L’État doit payer sa dette à la Région pour que la loi s’applique

Suspension forcée du dispositif d’aide sociale à la mobilité

4 septembre 2007, par Manuel Marchal

La Région a annoncé hier la suspension de l’aide sociale à la mobilité, un dispositif qui a permis à 53.000 Réunionnais, dont 40.000 depuis décembre, de voyager. C’est la conséquence du non-paiement par l’État de la dotation de continuité territoriale qu’il s’était pourtant engagé à abonder pour que la loi s’applique. D’où l’appel à la mobilisation et à la solidarité de tous les Réunionnais lancé hier par Paul Vergès contre « une grande injustice sociale » à laquelle le gouvernement devra répondre.

« C’est le plus gros problème social que l’on ait vu depuis des décennies ». Paul Vergès a annoncé hier la suspension du versement de l’aide sociale à la mobilité. C’est le résultat d’un engagement qui n’est pas tenu par l’État. Selon la loi, l’État doit verser plus de 8 millions d’euros par an à la Région qui gère le dispositif qui, sur critère social, permet aux Réunionnais de bénéficier d’une importante réduction annuelle pour un billet d’avion aller-retour. Mais jusqu’à aujourd’hui, l’État n’a pas payé sa dette. « En 2005, 1,4 million d’euros ont été délégués sur 8,4 millions d’euros ; en 2006, 5,5 millions sur 8,6 millions d’euros ; et 0 euro sur 8,2 millions d’euros », énumère le président de la Région qui constate que « au moment où le système fonctionne, on ne délègue plus ».
Depuis le début de l’année, 40.000 personnes ont pu voyager grâce au dispositif, et depuis le début de l’année, l’État n’a rien versé à la Région, et au total, il doit plus de 18 millions d’euros.

« Le dernier recours »

Cela remet en cause une mesure qui a permis à 53.000 Réunionnais de voyager, sur la base de critères sociaux. Depuis février dernier, la Région a multiplié les courriers et les initiatives pour alerter l’État sur la situation. Dernière démarche en date : le dépôt d’un recours gracieux auprès du préfet. Jusqu’à présent, l’État n’a donné aucune suite aux demandes.
De plus, comme le rappelle Pierre Vergès, le financement de la dotation de continuité territoriale est assuré en partie par les Réunionnais par le biais d’une taxe sur les billets d’avion. Si l’État n’honore pas ses engagements inscrits dans la loi, le maintien du dispositif équivaut à le faire financer par l’ensemble des Réunionnais, c’est-à-dire même par ceux qui ne voyagent pas.
La Région a donc décidé de suspendre le dispositif à compter d’aujourd’hui.
Du fait de la dette de l’État, la situation financière de la Région est tendue. La collectivité ne peut pas continuer à financer cette mesure sur ses fonds propres, tant que l’État ne s’engage pas au moins à payer ce qu’il doit pour 2007, soit 8,2 millions d’euros.
Toutes les demandes des Réunionnais déjà déposées à ce jour seront instruites, mais l’aide est suspendue pour les nouveaux dossiers. « Pas de gestion discriminatoire en fonction des critères », souligne Pierre Vergès. Quant à Wilfrid Bertile, il indique que « c’est le dernier recours, en désespoir de cause. La collectivité est dans la même situation que des salariés qui décident de faire grève ».

