Élection présidentielle

ACCD’OM : Adresse aux candidats à l’élection du Président de la République

16 mars 2022, par Maurice Gironcel

Le conseil d’administration de l’association, réuni à Fort de France, le 10 mars 2022, a approuvé une adresse à l’attention des candidats à l’élection présidentielle qui a été remise ce jour aux candidats auditionnés par l’Association des Maires de France. A cette audition, Maurice Gironcel, président de l’ACCD’OM, a désigné le Président de l’Association des Maires de Mayotte, Monsieur Madi MADI SOUF, Maire de Pamandzi, comme porte-parole de l’ACCD’OM.

Le présent communiqué reprend les grandes lignes de cette adresse :

Une situation des communes ultramarines globalement alarmante

* Les communes des COM n’ont pas été assujetties à la baisse des dotations au titre de la Contribution au redressement des finances publiques. Par conséquent, leurs finances paraissent plus saines que celles des communes des DOM. Pour autant, avec une économie fortement tributaire du tourisme, elles supportent de plein fouet le choc de la pandémie de COVID 19, sans compensation de leurs pertes fiscales par l’Etat.

* Parmi les DOM, Mayotte n’a pas été non plus assujettie à la baisse des dotations, mais les Mahorais sont invités à fournir des efforts colossaux pour financer la départementalisation, notamment à travers l’instauration d’une fiscalité locale de droit commun.

* En raison de la baisse des dotations de l’Etat, à partir de 2014, non compensée à 100 % par la péréquation nationale (verticale et horizontale), comme ce fut la cas pour les communes défavorisées de l’Hexagone (17 millions d’habitants), les communes des 4 DOM historiques (2 millions d’habitants) font face à ce jour à un déficit cumulé de 400 millions d’euros, qui se traduit par des délais de paiement démesurés, la ruine de leur capacité d’intervention auprès des populations et des investissements en berne. Elles ont en effet perdu leurs dernières marges de manœuvre, la baisse des dotations intervenant dans un contexte d’essoufflement de l’Octroi de mer depuis la crise de 2009.

* Après les révoltes sociales en 2017 et 2018, l’Etat a enfin apporté certaines réponses au défaut de financement des collectivités guyanaises et mahoraises, tant sur le plan du fonctionnement que sur celui de l’investissement (plans d’urgence de plus d’un milliard d’euros sur 10 ans prélevés en grande partie sur le budget de l’outremer qui évolue à moyens constants). Mais leurs finances demeurent fragiles en raison notamment d’une pression migratoire exceptionnelle, non comptabilisée par l’INSEE pour le calcul de la DGF.

* En revanche, considérées comme « riches » parmi les pauvres, les communes antillaises subissant un effondrement de leurs ressources (accentué par un effondrement démographique lié lui-même à la crise des finances locales, voir infra) se retrouvent dans une impasse budgétaire totale ; elles ont été de surcroît, globalement, quasiment exclues du rattrapage de la péréquation nationale réalisé à partir de 2020, soit 55 millions d’euros ciblés sur les DOM les plus pauvres.

* Les communes réunionnaises se trouvent dans une situation financière fragile : le profil démographique de la Réunion tend vers celui des Antilles. 9 villes réunionnaises se trouvent dans le top 20 des plus pauvres de France.

Le désengagement budgétaire de l’Etat dans les DOM conduit au chaos

Malgré que les DOM soient confrontés à des défis majeurs en matière de rattrapage et qu’ils subissent des contraintes structurelles liées à l’éloignement et l’isolement, l’Etat poursuit depuis une quinzaine d’années, contre vents et marées, son désengagement budgétaire opéré, d’une part, par des transferts de compétences aux collectivités sans compensation intégrale et, d’autre part, par une réduction des dotations qui leur sont versées.

Ceci conduit à un essoufflement de l’économie (davantage tributaire de la dépense publique) et à un appauvrissement des DOM qui mènent au chaos social.
D’où la crise de 2009 dans les 4 DOM historiques, déclenchée par la pression fiscale supportée par les populations pour compenser le désengagement budgétaire de l’Etat. Mais, pour résoudre cette crise, l’Etat n’a pas soutenu les collectivités, au contraire, ces dernières ont été invitées à réduire l’étau fiscal autour des populations, par exemple par la baisse de l’Octroi de mer aux Antilles. D’où l’aggravation considérable des difficultés de ces territoires après la crise de 2009.

Après les révoltes sociales de 2017 et 2018, des premières réponses financières ont enfin été apportées aux collectivités locales de Guyane et étendues à Mayotte. Mais des réponses structurelles s’imposent pour tous les DOM afin de moderniser leurs ressources pour faire face aux besoins de leurs territoires.

Pour mémoire, après les révoltes urbaines de 2005, l’Etat était aussitôt intervenu pour augmenter considérablement les ressources des communes banlieues en ciblant davantage les dotations de la péréquation nationale sur les territoires défavorisés…de l’Hexagone. (Il a fallu attendre… 2020, pour qu’une réforme, encore insuffisante, de la péréquation nationale voie le jour à l’intention des DOM). Par ailleurs, la ville de Marseille vient de bénéficier de 1.5 milliards d’euros d’aides de l’Etat pour des investissements et les associations. Car face à l’urgence, l’Etat a, selon le Président de la République, la responsabilité d’intervenir pour soutenir les populations, indépendamment de la qualité de la gestion locale.

