Tribune libre

Argent et patrie

11 mai 2007

Comme c’est souvent le cas, c’est Henri Emmanuelli qui a trouvé la formule la plus juste concernant les vacances de Nicolas Sarkozy, invité par un milliardaire français : « Les Français ont confié le pouvoir politique au pouvoir de l’argent ». Ce n’est sans doute pas nouveau, mais c’est la première fois qu’une telle collusion se déploie ainsi au grand jour. Le nouveau Président ne s’en cache pas et affiche sa proximité sinon son amitié avec les plus grands patrons et les plus grandes fortunes de France. Parmi ceux-ci, les propriétaires des principaux médias, dont TF1. Et ils le lui rendent bien : depuis 5 ans au moins, ils nous ont vendu Nicolas Sarkozy et ses idées, qui nous ont imprégnés, souvent malgré nous. N’est-ce pas un responsable de TF1 qui définissait son rôle comme devant libérer des parts de cerveaux afin de faire de la place aux produits vantés par la publicité ? Quelle réussite ! L’électorat français n’a jamais été autant déporté vers la droite. Avec la complicité des médias, le pouvoir, dont M. Sarkozy est un des premiers responsables, n’a pas réussi à changer les choses, mais ce sont nos yeux qu’il est parvenu à changer !
Son programme économique et fiscal montre que M. Sarkozy sait renvoyer l’ascenseur : les pouvoirs accrus des détenteurs du capital dans l’entreprise au détriment des droits des travailleurs, la diminution des impôts sur le revenu au bénéfice des plus aisés et l’aggravation des impôts indirects au détriment du plus grand nombre, le bouclier fiscal pour les plus riches... "Dis-moi qui tu fréquentes, je te dirai qui tu es..." Et, on peut ajouter, quelle sera ta politique !
Et l’on entend des émigrés de luxe, qui ont fui la France pour échapper à leur devoir de solidarité par l’impôt, annoncer leur retour, parce qu’ils vont, avec Nicolas Sarkozy, bénéficier d’une fiscalité plus favorable. Ce n’est plus la droite décomplexée, c’est la droite cynique !
Et dire qu’on nous a serinés, au cours de la campagne électorale, de la Nation, de la Patrie, de la France, de la République, avec sans doute autant de sincérité que lorsqu’on invoquait Jaurès ou Blum !
Le devoir des progressistes est clair : être vigilants et résister.
Au fait, Bolloré, l’hôte de Nicolas Sarkozy, n’est-ce pas le groupe qui, en 1994, s’apprêtait à développer le port franc de Maurice au détriment de celui de La Réunion ? A l’époque, le maire du Port avait parlé de « coup de poignard », le Conseil général avait demandé dans une motion « aux Réunionnais de se mobiliser pour défendre les intérêts vitaux de leur île et au Groupe Bolloré de surseoir à toute décision (...) », la Région, présidée par Mme Sudre, avait demandé au Groupe des « explications ». Ce dernier avait affirmé « qu’il avait répondu, par voie d’appel d’offres, au vœu des Mauriciens de faire de Port-Louis un port attrayant dans la zone ». Finalement, le Groupe Bolloré s’est désisté, mais le port franc mauricien a été réalisé par d’autres investisseurs, notamment français.
Tout cela pour dire qu’à l’heure de la mondialisation, face au capitalisme apatride, seul l’Etat peut défendre les intérêts nationaux comme le font aussi bien les Etats-Unis que le Japon, OMC (Organisation Mondiale du Commerce) ou pas. En France où, pour reprendre la formule d’Henri Emmanuelli, « les Français ont confié le pouvoir politique au pouvoir de l’argent », trouvera-t-on, au sommet de l’Etat, cette volonté ?

Wilfrid Bertile


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