Faire appliquer la loi

Paul Vergès note que si jusqu’à présent, 53.000 personnes ont pu voyager, 60.000 ont droit aussi à l’aide sociale à la mobilité. « C’est une grande injustice sociale », poursuit Paul Vergès, « on ne peut pas faire miroiter un tel espoir à des dizaines de milliers de personnes et ensuite dire qu’il faut arrêter ». Car, note Paul Vergès, si le gouvernement veut limiter le nombre de bénéficiaires de cette mesure, « qu’il prenne ses responsabilités et trie parmi les pauvres ceux qui ont droit ».
« Tous les Réunionnais sont concernés », affirme avec force Paul Vergès, « nous demandons à ceux qui ont bénéficié de cette mesure et à ceux qui y ont droit de s’associer à la protestation que nous adressons au gouvernement dans son ensemble ». « 53.000 Réunionnais ont déjà bénéficié de ce dispositif social, nous demandons à tous les Réunionnais d’aider ceux qui ont droit à l’aide sociale à la mobilité à faire appliquer la loi ». Pour Paul Vergès, c’est une question de solidarité entre Réunionnais.
Au terme de cet appel, le président de la Région souhaite que lorsque Christian Estrosi, Secrétaire d’État à l’Outre-mer, sera en visite à La Réunion le mois prochain, il apportera une réponse positive du gouvernement.
Question de respect de la dignité et de l’égalité des Réunionnais.

Manuel Marchal


9 interventions écrites sans réponse de l’État

Depuis le début de l’année, la Région a alerté l’État par écrit 9 fois :
18 février : courrier au Préfet de La Réunion ;
9 mars : courrier au Préfet de La Réunion ;
22 mars : courrier à François Baroin, Ministre de l’Outre-mer ;
16 avril : courrier à Hervé Mariton, Ministre de l’Outre-mer ;
21 mai : courrier à Hervé Mariton, Ministre de l’Outre-mer ;
22 juin : courrier à Christian Estrosi, Secrétaire d’État à l’Outre-mer ;
1er août : courrier au Préfet de La Réunion ;
30 août, remise du dossier à Michèle Alliot-Marie, Ministre de l’Outre-mer ;
3 septembre : recours gracieux adressé au Préfet de La Réunion.
Pour le moment, l’État n’a donné aucune réponse.


La dette de l’État

Sur plus de 33 millions d’euros fixés par arrêté ministériel, le montant perçu par la Région n’est que de 15,4 millions d’euros. La Région a engagé 24,5 millions d’euros, et déjà versé 20,1 millions d’euros. Il reste donc 18,3 millions d’euros à percevoir au crédit de la Région.
Il est à noter qu’en 2007, l’État n’a pas encore versé le moindre centime. Et nous sommes déjà en septembre.


Un révélateur de la pauvreté à La Réunion

Mise en place sur des critères sociaux, la mesure a bénéficié à La Réunion à 52.250 personnes. Parmi elles, 80,69% ne sont pas imposables, soit 42.564 Réunionnais qui ont pu voyager grâce à ce dispositif d’aide sociale à la mobilité.
Par ailleurs, les critères définis par la Région ont donné les moyens de prendre l’avion à 2.421 personnes handicapées, 2.012 personnes au motif de l’accident grave ou de la maladie d’un parent, 1.860 au titre de la mobilité éducative et sportive, 1.275 pour le décès d’un parent en Métropole, 1.261 pour accompagner une personne handicapée, 672 pour se présenter à un concours ou un examen professionnel, 256 pour aller occuper un emploi, 240 pour une hospitalisation en Métropole et 189 pour accompagner un enfant malade.
Le dispositif a de plus en plus de succès. Depuis le début de l’année, 40.066 dossiers ont été déposés.


Tous les Réunionnais concernés

L’aide sociale à la mobilité a permis à 52.750 personnes de voyager, elles se répartissent dans les 4 micro-régions :
6.988 dans l’Est ;
11.729 dans l’Ouest ;
19.783 dans le Sud ;
12.391 dans le Nord.
Autant dire qu’il n’est pas une région de La Réunion qui n’a pas bénéficié de cette avancée.


