts locaux. Donc, aux Réunionnais d’assumer eux-mêmes la responsabilité de la solidarité nationale. Puisque le logement social est au centre de la LOPOM, faut-il encore rappeler que compte tenu de l’écart entre les Autorisations de Paiements de la LBU et les Crédits de Paiement finalement dévolus, les opérateurs sociaux enregistraient, au 30 juin 2006, un trou de près de 120 millions d’euros dans leur trésorerie. Beaucoup de petites entreprises du BTP ont de ce fait mis la clé sous la porte. On peut nous assurer aujourd’hui que le recentrage de la défiscalisation vers le logement social ne remettra pas en cause la LBU, que le montant de la dotation sera inchangé, mais qu’en est-il du reliquat ? Il serait plus facile d’effacer l’ardoise et supprimer le dispositif.

Alors, puisque l’on veut jouer la carte de la transparence, que l’on prône à raison la maîtrise des dépenses publiques par l’optimisation des fonds, peut-on nous expliquer pourquoi il appartient toujours aux citoyens de se serrer la ceinture ? Peut-on nous fournir par exemple le bilan des notes de frais de la Garde des Sceaux, Rachida Dati, qui a dépassé son budget banquets et réceptions (professionnels bien sûr) de 30% et qui demande aujourd’hui à la comptabilité publique une rallonge de 100.000 euros ? Qui va trinquer pour ces excès de champagne ?

Stéphanie Longeras


(1) Claude Lise, rapporteur pour la commission des Affaires économiques du Sénat, rappelle que « pour 2008, les crédits de la continuité territoriale s’élèvent à 54 millions d’euros, soit un montant quasiment identique par rapport à 2007 ». Cette enveloppe comprend la dotation pour la mobilité des résidants (33,3 millions d’euros), les crédits passeport-mobilité pour les étudiants (15,8 millions) et des mesures diverses (4,9 millions d’euros). S’agissant de la continuité territoriale, le rapporteur constate que « l’augmentation du nombre de bénéficiaires est un indice de l’importance que prend ce dispositif pour nos concitoyens d’Outre-mer : ils étaient 9.433 passagers aidés en 2004, 55.478 passagers en 2005 et 63.776 en 2006. (Il) espère que les moyens financiers seront développés à hauteur du succès rencontré par ce dispositif essentiel au désenclavement ».
De même pour le passeport-mobilité, Claude Lise se félicite « d’un mécanisme privilégié de solidarité nationale dont il conviendra d’étudier, sous condition bien évidemment, l’extension à d’autres catégories de populations ». Il émettra enfin pour avis, « à l’instar de ce que le Parlement a voté pour la collectivité territoriale de Corse, une obligation de continuité territoriale entre l’Hexagone et les collectivités d’Outre-mer. En effet, celles-ci sont des territoires de la République dont les contraintes géographiques sont comparables à celles de la Corse ». En effet, l’Article 14 de la loi n°2002-92 du 22 janvier 2002 donne la possibilité aux collectivités locales de Corse d’imposer des missions de service public aux transporteurs, ce qui assure des tarifs raisonnables et une présence minimum.


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