Quand un membre du gouvernement expliquait pourquoi le nombre de contrats-aidés augmentait les années électorales

« Ça fait 20 ans que c’est ainsi : on pousse avant les élections, on freine après »

3 mars 2012, par Manuel Marchal

Le 5 décembre 2007, le préfet Maccioni avait dénoncé les « contrats magouille ». Deux mois plus tard, le Haut Commissaire aux solidarités actives confirmait que la hausse du nombre des emplois aidés avant chaque élection présidentielle est une habitude. Voilà qui replace dans son contexte l’augmentation du nombre d’emplois financés par l’État annoncée hier. Ce gouvernement et ses complices croient-ils qu’un travail n’est pas un droit, mais une dette envers celui qui le fournit ?

34% de hausse par rapport à l’an dernier : c’est l’augmentation du nombre de contrats-aidés co-financés par l’État au premier semestre révélée par le "JIR" d’avant-hier. Hier, le préfet a présenté des mesures exceptionnelles pour l’emploi, dont 1.000 contrats aidés pour les jeunes.
Si ces informations sont replacées dans leur contexte, elles n’étonnent personne. 2012 est une année d’élection présidentielle, et ce n’est pas la première fois qu’un gouvernement augmente son effort dans le financement des emplois aidés lors d’une année électorale.
Le 5 décembre 2007, lors d’une assemblée plénière du Conseil général, le préfet Maccioni avait fustigé les « contrats magouille ». Pareille affirmation dans une assemblée qui regroupe une partie des employeurs des contrats aidés n’avait pas suscité de réaction immédiate. Dans le passé, certains élus peu scrupuleux n’avaient pas hésité à utiliser des embauches massives pour espérer se faire réélire. Ce fut le cas de Virapoullé à Saint-André ce qui amena une annulation du scrutin. D’ailleurs, ce type de comportement est toujours là à en croire Margarette Murcy, présidente de Valcoré. Dans un courrier adressé au préfet, elle avait demandé au représentant de l’État de s’intéresser aux 200 contrats attribués à Sainte-Suzanne quelques semaines avant les dernières élections.

L’aveu d’un membre du gouvernement

Lorsqu’en décembre 2007, un préfet dénonce les « contrats magouille », l’explication vient deux mois plus tard à l’occasion de la visite de Martin Hirsch. Le Haut commissaire aux Solidarités actives participe en février 2008 au Grenelle de l’Insertion au Conseil général.
Dans une interview publiée le 8 février 2008 dans "le Quotidien", le membre du gouvernement apporte un éclairage sur les propos du préfet. Le budget 2008 de l’État prévoit en effet une réduction de sa contribution dans le financement des emplois-aidés. Martin Hirsch donne alors une explication très simple : « parce qu’on les avait un peu gonflés à cause des élections. Ça fait 20 ans que c’est ainsi : on pousse avant les élections, on freine après ».
Mais il est à noter que cette hausse pré-électorale n’avait pas été répartie uniformément à La Réunion alors que la lutte contre le chômage concerne toujours toutes les collectivités.
En 2006, Le Port avait reçu 744.000 euros de l’État au titre du co-financement des emplois-aidés. En 2007, l’année électorale, l’État baissait de près de 30% sa contribution : plus que 523.000 euros. 200.000 euros de moins alors qu’au total, le soutien de l’État aux contrats subventionnés avait augmenté. Le lien entre la couleur politique et l’évolution de l’effort de l’État était-il fortuit ?
Voilà en tout cas de quoi alimenter les spéculations sur le silence des élus deux mois plus tôt, quand le préfet avait dénoncé les "contrats magouille", car en 2007, le groupe majoritaire du Conseil général soutenait la politique du gouvernement, et son candidat s’appelait Sarkozy.

Un travail c’est un droit, pas une dette

Comme en 2007, l’histoire se répète : il faut attendre l’année de l’élection présidentielle pour que le gouvernement donne davantage de moyens pour créer des emplois. Dans ces conditions, la transparence la plus grande sur la répartition géographique de l’aide de l’État est nécessaire, car nous sommes bel et bien entrés en campagne, et le chef de l’État est devenu le candidat d’un parti. Il ne faudrait donc pas que les moyens de l’État soient utilisés de manière partisane.
Voilà également qui en dit long sur la considération du pouvoir parisien envers les Réunionnais. Car s’il attend la proximité de la présidentielle pour ouvrir les vannes des emplois-aidés, veut-il signifier qu’il estime que pour un Réunionnais, un travail n’est pas un droit, mais une dette envers celui qui le fournit ? Attend-il des Réunionnais une reconnaissance de dette traduite par un vote pour l’ami de Didier Robert ?
Pour en finir avec ces méthodes vieilles de 50 ans, faisons dégager Sarkozy et ce gouvernement dans 50 jours.

Manuel Marchal

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