Loi-programme

Anticiper l’impact de la mondialisation ultra-libérale sur La Réunion

19 septembre 2007, par Manuel Marchal

Quelle sera l’évolution de la situation de l’économie de La Réunion pendant l’application de la loi-programme ? L’exemple de la filière canne-sucre est révélateur. Au cours des 10 prochaines années, les règles de ce marché pourront avoir totalement changé. Ce qui veut dire que des mesures pensées aujourd’hui dans un contexte donné pourraient s’appliquer à une situation totalement différente. C’est une spécificité réunionnaise qui doit être prise en compte.

Des importations de sucre sans quota et sans droit de douane : dans moins de 2 ans, l’initiative "Tout sauf les armes" verra la fin de la période de transition de son application. Autrement dit, à partir de juillet 2009, le sucre produit dans 40 pays pourra entrer sur le marché européen sans contrôle. Parmi ces pays, plusieurs États voisins : Madagascar, la Tanzanie, le Mozambique. Ce sont autant de pays capables de mettre en place en quelques années une filière canne-sucre performante (voir encadré).
L’ouverture du marché européen du sucre connaîtra encore un nouvel élargissement. Dans le cadre des négociations des Accords de Partenariat Économique (APE) avec les 73 pays d’Afrique, du Pacifique et des Caraïbes (ACP), l’Union Européenne a mis sur la table l’accès illimité de son marché aux produits fabriqués dans les ACP dès le 1er janvier prochain. Pour le sucre, une période transitoire pourrait se prolonger jusqu’en 2015.

L’ouverture du marché se prépare

C’est dire tout l’enjeu que vont représenter les discussions des prochaines règles du marché sucrier européen (OCM-Sucre) qui entreront en vigueur dans 6 ans. Et c’est en fonction du résultat de ces négociations que sera alors fixé le prix de la canne.
L’OCM actuel entraîne une diminution progressive du prix du sucre acheté par l’Union Européenne auprès des producteurs. La presse mauricienne rappelle que cette baisse cumulée par rapport à l’ancien prix atteindra 36% en 2009, au moment où le sucre fabriqué dans les PMA pourra entrer sans quota, ni droit de douane dans le marché européen.
Dans les PMA, cette nouvelle donne est anticipée. Ainsi, la Tanzanie vise une production de 550.000 tonnes de sucre dans 3 ans. En 1995, sa production était de 100.000 tonnes. En 2005, elle atteignait 260.000 tonnes. Cette augmentation lui permettra de couvrir sa consommation (380.000 tonnes en 2005) et d’exporter chaque année une plus grande quantité de sucre au fur et à mesure des progrès de ses planteurs et de ses usines.

Une incertitude à prendre en compte

Toutes ces données soulignent l’ampleur du défi pour sauver la filière à La Réunion. Autant dire que si la spécificité de notre île n’est pas reconnue dans ces différents accords, c’est un bouleversement qui s’annonce. Et il ne reste que 6 ans.
C’est dans ce cadre que va être mise en œuvre la prochaine loi-programme. Elle comportera des mesures dont la portée est de 10 ans. Mais qui peut aujourd’hui prédire la situation économique de l’île dans 10 ans, lorsque seront appliqués les accords qui règleront les conditions de l’intégration de La Réunion dans la mondialisation des échanges ? L’exemple des incertitudes pesant sur la filière canne-sucre est sur ce point révélateur.
Cela souligne deux choses.
Tout d’abord, la reconnaissance de la vulnérabilité de l’économie réunionnaise dans le cadre de la mondialisation ultra-libérale. Ensuite, l’importance de prendre en compte tous ces aspects spécifiquement réunionnais dans l’élaboration de leviers législatifs capables de valoriser nos atouts pour résoudre nos problèmes.

Manuel Marchal


Accords de partenariat économique : proposition de l’Union Européenne

Sucre : plus de quotas, ni droits de douane pour 73 pays en 2015

Un communiqué paru sous le titre "L’UE offre aux régions de l’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique un accès illimité à son marché dans les négociations APE" résume la proposition faite le 4 avril dernier par l’Union Européenne.

« L’UE a proposé d’éliminer toutes les limitations tarifaires et de contingent restant pour l’accès au marché de l’UE pour toutes les régions de l’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique dans le cadre des négociations des Accords de Partenariat Economique. L’offre s’étend à tous les produits, y compris les produits agricoles tels que le bœuf, les produits laitiers, les céréales et tous les fruits et légumes. Elle entrera en vigueur immédiatement après la signature d’un accord - avec une phase transitoire pour le riz et le sucre. Seule l’Afrique du Sud fera exception et continuera à payer des droits de douane pour un certain nombre de produits globalement concurrentiels.

