Continuité territoriale

Quand les plus pauvres ne peuvent voyager

18 octobre 2005

Selon le “Journal de l’île” de vendredi dernier, la continuité territoriale connaîtra un bide et la responsabilité en incomberait à la Région. "Trois mois après l’entrée en vigueur du dispositif de continuité territoriale mis en place par la Région, on nage dans le fiasco. Critères beaucoup trop restrictifs, prise en charge insuffisante, malgré le battage médiatique, les 16 millions d’euros dorment toujours - à quelques centimes près - sous la Pyramide inversée. De nouvelles règles d’attribution devraient être fixées vendredi prochain" écrit le “JIR” qui estime entre 900 à 3.000 les personnes qui auraient bénéficié de la mesure.

Un axe de la politique gouvernementale

La mise en œuvre de la continuité territoriale a été un axe principal de la politique gouvernementale pour l’Outre-mer. Sa réalisation était un objectif prioritaire inscrit dans le programme pour les DOM-TOM de Jacques Chirac. Car, en la matière, c’est bien à l’État qu’il revenait de mettre en œuvre le principe de la continuité territoriale.
Le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a décidé de le décliner de différentes manières.
Outre le financement d’un dispositif d’abaissement du coût des billets d’avion par le versement d’une dotation annuelle aux conseils régionaux, l’État met en œuvre, depuis le 1er juillet 2002, un “passeport mobilité” ouvert aux étudiants âgés de moins de 26 ans et qui souhaitent s’inscrire dans une faculté métropolitaine. Ce dispositif s’applique également aux jeunes âgés de 18 à 30 ans, qui peuvent bénéficier d’un voyage aller-retour par stage de formation professionnelle de plus de trois mois, ou par contrat à durée déterminée de plus de six mois ou à durée indéterminée, nécessitant une mobilité.
De son côté, la loi-programme a décidé d’appliquer des mesures d’exonérations de charges sociales aux compagnies aériennes, maritimes et fluviales desservant l’Outre-mer avec "pour objectif de faire baisser le coût du transport que ce soit pour les passagers ou le fret, sur les liaisons intérieures de la collectivité, comme sur les liaisons vers d’autres collectivités ou la métropole".
Faire un bilan de la “continuité territoriale” dans sa globalité mériterait que l’on s’intéresse aussi à ces deux autres dispositifs. Si le gouvernement publie régulièrement un bilan du “passeport mobilité”, il est difficile de connaître à ce jour dans quels cas la défiscalisation a joué et quels ont été ses effets.

Les régions d’Outre-mer n’ont rien demandé

À l’instar de ce qu’ont fait l’Espagne et le Portugal pour les résidents de leurs régions ultrapériphériques, le gouvernement a donc décidé de participer au financement d’un dispositif d’abaissement du coût des billets d’avion, en versant à chaque région d’Outre-mer une dotation annuelle afin de permettre d’accorder aux passagers résidant outre-mer une aide forfaitaire, selon les destinations, entre la collectivité concernée et la métropole.
Il est donc clair que les régions d’Outre-mer n’ont pas demandé à gérer la dotation de continuité territoriale. Elles n’ont d’ailleurs aucune obligation à le faire. C’est ce que reconnaît le Conseil constitutionnel qui, commentant la décision qu’il a prise le 17 juillet 2003 à propos de la loi-programme souligne "la nature particulière de la ressource en cause : il s’agit d’une subvention versée par l’État aux collectivités d’Outre-mer pour l’exercice d’une compétence qui est en vérité facultative." Cette compétence est tellement facultative que le Conseil régional de la Guyane a décidé de ne pas l’exercer.
Il existe, par ailleurs une ambiguïté : ce qui, à travers la dotation de continuité territoriale, est une aide au transport dans les DOM est plus ou moins assimilée à la continuité territoriale telle qu’il est appliqué en Corse. Pour beaucoup de personnes, on devrait faire chez nous ce qui se fait en Corse. L’inégalité de traitement a été un des griefs présentés auprès du Conseil constitutionnel pour obtenir une révision de la mesure.
Dans ses commentaires, le Conseil constitutionnel qui a décidé de valider le dispositif proposé par le gouvernement a tenu à souligner les différences existantes par rapport au système corse.
"Le principe de “continuité territoriale” a valeur législative en Corse", dit la Haute Juridiction et il s’entend comme "l’atténuation des contraintes de l’insularité". Tandis que l’Outre-mer bénéficie d’une dotation
dénommée "dotation de continuité territoriale" et qui doit contribuer à "financer une aide au passage aérien des résidents dans des conditions déterminées par la collectivité".
La Cour souligne, par ailleurs, que "la Corse ne fait pas partie de l’Outre-mer et sa distance à la France continentale est beaucoup plus faible (le coût d’une continuité territoriale forte est donc incomparablement plus bas)". En clair, la Haute Juridiction explique que le coût de la mise en œuvre du principe de continuité territoriale outre-mer rend celui-ci inapplicable.
Nous connaissons bien les termes de la comparaison. La loi des finances de 2003 - première année d’exercice de la subvention de continuité territoriale et qui donc servir de bonne base de comparaison - a fixé le montant de la dotation pour la Corse, à 165,2 millions d’euros. Dans le même temps, 30 millions ont été dévolus à l’ensemble des collectivités d’Outre-mer au titre de la subvention de continuité territoriale.
Rapportée au nombre d’habitants, l’application du principe de continuité territoriale se chiffre à 616 euros pour la Corse et à 11,5 euros pour l’Outre-mer.

