Le Réseau d’Alerte sur les Inégalités et le bilan des gouvernements Raffarin - 2 -

C.S.G., exonérations, prime pour l’emploi : nouveaux reculs du salaire socialisé

28 décembre 2004

Récemment, le Réseau d’Alerte sur les Inégalités a publié un rapport sur le bilan des divers gouvernements Raffarin. Des gouvernements qui ’mènent une politique au service d’intérêts particuliers, comme aucun gouvernement n’a osé le faire en France dans les décennies récentes’. Hier nous avons commencé à examiner ce bilan sous l’aspect fiscal, où l’on voit comment par le système des impôts on peut enrichir les plus riches en prenant sur les plus pauvres. Aujourd’hui, voyons encore mieux comment cela se traduit dans la vie quotidienne des gens.

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À terme, dans l’optique libérale, les salariés ne devraient être rémunérés que lorsqu’ils sont directement productifs. Pour le reste, les entreprises seraient exemptées de toute contribution, et ce serait à l’État de financer et de verser des prestations aux chômeurs, retraités, malades, etc. De nombreuses réformes - mises en place par différents gouvernements de sensibilités politiques pourtant différentes - s’inscrivent dans cette logique.
Ainsi la C.S.G. (contribution sociale généralisée) : avec un produit de 62 milliards d’euros en 2001, elle représente aujourd’hui un prélèvement nettement plus important que l’impôt sur le revenu (53 millions d’euros en 2001). Elle est assise à 88% sur les revenus du travail (salaires, traitements, retraites, pensions) et seulement pour environ 10% sur les revenus de l’épargne.

La manne des exonérations

La CSG a aujourd’hui totalement remplacé la part salariée des cotisations sociales pour la maladie et la famille. De même, les exonérations de cotisations sociales : la loi Fillon sur “l’assouplissement des 35 heures” de 2003, dans la même logique que les lois Aubry, organise de nouvelles exonérations.
Les politiques publiques de l’emploi s’inscrivent constamment dans la logique d’une diminution du “coût” du travail, sans aucune exigence en termes de créations d’emplois, ni même désormais en termes de réduction du temps de travail. Pire encore, la loi Fillon “récompense” les entreprises qui avaient mené la guérilla contre la réduction du temps de travail et refusé de passer à 35 heures, en leur attribuant des exonérations particulièrement avantageuses.
Le coût total des exonérations Aubry + Fillon est de près de 18 millliards d’euros en 2004. Une vraie manne pour les possédants.

Une machine de guerre contre le SMIC

La prime pour l’emploi est une forme d’impôt négatif, dont l’objectif essentiel est de lutter contre les “trappes à inactivité”. Selon cette conception, l’écart entre les revenus d’activités et les minima sociaux serait trop faible pour inciter les chômeurs à reprendre un emploi. L’idée consiste donc à accorder à ceux qui travaillent un complément de revenu afin de rendre le travail “plus attractif”.
Cette mesure va en fait dans le sens d’une déresponsabilisation des entreprises du point de vue de la situation de l’emploi et des salaires. Selon les dominants, la responsabilité première du chômage appartiendrait aux chômeurs, qui, sur la base d’une comparaison entre les niveaux des rémunérations et des minimas sociaux, refuseraient de reprendre une activité professionnelle !
La prime pour l’emploi peut apparaître à des familles de salariés mal rémunérés comme un ballon d’oxygène. Pourtant elle constitue surtout une véritable machine de guerre contre le SMIC.

(à suivre)


Tromperie sur la P.P.E.

En France, le patronat réclame la fin de toute politique des salaires au profit d’une politique des revenus. Dans ce projet, le patronat fixerait de manière totalement libre le niveau des salaires, l’État ayant alors pour responsabilité d’assurer l’existence d’un revenu minimum. L’État verserait alors un “complément de rémunération” qui viendrait s’ajouter au salaire versé sous la forme d’un impôt négatif du type “prime pour l’emploi” (PPE).
Dès lors, on comprend mieux pourquoi le gouvernement Raffarin, non seulement ne remet pas en cause la mécanique de la prime pour l’emploi, mais entend même la renforcer. Ainsi, la Loi de Finances 2004 a revalorisé la PPE, laquelle a bénéficie à 8,5 millions de personnes. Cette revalorisation fut même une des “mesures-phare” du gouvernement pour atténuer l’impact jugé négatif de la baisse de l’Impôt sur le revenu, qui est apparue comme un “cadeau aux riches”.
Mais il ne s’agit ici que d’affichage : la PPE fut bien inférieure aux montants annoncés (500 millions d’euros). Exclusion faite des mesures d’acompte (une avance de trésorerie) et de revalorisation indexée sur la hausse des prix (hors tabac) et des salaires, le relèvement des taux de la PPE, qui seul, résulte d’une décision politique nouvelle, n’a porté, en réalité, que sur 80 millions d’euros. Il y a un abîme du discours aux réalités.


