Près de 800.000 euros par jour dans l’affrètement d’avions de compagnies étrangères, le mouvement social pourrait s’étendre

Poursuite de la grève à Air Austral : fuite en avant très inquiétante de la direction

4 janvier 2017, par Manuel Marchal

Au second jour de grève à Air Austral, la direction a reçu une délégation de grévistes hier en fin d’après-midi. Les discussions se sont prolongées dans la nuit sans qu’un accord ne soit trouvé. Les dirigeants continuent d’affréter des avions de compagnies étrangères pour assurer les vols malgré la grève. Cette intransigeance coûte près de 800.000 euros par jour. Cette fuite en avant de la direction va-t-elle mettre en péril Air Austral, compagnie réunionnaise de plusieurs centaines de salariés ? Le mouvement pourrait s’étendre à d’autres catégories de personnels, tellement le malaise social est profond à Air Austral.

Hier devant Air Austral, les grévistes mobilisés.

Sur le piquet de grève installé devant le siège d’Air Austral depuis lundi, l’ambiance était hier chaleureuse. C’était le second jour du mouvement lancé à l’appel de l’UNSA, une grève qui vise à débloquer la situation concernant l’embauche de 35 travailleurs en contrat saisonnier depuis des années, et l’amélioration des conditions de travail sur la ligne de Mayotte. Les grévistes ont concocté un programme musical qui anime la zone aéroportuaire, ponctué de mot d’ordre revendicatifs. Des appels à la démission de Marie-Joseph Malé, PDG d’Air Austral, ont d’ailleurs été lancés, accompagnés d’appels à la négociation.

Le mouvement des personnels navigants commerciaux a commencé lundi matin. Il pourrait s’étendre dès aujourd’hui à d’autres catégories. En effet, les représentants du personnel au sol ont rencontré hier après-midi la direction. La CFDT a présenté une liste de revendications. La décision de rejoindre le mouvement pourrait être prise.

Quant aux personnels navigants commerciaux, il a fallu attendre mardi en fin d’après-midi pour qu’une délégation de travailleurs soit reçue par les dirigeants de la compagnie. La rencontre a débouché sur une poursuite de la grève. La position défendue par le PDG Marie-Joseph Malé est très claire : l’accord de sortie de conflit ne doit rien coûter à la compagnie. Cela signifie que ce qui pourrait être arraché sera payé d’une manière ou d’une autre par le personnel. C’est ce qui a été dit en substance dans un courrier adressé aux personnels navigants commerciaux de la compagnie, et diffusée hier dans la presse par la direction d’Air Austral.

Où est Didier Robert ?

Les grévistes constataient également le silence d’un acteur important dans cette affaire : Didier Robert. Le président de Région a en effet pris des initiatives qui ont permis l’arrivée de cette direction à la place des dirigeants historiques de la compagnie réunionnaise. De plus, c’est quand Didier Robert était président d’Air Austral que le capital a été restructuré par un coup d’accordéon, permettant la une société d’économie mixte présidée par Didier Robert, la SEMATRA, de s’octroyer plus de 90 % des actions d’Air Austral, et donc des droits de vote. L’élu s’est ensuite brûlé les ailes, contraint de céder la présidence d’Air Austral à l’ancien cadre d’Air France qui avait été nommé sous sa responsabilité. Il reste malgré tout président de la SEMATRA, l’actionnaire ultra-majoritaire. Mais au bout de deux jours de grève, cet actionnaire reste bloqué dans un mutisme assez incompréhensible.

Travail supplémentaire et même salaire

D’autant plus qu’il est composé essentiellement par la contribution d’institutions financées par de l’argent public, et que la direction persiste dans une gestion du conflit très inquiétante. C’est une fuite en avant qui ne pourra avoir que de lourdes conséquences financières. Or, plusieurs dizaines de millions d’euros ont été investis par la SEMATRA dans Air Austral, et la Région a encore voté récemment une contribution supplémentaire visant à encore recapitaliser Air Austral.

Multiplication des arrêts de travail, pression sur le personnel… les griefs à l’encontre de la direction sont nombreux de la part des grévistes d’Air Austral. Ils déplorent une gestion qui augmente les cadences sans que les salaires et les embauches suivent. Ainsi, sur les vols long-courrier, le nombre de PNC est passé de 14 à 12, mais en réalité ils sont souvent 11. Avec cet effectif réduit, la qualité de service doit être maintenue. Pour les grévistes, il n’est pas possible d’aller vers de la qualité Air Austral financée au tarif du low-cost.

Inquiétante gestion de crise par la direction

Ce qui les scandalise également, c’est le recours à l’affrètement d’avions de compagnies étrangères. Cette sous-traitance est programmée au moins jusqu’au 5 janvier. Car pendant que les discussions se poursuivaient hier après-midi, un avion de Wamos Air attendait sagement sur le tarmac avant de prendre à son bord des passagers prévus sur un vol Air Austral. La direction de la compagnie a mobilisé 4 avions des compagnies Wamos Air et Hifly. À raison de près de 800.000 euros par jour, ce sont donc plus de 3 millions d’euros qui sont d’ores et déjà perdus, et si le conflit se prolonge, cela fera bien plus cher. Or, le coût estimé par la direction des revendications des grévistes est de 3,5 millions d’euros. Comment expliquer qu’au lieu de discuter dès lundi avec les travailleurs afin de rechercher une issue la plus rapide possible, les dirigeants d’Air Austral aient privilégié cette solution ?

Cette fuite en avant inquiète les grévistes, car ils sont conscients du contexte difficile. Si la direction persiste dans cette attitude, il y a matière à s’interroger sur ses intentions.

M.M.

A la Une de l’actuAir AustralDidier Robert

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