Une aide sociale

Malgré la faiblesse des moyens qui leur étaient accordés les trois collectivités ayant accepté de jouer le jeu. Mais, elle ont décidé de transformer la subvention en une aide sociale pour permettre aux plus démunis de voyager. Les régions de Martinique, de Guadeloupe et de La Réunion ont opté - à des variantes près - pour les mêmes critères : les résidents du territoire concerné, non assujettis à l’impôt sur le revenu, à un autre titre que la défiscalisation ou de l’avoir fiscal, les étudiants poursuivant leurs études en France, non bénéficiaires des dispositions du passeport mobilité ou d’autres dispositifs de même nature, les jeunes allant en formation dans l’Hexagone. Ajoutons que le principe de transformer la subvention en une aide sociale et la définition de ses critères d’attribution ont été acceptés par la quasi-majorité du Conseil régional. Ces dispositions ont, par ailleurs, été arrêtées sous contrôle de la Commission de Bruxelles qui insiste notamment pour que l’aide soit versée qu’aux résidents et non aux émigrés installés en France ou à des personnes récemment installés.
Le montant de l’aide (250 euros à La Réunion et entre 100 et 300 euros en Guadeloupe) a été fixé en fonction de ce qui se pratique déjà à Madère, aux Canaries et aux Acores.
Les critères retenus à La Réunion visent donc à couvrir les besoins d’une partie de ce que l’on a coutume d’appeler le deuxième monde réunionnais : les personnes non assujetties à l’impôt composant la grande masse des plus de 300.000 Réunionnais couverts par la CMU ou encore celle des chômeurs et autres érémistes.
Le système ne fonctionnerait pas comme il faut et ne donnerait pas les effets escomptés.

Modifier certains critères

Sans doute, des raisons objectives expliquent d’aussi piètres résultats : la mise en route tardive du système et le fait qu’il a démarré en période de haute saison. Mais la question principale à se poser est bien la suivante : ce que l’on considère comme faisant partie du deuxième monde réunionnais a-t-il réellement les moyens de voyager ? Le prix du billet n’est-il qu’un facteur parmi d’autres incitant ou pas à partir ?
Tirant les leçons de la courte expérience de mise en œuvre du dispositif, la Région compte modifier certains critères sans remettre en cause toute la philosophie de l’aide. Elle envisagerait, semble-t-il, d’augmenter le montant de l’aide. On verra alors si oui ou non les plus démunis de notre population peuvent avoir un meilleur accès à l’avion.

J. M.


Les bénéficiaires de l’aide

Vous bénéficierez à La Réunion, de l’aide au transport :

- si vous voyagez pour la présentation à un concours ou à un examen professionnel, ou pour occuper un emploi en métropole,

- ou si vous vous déplacez pour les motifs privés suivants :
o décès d’un parent en métropole,
o maladie ou accident grave d’un parent en métropole nécessitant une hospitalisation en métropole,
o accompagnement d’un enfant malade ou d’une personne handicapée, ou si vous êtes vous même handicapé.
Dans tous ces cas, la Région prend en charge 30% du prix de base de votre billet d’avion.
Vous pouvez également bénéficier d’une aide si vous avez entre 18 et 25 ans et que vous n’êtes pas imposable, ou si vous avez plus de 60 ans et que vous relevez du minimum vieillesse ; la Région prend alors en charge 30% du prix de base de votre billet d’avion, dans la limite de 250 euros.
Le dispositif élaboré par la Région Guadeloupe offre une aide, de l’ordre de 100 à 300 euros pour un aller-retour proposée à certaines catégories de passagers - les jeunes de moins de 30 ans, les étudiants, les personnes âgées de plus de 60 ans, les personnes à revenu modeste, les adultes voyageant en famille - sur les liaisons aériennes entre Pointe-à-Pitre ou Saint-Martin et la France métropolitaine.
En Martinique, l’aide bénéficie aux résidents à titre principal de l’île non assujettis à l’impôt sur le revenu, à un autre titre que la défiscalisation ou de l’avoir fiscal et les étudiants poursuivant leurs études en France, non bénéficiaires des dispositions du passeport mobilité ou d’autres dispositifs de même nature.


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