Les violences urbaines sont une illustration d’une crise générale causée par un système néo-colonial à bout de souffle
Le développement de La Réunion seul remède à toutes les violences subies par les Réunionnais
4 avril, par
Lutter contre les violences urbaines passe par la remise en cause du système qui a créé les conditions favorables à l’importation de ce phénomène à La Réunion. Ces violences sont l’illustration de la crise générale causée par un système néo-colonial à bout de souffle qui empêche le développement de La Réunion. Face au risque d’une paix sociale menacée, l’État et les élus se mobilisent. Cette démarche évoluera-t-elle vers un front commun contre les causes de toutes les violences pas seulement « urbaines » à La Réunion telles que le chômage, la pauvreté, le mal-logement ? Pour le PCR, l’élaboration et l’application d’un plan de développement en partenariat avec Paris et l’Europe pourront redresser la situation et faire baisser les tensions dans la société réunionnaise. Cette idée progresse.
Dans la nuit du 23 au 24 mars, une quarantaine de voitures avaient été dégradées dans le quartier de Bras-Fusil à Saint-Benoît. Le maire de la ville demanda alors au président de l’Association des maires d’organiser une réunion au sujet du problème de la montée apparente de faits de violence perpétrés par des jeunes en bandes organisées. Ce phénomène a également pour conséquence l’intensification du racisme dont sont victimes les personnes originaires d’autres pays de notre région. Une ex-groupie de Michel Debré avait même osé dire à un journal parisien qu’une violence endémique à Mayotte était importée à La Réunion !
Une partie des maires se sont rencontrés le 27 mars à Saint-Benoît pour parler d’une voix commune à l’État afin de demander plus de moyens contre la délinquance. Ils ont convenu d’une rencontre avec le préfet, elle a eu lieu hier à la préfecture.
Il a été question de la répression. Paris a en effet décidé d’importer à La Réunion des opérations médiatiques conçues pour l’opinion publique française et intitulées « Place nette » : tout un quartier est bouclé et les policiers montrent leur présence par des contrôles d’identité et des fouilles de sac.
La prévention était à l’ordre du jour. La création d’un Conseil départemental de la prévention de la délinquance a été annoncée par le président du Département.
Les élus ont également demandé plus de moyens à l’État. Le préfet leur a répondu que la priorité est de mieux coordonner les moyens actuels plutôt que de les augmenter.
La cause : un système néo-colonial à bout de souffle
Ces derniers jours, « Témoignages » a publié plusieurs textes dans lesquels sont avancées des explications à la hausse des violences à La Réunion.
Le 28 mars, le sociologue Arnold Jaccoult avait avancé 10 facteurs explicatifs aux violences urbaines :
« 1 • Un désœuvrement permanent, aucune activité productrice, et chez les plus jeunes, une fréquente descolarisation précoce et une absence systématique de formation.
2 • Une existence entièrement arythmique et décalée (horaires, vie nocturne, veille et sommeil, inactivité quotidienne, consommation de stups, relations de distance à l’égard des lieux normaux où s’inscrit la vie sociale : école, sports, loisirs, culture, clubs, etc.).
3 • Aucune référence à la loi ou simplement à une loi, en dehors de celle de la rue, imposée par la brutalité verbale ou physique, la plupart du temps dans des bandes dont les rivalités sanglantes sont devenues une menace générale croissante.
4 • Des intérêts personnels à distance absolue et hostile à l’égard du fonctionnement des institutions collectives,
5 • La privation dès l’enfance de tout modèle d’identification autre que ceux que leur fournit la sous-culture fragmentaire des réseaux sociaux.
6 • Le renforcement de la désaffiliation sociale, par l’impunité réelle de la multiplication répétée des actes d’incivilité et de délinquance.
7 • Une famille subsistant par le biais, sans aucune contrepartie, de revenus de transferts gérés sous contrôle social et caractérisant une précarité matérielle, déterminant principal de son statut social.
8 • En outre, une famille fatalement submergée par une impuissance éducative fondamentale.
9 • Un entassement social menant à une hypervisibilité réciproque, sans possibilité d’évitement du regard de l’autre. De plus dans des groupements d’habitations sociales où aucun responsable n’est jamais présent.
10 • Le sentiment total de son inutilité personnelle et d’un abandon qui confine à l’exclusion…
La plupart du temps, l’affaire est donc globale, à la fois familiale — éducative — sociale — économique — juridique — culturelle — psychologique et de l’ordre de l’habitat »
.
A l’occasion d’un hommage à Maryse Condé, « Témoignages » avait publié des extraits du discours qu’elle tint lorsqu’elle reçut en 2018 le Prix Nobel « alternatif » de Littérature :
« En raison du pacte colonial axé sur le commerce de monopole vers la métropole, il y a peu de travail en Guadeloupe. Le taux de chômage y est élevé. Les jeunes doivent quitter l’île, principalement pour la France (même si on trouve des Guadeloupéens dans le monde entier). En raison du manque criant d’opportunités pour ceux qui restent, certains sont réduits au trafic de drogue, au vol, et seule la violence en Guadeloupe fait la une dans la presse française. »
A la Guadeloupe, c’est le même système néo-colonial qu’à La Réunion. Il s’agit de transformer des transferts publics en profits rapatriés en Europe, et de maintenir la paix sociale pour que ce système puisse continuer. Cette politique a entraîné la quasi-liquidation de l’industrie productive à La Réunion, et la prise de contrôle de l’économie par des sociétés extérieures. Elle est à l’origine du chômage de masse qui touche notre pays depuis 50 ans. Elle est incompatible avec le développement du pays visant le plein emploi.
Plan de développement et conférence territoriale
Ceci rappelle que la lutte contre les violences urbaines ne peut être efficace qu’à l’intérieur d’un plan global destinés à régler les problèmes du pays. Il s’agit donc de dépasser un système néo-colonial à bout de souffle, principale cause de ce phénomène illustrant une crise générale. Mais ce n’était pas apparemment à l’ordre du jour de la réunion d’hier.
Souhaitons que cette démarche de concertation évolue vers un front commun contre les causes de toutes les violences pas seulement « urbaines » à La Réunion telles que le chômage, la pauvreté, le mal-logement entre autres. Pour le PCR, l’élaboration et l’application d’un plan de développement en partenariat avec Paris et l’Europe pourra redresser la situation et faire baisser les tensions dans la société réunionnaise. Une conférence territoriale de l’action publique élargie regroupant les représentants des syndicats, des partis politiques, des associations, des élus et de l’État peut être le lieu d’élaboration de ce projet. Cette idée progresse.
M.M.