Alors que la crise progresse

7 mois après le CIOM : derrière l’autosatisfaction, une catastrophe annoncée

16 juillet 2010, par Geoffroy Géraud-Legros

Malgré les grandes déclarations, on constate bien peu d’avancées dans la mise en œuvre des mesures arrêtées par le Conseil interministériel sur l’Outre-mer le 6 novembre dernier. La crise, elle, progresse à pas de géant…

Décidément, l’heure est aux pirouettes du côté du pouvoir UMP. Un peu plus de sept mois après l’annonce par Nicolas Sarkozy des mesures prises par le Conseil interministériel de l’Outre-mer (CIOM), la ministre de l’Outremer Marie-Luce Penchard s’est jugée « satisfaite » de la mise en œuvre du dispositif. Une déclaration aux allures de brevet d’auto-satisfaction, dont l’enthousiasme tranche avec les constats alarmants établis par plusieurs élus ultramarins.

De quoi parle Marie-Luce Penchard ?

À en croire la ministre de l’Outremer, les mesures-phares du CIOM seraient « réalisées ou en cours de mise en œuvre », et ce particulièrement dans le domaine « d’information sur les prix » et « l’amélioration de la concurrence ». Et d’invoquer des mesures telles que la désignation de sous-préfets chargés de la cohésion sociale, la création des observatoires des prix, l’institution du GIR concurrence.
Difficile, pourtant, de cerner l’étendue réelle de ces mesures à l’heure actuelle : quels sont les contenus exacts des lettres de mission des Sous-préfets ? D’autre part, comment peut-on réduire la douloureuse question du coût de la vie outre-mer à un « observatoire », au moment où la dernière étude de l’INSEE fait apparaître que les injustices demeurent dans la fixation des prix ? À La Réunion, la déclaration de Mme Penchard a presque des allures de cynisme, après le changement de majorité intervenu à la suite de la triangulaire de mars dernier. Didier Robert, président UMP de la Région, n’a en effet jamais dissimulé son hostilité aux États généraux et au programme qui en découle, arrêté par le CIOM. L’une de ses premières décisions en arrivant au pouvoir n’a-t-elle pas été d’abattre la géothermie, l’un des projets-vedettes du CIOM ?.<br /

Escamotage des grands problèmes

Plus généralement, le compte n’y est pas sur les grands dossiers. Qu’en est-il, par exemple, de l’épineuse question de l’emploi des Réunionnais dans la fonction publique ? Lors du CIOM, le président de la République avait parlé de « caricature », évoquant l’habituelle quasi-absence des « locaux » dans les réunions de Préfecture. Pourtant, rien n’a changé. Un constat d’immobilisme qui s’impose d’ailleurs de manière générale : les promesses d’une mobilité révisée en fonction des spécificités sont restées lettres mortes. Ainsi, cette année encore, à La Réunion, 900 des 1.000 emplois créés dans l’Éducation nationale n’iront pas à des diplômés réunionnais.
La belle humeur de Mme Penchard apparaît d’autant plus décalée dans le climat contemporain de crise économique et sociale, où la rigueur qui se profile menace d’aggraver encore les conditions de vie des populations d’Outremer.

Effondrement budgétaire

Une catastrophe annoncée, dont s’est alarmé Victorin Lurel, député à l’Assemblée nationale et président de la Région Guadeloupe. « L’année prochaine », prévient-il, « sera encore pire puisque les crédits d’intervention du ministère de l’Outre-mer seront en diminution de 60 millions d’euros pour 2011 avec, certainement, un assèchement programmé des crédits de la ligne budgétaire unique (LBU) destinés aux logements sociaux ». Cette prévision émerge « de l’aveu même de la ministre » : celle-ci a annoncé lors de son audition en commission des finances du Sénat le 24 juin dernier, que « ce sont pas moins de 119 millions d’euros d’économie supplémentaires d’ici 2012 qu’elle fera sur son budget, par la mise en œuvre de la LODEOM, à travers la remise en cause de dispositifs spécifiques outre-mer ». À cette perspective s’ajoute, « outre une volonté annoncée de rogner encore davantage les dispositifs de défiscalisation des investissements, de la TVA NPR ou encore des exonérations de charge ». Dès lors, Victorin Lurel craint « que la capacité de persuasion du ministère de l’Outre-mer qui a perdu, de l’aveu même de la ministre, la moitié de ses effectifs, soit insuffisante pour éviter une bérézina budgétaire dans nos régions ».
Que dire de La Réunion, où l’austérité annoncée se greffe sur la dépression provoquée par l’arrêt volontaire des grands travaux de relance, imposée aux travailleurs et aux entreprises par Didier Robert !

Geoffroy Géraud-Legros

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