L’aide sociale à la mobilité adoptée pour 10 ans par la Commission européenne

Paul Vergès a rappelé les grandes étapes qui ont abouti à la mise en place de l’aide sociale à la mobilité.
Appliquée depuis longtemps à la Corse sans restriction, la continuité territoriale a fait l’objet d’engagements de la part de deux candidats à la Présidentielle de 2002 : Lionel Jospin et Jacques Chirac. Une fois réélu, ce dernier a lancé l’élaboration d’une Loi-programme pour l’Outre-mer au sein de laquelle a été décidée l’attribution d’une dotation dite de continuité territoriale à chaque Région d’Outre-mer.
La Région Réunion a ensuite élaboré des critères afin de définir quels peuvent être les bénéficiaires de cette dotation. Après des premiers critères trop restrictifs, la Région a ensuite modifié ces derniers en mettant en avant le caractère social de l’aide. En effet, « il fallait améliorer ces critères pour décider les plus pauvres à voyager », précise le président de la Région, « les résultats ont démontré que la situation sociale à La Réunion est telle qu’il a fallu abaisser les critères pour faire appliquer la loi ».
Ces critères ont été adoptés par le gouvernement, puis par la Commission européenne. L’Union européenne a approuvé ce dispositif d’aide sociale à la mobilité pour une durée de 10 ans. La Région Martinique a choisi d’utiliser les mêmes critères que La Réunion pour mettre en œuvre également un dispositif d’aide sociale à la mobilité.


Un succès croissant

Depuis la mise en place des nouveaux critères en décembre 2006, 40.066 personnes ont pu voyager. La Région estime à 21 millions d’euros la somme nécessaire pour satisfaire toutes les demandes des personnes ayant droit à ce dispositif du fait de la faiblesse de leurs revenus. Cela représente plus de 2,5 fois la dotation annuelle arrêtée par le gouvernement.
À titre de comparaison, cela serait 10 fois moins que la dotation dont bénéficient les Corses. Ces derniers ont droit à la continuité territoriale, sans restriction. « Combien de temps pourra-t-on soutenir ce raisonnement », explique Paul Vergès, qui précise que mis à part les Corses, Madère et les Canaries bénéficient également d’une continuité territoriale, sans restriction. Or, tout comme La Réunion, Madère et les Canaries sont deux Régions ultrapériphériques de l’Union Européenne.


Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?

Messages

  • bonjour,
    je me permets d’apporter mon temoignage sur l’importance de maintenir le dispositf de continuité territoriale :
    j’ai, grace à ce dispositf , pu emmener mes enfants en métropole voir leur grand-mére souffrante. En effet j’ai 4 enfants et vu les prix exorbitants proposés pendant les périodes scolaires je n’aurai pu les faire voyager.Je remercie encore le Président de la Région et toute son équipe qui se sont battus pendant des années afin de nous permettre de nous sentir français ou plutot métropolitain, et de ne pas voir notre île comme une enclave mais comme une région comme les autres : notre moyen de transport est l’avion, il doit nous resté facile d’accès.
    En prévision de l’arrivée du Ministre de l’Outre mer, une pétition signée de toutes les personnes qui ont bénéficié de ce dispositf devrait circulée soit sur internet ou dans les lieux d’accueil de la Région.

    En espérant que l’Etat tienne ses engagements et ce au plus vite,je vous remercie encore

  • c’est vraiment scandaleux de constater encore une fois l’hypocrysie de l’Etat français. Comment oser prétendre que la Réunion est un département français quand la liaison avec la métropole est si difficile et si chère. Comment les Réunionnais peuvent ils se sentir français et européens quand on leur met des barrières et qu’on supprime des aides indispensables.C’est tout simplement honteux et discriminatoire. La France creuse les disparités au lieu de les supprimer ; bravo messieurs les politiciens ! des milliers d’étudiants réunionnais expatriés pour faire leur études en métropole et par là condamnés à ne pas voir leur famille ; l’exception française persiste et se double d’une exception réunionnaise ; l’insularité reste un handicap pour qui veut s’ouvrir au monde , faute de mise à disposition suffisante d’aides financières publiques !


Témoignages - 80e année


+ Lus