Qui profite des baisses d’impôt ?

Les baisses de l’impôt direct avantagent toujours plus les mêmes. Il suffit pour s’en convaincre d’examiner les nouveaux dispositifs fiscaux adoptés sous l’égide de Francis Mer et que Nicolas Sarkozy a reconduits. En premier lieu l’impôt sur le revenu : tous les gouvernements qui ont dirigé la France et l’Outre-mer depuis quinze ans - Balladur, Juppé, Jospin, Raffarin - ont procédé à des baisses significatives des impôts et notamment de l’impôt sur le revenu (IR). La nouveauté est la remise en cause de l’Impôt de Solidarité sur la Fortune, au nom (soi-disant !) de la lutte pour l’emploi...
Ces réductions de l’impôt s’inscrivent dans un contexte marqué par le dogme libéral selon lequel les prélèvements obligatoires seraient trop élevés en France, et l’impôt progressif sur le revenu en particulier, taxant les citoyens les plus dynamiques, serait un frein à l’innovation et à l’esprit d’entreprise. Trop d’impôt tuerait l’impôt !
Or, T. Piketty a montré dans “Les Hauts Revenus en France au 20ème siècle / Inégalité et redistribution”, que la réduction de l’IR n’a pas d’effet pour la relance de la consommation. En outre, son étude montre qu’un accroissement de l’impôt sur le revenu n’a pas d’effet négatif sur la base taxée et donc sur les rentrées fiscales : de façon systématique, une hausse du taux marginal d’imposition se traduit par une hausse équivalente et durable des recettes de l’Etat.
Pourtant, ces dernières années, l’impôt sur le revenu n’a cessé d’être attaqué. Rappelons que le candidat Chirac s’est engagé à diminuer l’impôt sur le revenu de 30% entre 2002 et 2007, et a depuis confirmé son intention. La majorité gouvernementale s’attaque frontalement à la progressivité de l’impôt et s’appuie sur une conception étriquée d’une fiscalité dont le but serait le financement par l’État d’une poignée de missions régaliennes, sans considération de justice sociale.
Au nom de la neutralité économique, la redistribution et l’action économique de l’État sont donc remises en cause, la fiscalité étant l’instrument essentiel au service d’une minorité de ménages aisés et des entreprises.
En réalité, seul un impôt progressif permet la réduction des inégalités sociales en organisant la redistribution des richesses produites et détenues. Or les inégalités sont importantes en France et Outre-mer. Et elles ne cessent de se creuser. Pourtant, c’est cet impôt progressif qui ne cesse d’être attaqué. Ces mesures fiscales profondément inégalitaires servent, en fait, les intérêts de la “France d’en haut”.
Il faut rappeler que près d’un ménage sur deux, ne paye pas d’impôt sur le revenu, ne bénéficiera donc pas de la baisse d’impôt. Seuls les ménages disposant de revenus suffisants, et donc payant l’impôt, bénéficieront de la baisse.
La Cour des comptes, dans son rapport d’exécution budgétaire de l’année 2002, a ainsi montré que les 10% des ménages les plus aisés avaient bénéficié de 69% de la baisse de 5% décidée pour l’année 2002.
De fait, les baisses successives de l’IR ont augmenté la propension à épargner des ménages aisés, mais n’ont pas augmenté la capacité de consommer des contribuables peu ou pas imposables. La baisse de l’impôt sur le revenu ne sera donc pas favorable à la croissance économique ni à l’emploi, mais seulement aux placements financiers des couches aisées.
L’impôt de solidarité sur la fortune est lui aussi allégé, dans le cadre de la “Loi pour l’initiative économique”. La méthode a été également éprouvée dans d’autres lois, toutes votées durant l’été 2003, qui comportent des dispositifs fiscaux (Loi d’orientation pour l’outre-mer, Loi urbanisme, habitat et construction, Loi rénovation urbaine) pour un coût global de 430 millions d’euros sur 2004, dont le bénéfice est, de fait, réservé aux ménages aisés.


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