LA RÉUNION ET L’OCÉAN INDIEN

2008 : le départ d’une “ère nouvelle” dans l’océan Indien ?

Quand nos îles ne seront plus des enclaves...

5 novembre 2007

Comment faire des APE un tremplin pour des relations de co-développement sans précédent entre les îles du Sud-Ouest de l’océan Indien ? Dans les 10 à 20 ans qui viennent, nos pays peuvent, si nous en avons la volonté, jeter les bases d’un développement « coordonné et simultané », qui soit en même temps intégré à la mondialisation du marché.
Paul Vergès l’a souligné dans une récente conférence de presse, donnée à son retour de l’île Maurice : dans le mouvement d’intégration à un marché “mondialisé”, nos pays ont en commun d’être des îles - plus ou moins grandes, mais toujours isolées. Ce qui est une faiblesse peut devenir une force si la volonté de faire face ensemble trouve à construire le cadre et les moyens de ces échanges nouveaux.

À Mahé comme à Maurice, les ministres de la COI ont affirmé une volonté claire de se saisir des APE pour jeter les bases d’un co-développement de la sous-région des Mascareignes, dans l’ensemble de l’Afrique orientale et australe. C’est en quelque sorte le 2ème étage de la fusée, les APE ayant pour objectif premier de modifier le cadre des relations entre les pays européens et les pays ACP, dans l’ensemble plus vaste de la construction d’un marché que d’aucuns disent “mondialisé”.
On comprend dès lors que la question essentielle, pour parvenir à un réel co-développement de nos pays, va être celle de l’articulation entre ces deux niveaux d’intégration.
Le fait que La Réunion - qui n’est pas un pays ACP, mais une Région Ultrapériphérique (RUP) de l’Union Européenne - ait été associée à cette réflexion est un acquis fondamental dont il faut comprendre toute la portée. Il est dû en grande partie au travail de la Région et de ses équipes, mais aussi à une histoire de la solidarité entre nos îles, comme le rappelaient récemment Paul Vergès, Président de la Collectivité, et Wilfrid Bertile qui, en marge de sa mission pour la Mobilité, est chargé à la Région Réunion des questions politiques liées à la coopération et au co-développement régional.

On a souvent de “bonnes raisons” de se tromper

De même qu’il s’est trouvé, en 1946, des gens assez peu clairvoyants pour prendre la loi du 19 mars pour “un dispositif législatif” banal - un parmi d’autres dans le vaste ensemble national -, ceux qui ne verraient pas aujourd’hui dans les APE le départ d’une nouvelle période historique feraient preuve du même aveuglement. C’est en substance ce qu’a expliqué le président de la Région pour faire comprendre la portée de ce qui se prépare.
On a souvent de “bonnes raisons” de se tromper. On pourrait dire que nous ne sommes que des poussières d’îles et que la mondialisation n’est pas conçue à notre échelle, c’est une évidence ; mais une de ces évidences qui faisaient dire au 16ème siècle que la Terre était plate et que le soleil tournait autour !
Le véritable départ de cette “ère nouvelle” réside dans la volonté des équipes dirigeantes des 5 pays de la COI d’articuler les différents niveaux d’intégration et les dispositifs financiers qui en sont les leviers. Or, cet aspect de notre co-développement va démarrer dès 2008. C’est ce que doit préparer la tenue, dans notre île, du Séminaire des pays de la COI, qu’il faut voir comme le point de départ programmatique des différentes actions de co-développement (voir encadré à la suite).


En quoi peut-on en déduire que « l’ère de la protection et des forteresses commerciales » est bel et bien révolue ?

L’objectif à termes, d’ici une vingtaine d’années, est le “libre-échange”. Mais, pour pouvoir échanger, encore faut-il produire.
L’Accord de partenariat économique, en tant que dispositif d’ajustement, n’aura atteint son but pour les pays de la COI (Madagascar, Comores, Seychelles, Maurice et Réunion/France) que s’il leur permet de renforcer leur appareil de production, les infrastructures et les moyens de communication, entre autres éléments de leur base productive. Et l’Europe n’est pas la seule à être présente dans ces pays de la zone, où se croisent aussi les pays émergents comme l’Inde ou la Chine, les Sud-africains et les Nord-américains (Etats-Unis et Canada), entre autres.
Pour La Réunion, il est essentiel de mettre à profit ce temps d’ajustement des ACP pour, ici aussi, nous préparer à l’arrivée du “libre-échange”. Sans cette période tampon de 15 à 20 ans, pour “amortir le choc”, l’économie de l’île irait réellement au-devant d’un grave danger. « Pendant que nous produisons nos ananas Victoria sur des parcelles de 0,5 ha, à Madagascar, on peut les faire sur 100 ou 200 ha », donne pour exemple Wilfrid Bertile. « Avec la libre circulation des marchandises (duty et quota free - sans taxe et sans limite quantitative), au lieu de produire l’ananas ici, les entreprises iront le faire à Madagascar parce que c’est moins cher. Cela menace toute l’industrie dite d’import-substitution, qui est notre tissu industriel de base », poursuit-il.

