Législatives à Maurice : victoire totale de l’opposition.
13 novembre, par
« La population a choisi une autre équipe. Je lui souhaite bonne chance ». C’est par ces mots que le premier ministre, Pravind Kumar Jugnauth a concédé sa défaite aux législatives tenues ce week-end.
L’ampleur de la défaite est sans appel : 60/0. Par un système correctif de best-loser, les perdant aura quand même une représentation. Il serait intéressant de suivre les explications des Mauriciens sur un tel raz-de-marée.
En attendant, voici 3 leçons :
1) On ne gagne pas sur un bilan.
Le gouvernement sortant avait misé sur une bonne croissance économique de 6,9% pour valider les 5 années au pouvoir, en partie générées par les investissements dans les infrastructures routières et ferroviaires. Les Réunionnais qui voyagent à Maurice font l’éloge du tramway flambant neuf. Avant le scrutin, le pouvoir avait procédé à l’inauguration du port et de l’aérodrome de Agalega construits par l’Inde ainsi que le baptême du navire Peros Banhos commandé en Chine ; le premier ministre avait beaucoup communiqué sur le processus de rétrocession de l’archipel des Chagos. Le bilan social reposait sur l’augmentation des salaires qui est passée de 9 000 Rs, en 2018, à 20 000, en 2024, et l’annonce de créer un Fonds d’un milliard de roupies.
2) Les imprévus
Les inondations spectaculaires ont beaucoup affecté l’autorité du gouvernement et ses capacités d’anticiper les crises climatiques. En fin de campagne, un internaute a mis en ligne des conversations mettant en cause le premier ministre. Le gouvernement a réagi par la fermeture des réseaux sociaux jusqu’aux élections. Quelques jours après, il s’est ravisé. Le mal était fait. A ce moment-là, il était clair que l’opposition allait bénéficier de la gaffe monumentale.
3) Les réalités.
Les Mauriciens discutent beaucoup de la vie chère et du pouvoir d’achat. Le discours est simple : 2 salaires sont insuffisants dans le ménage alors qu’avant un seul revenu faisait vivre une famille nombreuse. L’équipe sortante avait avancé l’idée d’un fonds de compensation. Mais la mesure n’aurait pas pu stopper l’augmentation des prix. Les 2 camps ont des points de vue contrastés sur cette question.
4) Une nouvelle équipe.
L’économiste Rajeev Hasnah a travaillé sur le programme économique de l’Alliance qui sera au pouvoir. Il déclare : « On entend souvent le gouvernement sortant se targuer d’avoir augmenté le salaire minimum de Rs 9 000 en 2018 à Rs 20 000 (revenu minimum garanti) en 2024. Cela constitue un aveu de taille que sa philosophie économique aura été un échec car il est d’accord que pour pouvoir avoir le même niveau de vie, il a dû plus que doubler le salaire minimum en si peu de temps. Et il vient promettre Rs 25 000 dans son prochain mandat s’il est réélu. Si on peut acheter la même quantité d’articles de consommation ou moins avec Rs 20 000 ou Rs 25 000 qu’avec les Rs 9 000 initiales, à quoi cela sert alors d’avoir plus de billets dévalués ? Les Mauriciens ont bien compris leur jeu d’illusionniste monétaire ! » Il estime qu’il faudra plusieurs générations pour corriger les conséquences de la dévaluation de la roupie.
L’argument est juste. Des générations d’individus portent les conséquences des dirigeants politiques. Cela est aussi vrai pour Ramgoolam qui a déjà présidé aux destinées du pays. Ironie de l’histoire, le rentrant comme le sortant sont héritiers directs du drame Chagossien. Leurs pères étaient unis pour obtenir l’indépendance de Maurice, aux conditions fixées par les Anglais.
Ary YEE-CHONG-TCHI-KAN