Baisse de 10 points en 7 ans de la part consacrée aux investissements.

Budget de la Région Réunion plombé par des mesures clientélistes

14 décembre 2017, par Manuel Marchal

La Région Réunion examine aujourd’hui son budget. Il a été présenté mardi en conférence de presse. Il montre que 56 % est prévu pour l’investissement. C’est 10 points de moins que sous les prédécesseurs de Didier Robert qui avaient fixé comme règle que l’investissement représente 66 % des dépenses de la Région Réunion. Pour ces deux événements, « Témoignages » n’a pas été invité.

Mardi, la Région Réunion a présenté son projet de budget pour 2018. Il doit être débattu aujourd’hui en assemblée plénière. La collectivité indique qu’elle doit faire des économies. Elle affirme que la responsabilité en incombe à l’État. Les chiffres annoncés relativisent cette thèse.

Certes, comme les autres collectivités, le Conseil régional est concerné par les effets de la baisse des subventions versées par l’État au titre de la dotation globale de fonctionnement. Dans ce contexte contraint, des choix ont été faits. Ils ne vont pas dans le sens de l’emploi.

Ce qui ressort le plus, c’est la part des investissements dans ce budget. Une des raisons d’être de la Région, c’est l’investissement. Elle dispose en effet des compétences dans des domaines tels que les transports, l’économie, les lycées ou l’aménagement du territoire. Entre sa création sous sa forme actuelle en 1983 et 2010, les présidents qui se sont succédés n’ont pas dérogé à une règle d’or : deux-tiers du budget consacré à l’investissement, et un tiers au fonctionnement. Autrement dit : 66 %/34 %.

Ce qui a été annoncé mardi, c’est une part consacrée aux investissements égale à 56 %, et 44 % au fonctionnement. C’est donc une diminution de 10 points par rapport à ce qui était la norme avant 2010.

Dérive des dépenses de fonctionnement

Cette situation ne date pas des restrictions budgétaires imposées aux collectivités, elle est la conséquence de choix politiques. Dès son arrivée, la majorité présidé par Didier Robert a utilisé les fonds rendus disponibles par la gestion de Paul Vergès pour des mesures qui n’étaient pas de l’investissement. L’objectif était de se servir de cet argent public pour se construire une popularité. Ainsi, la Région Réunion s’est substituée à l’État pour financer ce qui est appelé la « Continuité territoriale ». Il est bien entendu que la continuité territoriale est une compétence de l’État. Elle existe pour la Corse. L’État verse chaque année une enveloppe destinée à diminuer le coût du transport des personnes et des marchandises entre la Corse et la France. Cela s’applique à tous les passagers, quel que soit leur lieu de résidence.

Sous la présidence de Jacques Chirac, un dispositif s’en inspirant pour les passagers a été étendu Outre-mer. L’enveloppe accordée à La Réunion était bien loin de celle consacrée à la Corse, à peine 8 millions d’euros contre 180 millions pour l’île méditerranéenne. La loi avait confié à la Région la gestion de cette somme, à la collectivité la responsabilité d’établir des critères qui devaient être validés ensuite par la Commission européenne. La mandature de Paul Vergès avait ciblé les personnes qui n’avaient pas les moyens de voyager, c’était l’aide sociale au voyage. Un Réunionnais non-imposable pouvait prétendre jusqu’à une aide de 500 euros. Face au succès du dispositif, l’État a refusé de payer ce qu’il devait aux Réunionnais. Le gouvernement était alors de la même tendance politique que l’adversaire de l’Alliance aux régionales, Didier Robert. Une fois ce dernier élu, Paris a de nouveau versé l’argent. La nouveauté était que la Région finançait également ce dispositif sur ses fonds propres. D’aide sociale il n’était plus question, les critères étaient considérablement élargis, afin que même des personnes qui ont des revenus bien suffisants pour voyager puissent bénéficier de l’aide publique versée aux compagnies aériennes.

Mesures clientélistes

L’objectif clientéliste de cette opération était clair. Il suffit de voir le hall de l’Hôtel de Région transformé en salle d’attente d’agence de voyage, le but étant de placer le Réunionnais dans une situation de demandeur d’une aide à la Région, alors que la continuité territoriale est pourtant un droit qu’il appartient à l’État de financer intégralement.

Aujourd’hui, le budget consacré par la collectivité à ce système est de plus de 30 millions d’euros, c’est le prix de la part régionale dans la construction d’un lycée.

L’autre volet de cette politique clientéliste est la distribution de bons de réduction de 500 euros pour acheter un ordinateur. Aucun critère social n’est exigé. Tous les ans, ce sont ainsi 9 millions d’euros qui sont versés indirectement à la grande distribution en grande partie, et aux revendeurs de matériel informatique.

Enfin, depuis 2010, les élus de l’opposition n’eurent de cesse de dénoncer les recrutements nombreux à la Région sous forme de membres du cabinet ou de chargés de mission. Ce sont autant d’embauches faites à la discrétion du président de Région, et cette nature discrétionnaire entretient également l’opacité sur les tâches accomplies par les membres de ce cabinet pléthorique.

À cela s’est ajouté les recrutements de TOS dans les lycées, dont beaucoup de contrats précaires. En 2010, tous les employés de la Région étaient titulaires, aujourd’hui c’est loin d’être le cas.

Toutes ces mesures entretiennent la dérive des dépenses de fonctionnement. Elles ne sont pas remises en cause.

Aux Réunionnais de payer

Le volet investissement mérite le détour. Une grande partie est consacrée au chantier de la route en mer. Ce qui signifie qu’il ne reste plus grand-chose pour la construction de routes, la modernisation du réseau routier ou la création de nouveaux lycées. Au cours des 7 dernières années, un seul lycée financé et inauguré est à mettre au crédit de la mandature alors qu’auparavant, le rythme de construction était de deux lycées tous les trois ans. Cette situation pénalise les élèves et aussi le secteur du BTP.

Pour cette branche de notre économie, la diminution des investissements a des effets désastreux. Depuis 2010, près de 10.000 emplois ont été supprimés. La situation est si grave que les syndicats et les patrons ont défilé ensemble pour alerter les pouvoirs publics.

Il est à noter que la baisse de la dotation de l’État est une justification qui pourrait être utilisée pour faire passer la hausse de taxes dont le montant est fixé par la Région. Ce serait donc aux Réunionnais de passer à la caisse pour financer de graves dérives dans les dépenses de fonctionnement.

M.M.

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