Lorsque le président de Région s’interroge sur notre capacité à anticiper, à rassembler et organiser les dispositifs qui sont ceux d’une RUP dans un environnement ACP - dispositifs internationaux, loi d’orientation (LOOM) et loi-programme en préparation - pour préparer le cadre nouveau, il sait qu’il soulève un problème inédit.
Il faut déjà en faire une analyse juste, et rassembler tout ce qui peut l’être de façon efficiente pour faire face à une étape de toutes façons inéluctable. Les problèmes que nous devons nous préparer à prendre en charge sont multiples : allons-nous pouvoir adapter nos moyens financiers ? Qu’est-ce que la loi-programme va apporter - à la recherche, au développement des énergies renouvelables, de l’agro-nutrition, etc... - qu’il nous serait possible de croiser avec les financements propres aux pays ACP, découlant des accords spécifiques qu’ils ont avec l’Union Européenne ?
Ces questions ont été posées lors de la rencontre à Maurice, notamment par les délégations mauricienne et malgache. Les ACP sont en train de négocier avec l’Union Européenne les conditions du 10ème Fonds européen de développement (FED). Nos financements sont le FEDER et Interreg 3 - un fonds de l’UE adapté aux RUP et dont la gestion est confiée à La Réunion.

Dans la réussite de ce croisement réside l’enjeu de la concrétisation de la “nouvelle ère” entre les 5 pays de la COI.

P. David


Les NTIC, la santé et une station satellitaire

De nombreux projets, déjà engagés ou à l’étude, ont été approuvés par la COI. Bon nombre d’entre eux ont reçu, en 2005, à Antananarivo, les encouragements du Commissaire européen au Développement, M. Louis Michel. Ils préfigurent les actions programmatiques que le Séminaire de 2008 se propose de fixer, pour projeter nos îles dans l’océan Indien de 2020 à 2030, quand nous serons près de 40 millions d’habitants - dont 30 millions à Madagascar.
La nouvelle ère économique et historique repose sur une mutation géo-démographique qui va changer toutes les données dans la région, où les conséquences des changements climatiques - que l’on voit déjà dans d’autres régions du monde - se feront sentir aussi, imposant des conditions nouvelles aux politiques d’aménagement des territoires. C’est un sujet que le président de la Région Réunion maîtrise bien, et s’il a donné en exemple quelques-uns des domaines où La Réunion peut mettre son savoir-faire au service des pays de la COI, c’est pour donner à nos voisins l’assurance que La Réunion a des atouts à mettre sur la table.

• Le premier est les NTIC - avec plusieurs projets de câblages qui, à termes, vont relier les 5 partenaires de la COI par un moyen moderne de communication. Au Nord de la COI, un autre câble traverse l’océan Indien du Nord de l’Inde à l’Afrique orientale, pour remonter ensuite vers la Méditerranée. A partir des Comores, il est prévu aussi un raccordement avec ce câble-là. Dans quelques années, nos îles disposeront d’un système international de communication, avec 3 câbles internationaux.

• Un autre projet d’importance va venir de la signature prochaine d’un accord - entre l’Etat, l’Université, un Institut de recherche et la Région Réunion, dans le cadre du développement de nos îles - pour le financement et le fonctionnement d’une station de réception satellitaire. L’appareil commandé couvre 2.500 km de rayon, ce qui concerne aussi toutes les îles de la région, et pas seulement pour prévoir et suivre les divagations des cyclones dans cette partie de l’océan Indien. Il est d’autres aspects qui peuvent avoir des conséquences économiques, sociales et humaines importantes : les déforestations et leurs effets, en particulier sur l’érosion des sols ; les prévisions de récoltes (le riz notamment, pour Madagascar) ; le régime des eaux ; l’état de la barrière corallienne ; le suivi des poissons migrateurs, etc... Cela signifie aussi une amélioration du système de veille contre la pêche illégale.

• Enfin, si le chikungunya a frappé d’abord La Réunion, il n’a pas fini de faire parler de lui dans d’autres régions du monde. On le sait à l’état endémique dans un certain nombre de pays d’Afrique de l’Est, et il s’est étendu en Inde - avec la dengue - et jusqu’en méditerranée, où la présence du moustique (aedes albopictus) a été signalée dans la vallée du Pô et dans le Var.
La Réunion a travaillé à l’institution d’un Centre d’étude sur les maladies émergentes, en proposant dès le départ que ce centre serve aussi aux pays de la zone et que puissent y collaborer des chercheurs de la zone. Un autre élément important a trait à la recherche sur le cancer : il y a 3 cyclotrons pour l’ensemble des pays bordant l’océan Indien et l’un d’eux est à La Réunion. Il permet à notre île d’économiser 2.000 transferts sanitaires par an et sera également à la disposition des chercheurs et médecins des îles voisines.
Ces exemples sont ce que La Réunion peut mettre dans la préparation de la rencontre internationale - une session exceptionnelle de la COI - que la Région va préparer pour le début 2008.

Mondialisation

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