Cette offre consiste à :

- Éliminer tous les droits et contingents d’importation pour tous les pays ACP.

- Accorder à tous les pays de l’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique le même accès illimité au marché de l’UE dont les Pays les Moins Avancés profitent déjà dans le cadre du régime "Tout sauf les Armes" de l’UE. Ceci signifie que tous les pays ACP auront les mêmes conditions d’accès au marché, ce qui encouragera les ACP voisins à collaborer et à construire des marchés et des filières d’approvisionnement régionaux, répondant ainsi aux inquiétudes des exportateurs agricoles dans des pays comme le Kenya ou le Ghana.

- Cette offre n’est pas liée à la condition d’une ouverture équivalente de la part des pays ACP. Les APE ne sont pas des accords commerciaux de libre échange au sens habituel. La flexibilité selon les règles de l’OMC impose que les pays ACP devront offrir l’accès à leur marché, mais ceci s’étalera sur une période transitoire de nombreuses années. Les pays ACP garderont également le droit de protéger des produits sensibles pour lesquels les producteurs locaux pourraient être menacés par une élimination des droits de douane.

- Cette offre s’appliquera totalement dès le premier jour - prévu pour être le 1er janvier 2008 - à l’exception d’une période transitoire pour le riz et le sucre. Les périodes transitoires pour le riz et le sucre garantiront la compatibilité avec les réformes du marché de l’UE et assureront la stabilité afin de protéger les intérêts des producteurs qui approvisionnent ces marchés, tant ceux de l’UE que ceux des pays ACP.
(...)

Le sucre

Le besoin d’une période transitoire pour l’accès sans droits, ni contingents des exportations de sucre en provenance des pays ACP résulte de la nécessité de protéger l’équilibre du marché de l’UE pendant la mise en œuvre des réformes internes, ce qui est dans l’intérêt tant des producteurs de l’UE que des exportateurs ACP. À partir de 2015, le sucre ACP sera libre de droits et de contingents, et il y aura un ajustement de la clause de sauvegarde standard des APE pour prendre en compte la sensibilité du sucre ».


Plus de 175.000 tonnes de sucre exportées par le Mozambique

« La production annuelle de sucre du Mozambique devrait atteindre 500.000 tonnes d’ici 2012, a déclaré un responsable industriel mardi.
Le Mozambique, quatrième producteur africain de canne à sucre, a exporté pour la première fois depuis 33 ans une quantité record de 175.837 tonnes de sucre pour un montant global de 67,3 millions de dollars, soit 78,5% de croissance par rapport aux exportations de l’année précédente.
Le président de l’Association mozambicaine de producteurs de sucre (APAM), Tony Currie, a déclaré mardi dans une interview à APA, que l’industrie du sucre était en train de subir une mutation active avec l’aide de partenaires étrangers. Cela a poussé l’APAM à envisager une production sucrière de 500.000 tonnes dans six ans, a-t-il dit.
Le Mozambique était l’un des pays les moins avancés à pouvoir bénéficier de facilités d’exportation de son sucre vers l’Union européenne, dans le cadre de l’initiative « Tout sauf les armes » (TSA), pour la campagne 2004/2005.
Pendant cette année, le Mozambique a exporté quelque 9.700 tonnes de sucre brut vers l’UE, toujours dans le cadre de l’initiative TSA et s’apprête à en exporter 7.700 tonnes pour la campagne 2006-2007. (...)
Les chiffres du CEPAGRI montrent qu’en 2006, le pays a produit un peu plus de deux millions de tonnes de canne à sucre qui ont servi à la production de 242.525 tonnes de sucre et 69.128 tonnes de mélasse. »
(Source : APA)


Prix du sucre : baisse de 36% en quelques années

Dans son édition du 4 septembre dernier, notre confrère "l’Express" s’inquiète de la baisse du prix du sucre sur le marché européen.

« (...) En juillet 2006, le prix du sucre acheté par les pays de l’Union Européenne (UE) a baissé, pour la première fois, de 5% dans le cadre du nouveau régime sucre de l’UE. Pour 2007, c’est le même prix qu’en 2006 qui est appliqué, soit 496 euros par tonne. Mais à partir d’octobre 2008, la baisse sera de 17% cumulée. Le prix passera alors à 448 euros.
A partir d’octobre 2009, cette baisse sera de 36% cumulée également. Le prix sera de 335 euros. Et avec la proposition faite par l’UE aux pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) en avril dernier concernant l’élimination de tous les tarifs et des quotas pour l’accès au marché de l’UE, le prix du sucre pourrait baisser davantage en 2009 (...) ».

LODEOM - Loi d’orientation pour le développement de l’Outre-mer

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