Enfin, pour rappel, après la révolte des Gilets Jaunes, en 2018, l’Etat a renoncé à 14 milliards d’euros de recettes issues de la taxe Carbonne afin de préserver le pouvoir d’achat des ménages et…la paix sociale.

Mais s’agissant des DOM, et en particulier des Antilles, transformées en poudrière sociale, l’Etat demande aux communes de retrouver les marges de manœuvre perdues par la baisse des dotations par une gestion plus rigoureuse de leurs charges de personnel qui seraient la cause de leurs difficultés

Quoi qu’il en soit, les charges de personnel des communes ultramarines, en dehors de la prime de vie chère, sont égales à celles de l’Hexagone (cf. Rapport Cazeneuve/Patient). Par ailleurs, malgré la prime de vie chère, les dépenses de personnel des DOM sont égales à celles des communes défavorisées de l’Ile de France.

Aussi, contrairement aux idées reçues, les charges de personnel des communes ultramarines ne peuvent représenter un levier pour retrouver des marges de manœuvre financières (perdues par des politiques publiques inéquitables) et répondre aux enjeux de leurs territoires : cohésion sociale, développement économique, aménagements urbains…

Des mesures de sauvegarde incontournables

Face au désengagement budgétaire de l’Etat, les communes défavorisées de l’Hexagone sont prises en considération en amont des réformes par les institutions de l’Etat. Et ceci afin d’éviter de faire supporter aux populations les plus vulnérables une panoplie de mesures d’austérité : hausse des impôts, baisse des subventions aux associations, fermeture d’écoles, absence de recrutements… Toutes choses qui dans les DOM, en particulier aux Antilles, ne peuvent qu’accentuer l’exode de la Jeunesse et préparer de nouveaux cycles de révoltes sociales.

Les propositions de l’ACCD’OM aux candidats à l’élection présidentielle relèvent par conséquent d’un principe de cohérence dans l’action publique et de cohésion des territoires, outremer compris.

Il ne s’agit pas de dépenses additionnelles pour l’Etat, mais pour l’essentiel d’un redéploiement de crédits dont sont arbitrairement ou injustement privés les DOM.

Les mesures phares sont les suivantes :

Restituer aux DOM les dotations de péréquation qui leur reviennent. (+ 200 millions par an en 2020) et qui se retrouvent sur les budgets des communes de l’Hexagone.

Restituer aux DOM les 169 millions d’euros que l’Etat prélève chaque année sur le budget des collectivités locales (région, département, communes) à travers la baisse de leurs dotations, et ceci afin de permettre aux Dom de poursuivre leur rattrapage.

Ne plus faire aux DOM contribuer au redressement des finances publiques, car des efforts disproportionnés ne peuvent que générer le chaos social.

Contrairement aux idées reçues, il n’y a pas une pénurie de ressources empêchant l’Etat d’intervenir dans les DOM : l’Etat a prélevé plus d’un milliard d’euros sur le budget des collectivités DOM depuis 2014 pour réduire son déficit qu’il ne cesse de creuser, par exemple 50 milliards d’euros pour la compétitivité des entreprises ou 26 milliards pour la suppression de la taxe d’habitation.

Par ailleurs, des mesures devront aussi viser plus directement le pouvoir d’achat des ménages (mis à mal par la pression fiscale résultant de transferts de compétences de l’Etat) tout en ménageant les marges de manœuvre des communes. Aussi un abattement obligatoire de la taxe foncière compensé par l’Etat (déjà opérant pour Mayotte) semble incontournable dans un contexte de refonte de la fiscalité locale. En effet, la mission Richard/Bur appelait à une solidarité nationale renforcée à l’égard des territoires les plus fragiles, dont les DOM en priorité, à l’occasion de cette réforme.

Au final, la modernisation des ressources des communes des DOM se soldera par un fort retour sur investissement pour les territoires (relance économique, maintien des populations…), mais aussi pour l’Etat qui bénéficiera, par les impôts et taxes, d’une reprise de l’économie ultramarine tout en assumant à sa juste mesure ses responsabilités en matière de cohésion des territoires.

L’enjeu de cohésion nationale concerne tant les DOM que les COM

S’agissant des COM, épargnées par le séisme budgétaire que représente la baisse des dotations, elles doivent continuer d’être exemptées de contribution au redressement des finances publiques. Par ailleurs, elles appellent des prises en considération particulières, tant pour ce qui concerne la continuité territoriale que pour l’accompagnement par l’Etat des politiques publiques élaborées par les autorités locales (au plan économique, de la solidarité…) dans une période marquée d’incertitudes dans le domaine du tourisme. La Polynésie a ainsi élaboré un vaste projet pour renforcer sa sécurité alimentaire, suite à la pandémie de COVID 19, mais l’Etat doit aussi jouer son rôle d’accompagnement.

Maurice Gironcel
Président de l’ACCD’OM

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