Vœux du président de la République à l’Outre-mer

Aucune réponse concrète à ceux qui souffrent

10 janvier 2011, par Manuel Marchal

Hier soir, le président de la République a adressé ses vœux à l’Outre-mer. Durant une heure, cette intervention a nécessité des moyens considérables. Pour évaluer la pertinence du discours du président de la République, il est important de se mettre à la place des personnes concernées par la crise. Concrètement, rien n’a été annoncé pour répondre à l’urgence sociale vécue par la population. La seule mesure concrète de ces vœux 2011, c’est l’accroissement du pouvoir des préfets qui pourront se substituer aux élus. C’est le retour des gouverneurs.

Hier après 20 heures à La Réunion, le président de la République s’est exprimé depuis Petit-Bourg en Guadeloupe pour présenter ses vœux à l’Outre-mer.
À plusieurs reprises dans son discours, le chef de l’État a repris les idées défendues depuis un demi-siècle par les progressistes des Outre-mers. L’unité de la République sans l’uniformité, la reconnaissance et la valorisation de l’identité, le développement d’institutions dérogeant au droit commun qui n’est pas une remise en cause du lien avec la France.
La facilité avec laquelle tout ceci a été dit contraste avec la répression qu’ont subie durant de nombreuses années tous ceux qui luttaient pour ces idées. Au final, il est étonnant que des choses aussi simples aient mis si longtemps pour être reconnues formellement. Mais le discours du président de la République ne donne aucun moyen concret d’appliquer ce qui est reconnu.

Les travailleurs oubliés

Les vœux de Nicolas Sarkozy à l’Outre-mer ont permis à tous ceux qui souffrent de constater une chose : ce gouvernement ne leur fera pas de cadeau. Il n’y a donc aucun espoir que Paris contribue à une amélioration de la situation du pays.

- Le chômage est le problème numéro un : aucune réponse.

- La Réunion à elle seule compte près de 30.000 demandeurs de logement social : aucune réponse.

- 8.000 travailleurs ont été licenciés dans le BTP : aucun chantier à l’horizon.

- les conséquences du gel des dotations aux collectivités sur l’action sociale et les investissement : rien.
Et pour bien montrer le vide sidéral des propositions, le discours d’hier reprend de nombreuses idées formulées lors du Conseil interministériel sur l’Outre-mer voici un an et deux mois.
C’est par exemple le couplet sur la promotion des originaires de l’Outre-mer aux postes d’encadrement de la fonction publique d’État de leur territoire. Lorsque viendra la rentrée, il sera facile de vérifier si "à compétence égale", l’embauche de Réunionnais sera privilégiée.
Le recrutement des commissaires au développement endogène démontre en tout cas le fossé entre les actes et la parole. N’existe-t-il pas en effet dans le secteur privé quelqu’une qui soit capable d’obtenir ce poste ?

Une opération d’autopromotion

En définitive, le discours d’hier était surtout une opération d’autopromotion du chef de l’État. Il a beaucoup parlé à la première personne, cherchant à personnaliser à outrance la fonction présidentielle.
Nicolas Sarkozy s’est félicité du lancement de la TNT et a annoncé l’Année des Outre-mers. À moins de trois mois des élections, au lieu de proposer des réponses concrètes à l’urgence vécue par la population, le gouvernement UMP préfère parler de jeux. Des jeux pour faire diversion et détourner la population de la responsabilité écrasante du gouvernement dans la situatino actuelle.

 M.M. 


Le retour des gouverneurs

Une seule mesure concrète a été annoncée hier par le président de la République : le retour des gouverneurs.
Plus de 25 ans après les lois de décentralisation, le chef de l’État annonce que dans l’Outre-mer, les préfets se substitueront aux collectivités pour régler des problèmes, c’est la reprise en main. Nicolas Sarkozy a cité l’exemple de l’assainissement et des transports. À La Réunion, cela signifie que lorsque Didier Robert décide de supprimer le tram-train et ne met rien en place d’autre, alors c’est le préfet qui prendra des décisions pour régler le problème des transports à La Réunion.
Ceci souligne un manque de confiance de Paris envers les peuples d’Outre-mer. Si les citoyens ont élus des candidats qui sont incapables de travailler au service de la population, alors la question de ces élus sera tranchée par le vote. En quoi l’appel à des fonctionnaires pour régler des questions qui peuvent l’être par le suffrage universel est-il un gage d’objectivité ?
Ce retour aux gouverneurs pose aussi le problème de la défaillance de l’État. Lorsque le pouvoir central doit plus de 300 millions d’euros, en quoi le préfet peut-il régler le problème. Et lorsque l’État refuse d’abonder le fonds pour la continuité territoriale, qui paie la dette ?
Dans des domaines essentiels, l’État est défaillant. Le pouvoir central devrait donc se concentrer à faire bien ce qui est dans son domaine de compétences, et laisser les collectivités gérer ce qui est du ressort des collectivités.
Gageons que la population et ses élus ne se laisseront pas faire par un fonctionnaire de passage, et que tous se dresseront pour dire non au retour des gouverneurs.


L’urgence sociale de La Réunion oubliée

Emploi, illettrisme, énergies renouvelables, logement, budget des collectivités, jeunesse, tous les thèmes concernant les Réunionnais ont été oubliés par le chef de l’état. Ce dernier, à l’occasion des vœux destinés à l’Outremer, n’a mentionné La Réunion qu’à deux reprises : renégociation des accords de Matignon, et le potentiel scientifique de l’île.
Faisant l’éloge de la Guadeloupe, terre d’accueil des vœux de Nicolas Sarkozy, mais également de la Martinique, et de la Guyane, le président a omis de citer les principales problématiques réunionnaises : 110.000 illettrés, 52% de personnes vivant sous le seuil de pauvreté, 28,9% de chômage, dont 55% chez les jeunes, des milliers de demandes de logement social, les menaces sur la filière canne et l’octroi de mer, et les inégalités de la continuité territoriale.


Mayotte : à quand l’égalité ?

« Depuis des années les gouvernements successifs ont permit la départementalisation aux mahorais, mais ne l’ont jamais réalisé. Je suis fier d’être le président qui aura répondu à l’appel des mahorais de devenir français », a annoncé le président Nicolas Sarkozy. Ce dernier a annoncé la départementalisation, mais pas l’égalité, créant un problème de poids dans la vie des Mahorais.
Car qui peut reprocher aux Mahorais de se rendre à La Réunion pour avoir les droits que le gouvernement leur refuse dans leur pays ?
Agissant ainsi, Paris crée les conditions pour créer un appel à venir à La Réunion, ce qui débouche sur des problèmes tels que l’insalubrité dans laquelle ses nouveaux habitants sont contraints de vivre. Paris crée un problème et refuse de le résoudre, ce qui a des répercussions à La Réunion.

A la Une de l’actuNicolas SarkozyDidier Robert

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