Les enjeux réunionnais des élections européennes — 5 —

APE : quel avenir pour les productions locales ?

16 mai 2009, par Risham Badroudine

Nous avons analysé dans nos éditions précédentes trois enjeux majeurs des élections européennes : l’Octroi de mer, la menace sur la filière canne à La Réunion et la baisse des fonds structurels. Les Accords de Partenariats Économiques (APE) constituent le 4ème enjeu. Avec les APE, les produits des pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique) pourront entrer à La Réunion sans droit de douane et entreront en concurrence directe avec les produits réunionnais. D’où la nécessité d’un Traitement différencié des RUP (Région Ultrapériphérique) dans le cadre de la politique de l’Union Européenne. Tout en résistant, pour nous protéger, le plus longtemps possible des conséquences néfastes de la mondialisation ultra-libérale, il faut anticiper en définissant un projet régional de co-développement où aucun pays ne sera perdant.

Le 12 décembre 1994, réunis en Congrès à Versailles, les parlementaires français ratifient l’accord conduisant à la réalisation d’un marché unique mondial.
Dès ce jour, la France est entrée dans une ère où l’économie nationale doit se conformer au droit commun mondial. Dès lors, tous les traités bilatéraux et multi-latéraux existant et à venir devront s’adapter au nouveau cadre. Dans ce contexte, l’Europe propose à ses partenaires ACP (Afrique, Caraïbes et Pacifique) de remplacer les Accords de Cotonou par des Accords de Partenariats Economiques régionaux. Le but est de réaliser des zones de libre-échange entre l’Union Européenne et un bloc régional ACP, en préambule à l’intégration brutale au marché unique mondial.
A partir de ce moment, les produits des pays ACP pourront entrer à La Réunion sans droit de douane et entreront en concurrence directe avec les produits réunionnais. Rappelons que les pays ACP ont des coûts de production nettement inférieurs à celui de La Réunion. Ce qui va mettre en difficulté bon nombre d’entreprises et de producteurs réunionnais.
Aujourd’hui, la réalisation d’un marché unique mondial engendre inévitablement une nouvelle division du travail à l’échelle planétaire dont la durée de stabilisation se compte en unité de siècles.

Taux de chômage le plus élevé à La Réunion

A cet effet, rappelons qu’actuellement, notre économie traverse une grave crise. Les dépôts de bilan ont progressé de 56% depuis le début de l’année. La fermeture des entreprises entraîne inévitablement une progression du chômage à La Réunion. La barre des 112.000 demandeurs d’emploi est aujourd’hui atteinte. La Réunion a le taux de chômage le plus élevé des 268 régions de l’Union Européenne (voir graphique). La population vivant en dessous du seuil de la pauvreté est de 52% sur notre île. Rappelons aussi la fragilité du tissu économique réunionnais composé pour plus des 2/3 d’établissements unipersonnels. Les APE risquent d’aggraver cette situation déjà très fragile.
D’où la nécessité d’un Traitement différencié des RUP dans le cadre de la politique de l’Union Européenne, c’est-à-dire faire admettre à l’Europe que nos îles sont intégrées à l’Union Européenne, mais ne peuvent pas être considérées comme n’importe quelle région européenne. C’est le concept de l’« ultrapériphéricité ». L’autre bataille est celle qui consiste à faire reconnaître que si La Réunion est la RUP la plus éloignée, elle est aussi la région de l’Union Européenne la plus proche des pays ACP.

Jeter les bases d’un co-développement dans la région des Mascareignes

Tout en résistant, pour nous protéger, le plus longtemps possible des conséquences néfastes de la mondialisation ultra-libérale, il faut anticiper en définissant un projet régional de co-développement où aucun pays ne sera perdant. Avec l’aide de l’Europe, l’espace COI (Commission de l’Océan Indien) est un échelon géopolitique d’intérêt expérimental.

Ce grand chantier appelle à la responsabilité de chacun d’entre nous. Le but est de permettre un développement des appareils de production, des infrastructures, des moyens de communication... L’Europe n’est pas la seule à être présente dans les pays de la zone. La Chine, l’Inde et l’Afrique du Sud sont des partenaires commerciaux de premier plan. Il est essentiel de mettre en place un programme de co-développement entre les pays de la COI si l’on ne veut pas rester isolé dans un environnement ACP.

Risham Badroudine


À lire dans nos éditions précédentes

"Témoignages" du 12 mai : "Les enjeux réunionnais des élections européennes".
"Témoignages" du 13 mai : les menaces sur l’octroi de mer.
"Témoignages" du 14 mai : quel avenir pour des milliers de planteurs.
"Témoignages" du 15 mai : que deviendront les fonds structurels ?

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