États généraux : débat à la Région

Anticiper constamment pour créer les conditions du développement durable

27 août 2009, par Manuel Marchal

Quel est notre projet pour les 20-25 ans à venir ? À cette question, les deux assemblées apportent une contribution, c’est le document qui sera adressé au gouvernement avec les propositions des groupes politiques et, à la Région, la retranscription des débats.

En conclusion du débat d’hier à la Région, le président de la collectivité a situé le contexte dans lequel ont lieu les propositions du Conseil général et de la Région.
Sur le plan international, la crise mondiale est bien là, et à ce jour, personne ne peut dire jusqu’à quand elle durera. À La Réunion, c’est aussi la crise, notamment dans le BTP. Les entreprises ferment par dizaines, le poids social de la crise est tous les jours plus lourd.
Une autre illustration de la crise est la chute vertigineuse des recettes d’octroi de mer. Comment vont faire les communes pour boucler leur budget dans ces conditions ?
Cette crise arrive au moment où La Réunion est confrontée au manque d’emploi et de logement, et à la pauvreté. 52% des Réunionnais vivent sous le seuil de pauvreté. Ce sont eux qui vont supporter le poids le plus important de la crise, rappelle Paul Vergès.

Aggravation de la situation

Ce contexte d’aggravation explique pourquoi il est nécessaire de fixer des préalables à la réalisation d’un projet de développement durable.
C’est notamment le respect par l’État de la compensation à l’euro près liée au transfert de nouvelles compétences depuis 2003 (RMI, APA, TOS pour le Conseil général par exemple, ou route nationale et TOS notamment pour la Région).
C’est également la création rapide de milliers d’emplois par l’accélération des projets lancés par les collectivités. Au niveau régional, c’est la construction du tram-train, de la nouvelle route du littoral notamment. Mais puisque la crise concerne toute la République, le gouvernement a décidé de lancer un plan de relance et un emprunt national. Quelle sera la part des chantiers réunionnais dans le plan de relance, interroge Paul Vergès.
En résumé, l’essentiel est de maintenir la cohésion de la société, car comment parler de développement durable dans un pays où 52% de la population vit sous le seuil de pauvreté, souligne le président de la Région.
Les grands chantiers et les deux services d’intérêt public dans l’environnement et l’aide à la personne (voir encadré) sont un moyen de faire baisser le chômage en attendant que les orientations stratégiques produisent leurs effets.

La question de la surrémunération

À cela s’ajoute les conséquences de décisions prises par le gouvernement voici des décennies, et soutenue depuis par tous ceux qui se sont succédé. En créant la surrémunération dans la fonction publique, le gouvernement a donné à la catégorie qui en bénéficie le poids social et financier le plus important dans la société réunionnaise. Cette situation est aussi à l’origine de conflit et frustration dans le privé, car puisque l’État reconnaît que la vie est chère, des travailleurs d’autres administrations ou du privé demandent aussi une surrémunération. Quant aux autres revenus fixés par l’État —SMIC, RMI…— ils ne sont pas indexés.
Or, la surrémunération est au cœur du rapport d’une mission sénatoriale qui vient de parcourir les DOM. Le rapport a été adopté à l’unanimité par la Commission des finances du Sénat. « Le signal est donné », constate Paul Vergès. La priorité est aujourd’hui de dire à l’État qu’il ne faut pas remettre en cause la situation de ceux qui sont déjà fonctionnaire. Pour l’avenir, Paul Vergès rappelle la nécessité de la concertation en se basant sur la réalité de la situation. C’est la négociation avec les syndicats. C’est déterminer précisément l’écart entre le coût de la vie à La Réunion et en France. C’est intégrer l’évolution des minima sociaux dans la réflexion, et c’est aussi ne pas diluer la surrémunération dans le budget de la République, mais veiller à ce que ces fonds continuent à faire partie de l’économie réunionnaise.

Manuel Marchal


Des milliers d’emplois rapidement dans l’environnement et l’aide à la personne

500.000 tonnes de déchets sont transportées chaque année sur les routes pour être enfouies. Et le coût de l’enfouissement d’une tonne de déchet est trois fois supérieur au prix payé par l’usinier pour acheter au planteur une tonne de cannes. Outre la consommation d’énergie engendrée par ce système, c’est bientôt l’impasse avec la saturation prochaine des centres d’enfouissement. Tout cela a lieu dans un pays durement toucher par le manque d’emploi.
C’est le moment d’inventer un autre système de traitement des déchets qui peut créer de nombreux emplois. Et c’est possible, puisque des expertises démontrent qu’une grande partie des déchets sont d’origine ménagère, ils peuvent être traités sur place, avec par exemple la création de compost.
La création d’un tel service d’intérêt public permettra une économie sur les coûts de transport, et la création d’emplois de proximité.
L’autre service d’intérêt public est celui de l’aide à la personne. La population vieillit, mais nos aînés sont souvent seuls dans un appartement. Ils ont besoin de services, et beaucoup de jeunes manquent de travail. La création de ce nouveau service permettrait de lutter contre la pénurie d’emploi, tout en offrant la possibilité à la population de vivre mieux, quel que soit son âge.


Quel contexte international en 2025 ?

D’ici 2025, un fait majeur et inévitable sera l’augmentation de la population à La Réunion et dans sa région. Cela met au premier plan la question de l’autosuffisance alimentaire. Paul Vergès signale que Maurice négocie avec le Mozambique pour louer 15.000 hectares de terres cultivables afin d’y planter des cultures vivrières destinées à l’alimentation des Mauriciens.
C’est aussi la question de la gestion partagée des ressources maritimes qui est posée. Paul Vergès propose que les Réunionnais puissent participer à des sociétés mixtes placées sous la direction de nos voisins, et que ces sociétés puissent exploiter les richesses de nos Zones économiques exclusives. D’ailleurs, une demande formulée lors des États généraux n’est-elle pas celle d’autoriser La Réunion a avoir des accords de pêche avec ses voisins ?
La signature samedi par nos voisins et l’Europe de l’Accord de partenariat économique intermédiaire montre la vitesse des changements. C’est le début de la marche vers la totale liberté de commerce dans notre région, alors qu’aujourd’hui, les deux tiers des produits importés à La Réunion viennent d’Europe, à 10.000 kilomètres d’ici. Quand tous les droits de douane seront abolis, les producteurs réunionnais pourront être concurrencés par l’Afrique du Sud, première puissance industrielle du continent.
Ce monde de 2025, c’est un changement dans les rapports de forces économiques à l’échelle du monde. L’Inde et la Chine feront partie des trois premières puissances mondiales avec les États-Unis, et ces deux pays sont plus proches de nous que l’Europe. Une étude prospective de l’administration américaine annonce également une forte intensification des échanges dans l’océan Indien, du fait de la présence d’une importante diaspora indienne sur les rives de notre océan.

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